Les Nouveaux Messieurs – de Jacques Feyder – 1928
© La Cinémathèque française
Une danseuse sans grand talent de l’opéra de Paris devient Etoile grâce à ses protecteurs : un député de droite et un Ministre.
Un syndicaliste perd son innocence, ses valeurs et son amour en devenant Ministre.
Un député de droite austère et réactionnaire gagne en humanité en privilégiant son amour…
On peut ainsi raconter Les Nouveaux Messieurs de plusieurs manières, en adoptant tour à tour les points de vue des trois personnages (Gaby Moralay, Albert Préjean et Henry Roussel, excellents) de ce triangle amoureux dans les coulisses du pouvoir. C’est d’ailleurs ce que fait Feyder, dans un film étonnant et constamment inattendu, porté par une mise en scène d’une infinie délicatesse : une fleur un peu flétrie posée délicatement sur un sac à main luxueux suffit à évoquer le trouble naissant de la jeune danseuse, déchirée entre ces deux hommes si différents…
Jacques Feyder signe une peinture pleine de vie des dessous de l’Opéra de Paris (la reconstitution est fascinante) et des arcanes de la politique, dans ce qui est aussi une gentille satire de la république et de ses excès. Mais Les Nouveaux Messieurs n’est pas à proprement parler un film politique : Feyder met en scène des politiques de gauche et de droite qui n’ont de différents que leur aspect physique et leurs manières, mais qui utilisent les mêmes méthodes, les mêmes éléments de langage. Les débats, animés, sont d’ailleurs privés de leur substance et réduits à l’opposition gauche-droite, par l’utilisation d’intertitres rigolards.
Le film fait peu de cas de la politique et de ses figures obligées. Si critique il y a, c’est plus celle de l’ambition et du pouvoir qui coupent des réalités. La conclusion, en cela, est très inattendue, pour un film qui reste une œuvre légère.
Un film au rythme curieux, qui commence sur un ton faussement nonchalant, évitant toute accélération et tout effet facile. Mais plus le personnage du syndicaliste (joué par Préjean) s’enfonce dans la politique, plus le rythme s’accélère, tantôt agressif, tantôt comique, se rapprochant même du slapstick américain.
Au final, Les Nouveaux Messieurs laisse un sentiment désabusé. Un regard plein d’humour et de cynisme posé sur le monde du pouvoir qui, visiblement, ne laisse à Feyder aucune illusion…
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