Amok – de Fedor Ozep – 1934
Le début du film est étourdissant. pendant près de quinze minutes, quasiment muettes, Fedor Ozep met en scène un type au bord de la folie : un médecin vivant reclus depuis cinq ans dans un marécage perdu au fond du fond d’un lointain pays tropical. Un type qui paie on ne sait quelle erreur du passé, et qui noie son mal-être dans l’alcool, souffrant de la solitude et de la chaleur moite, ne côtoyant que des indigènes ou des rebus de la société avec lesquels il ne peut rien partager, cultivant une attirance manifeste pour la mort.
Rarement un cinéaste aura su filmer aussi bien la moiteur pesante des tropiques, et la menace de la folie. Cette folie qui guette est parfaitement perceptible, prenant même des allures surnaturelles : ces plans de statues inquiétantes qui apparaissent régulièrement, et qui semblent littéralement envoûter l’un des villageois, qui se transforme en fou meurtrier lors d’une séquence d’anthologie, qui suffit à planter le décor et à dessiner la plupart des personnages de cette histoire…
C’est l’esprit de la mort, cette folie qui guette et que l’on appelle Amok, et qui pèse constamment sur ce très beau film. L’apparition d’une femme (Marcelle Chantal) dans le quotidien du médecin (Jean Yonnel, le fou — déjà — de Obsession), qui lui semble durant un court moment être une bouffée d’air frais, ne fera que donner du poids à cet esprit de la mort.
Elle vient le voir pour se faire avorter, avant le retour de son mari, absent depuis un an. Mais ces deux êtres ne se comprennent pas, se méprisent, s’insultent, se détestent. Mais pour le médecin, c’est trop tard. Lui qui pensait pouvoir continuer cette non-vie est obnubilé par cette belle femme que, désormais, il va supplier de lui pardonner. Un type qui a vécu trop longtemps trop loin de la société, et qui devient pathétique, perdant toute fierté.
C’est bien lui qui est au cœur de ce film, belle adaptation oubliée d’un roman du grand Stefan Zweig. Le film est comme son réalisateur, cinéaste russe exilé en France et qui devra s’exiler de nouveau en 1940, avant de mourir prématurément à 54 ans : il mérite d’être redécouvert.
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