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Archive pour le 6 avril, 2013

Amok – de Fedor Ozep – 1934

Posté : 6 avril, 2013 @ 4:43 dans 1930-1939, OZEP Fedor | Pas de commentaires »

Amok - de Fedor Ozep - 1934 dans 1930-1939 amok

Le début du film est étourdissant. pendant près de quinze minutes, quasiment muettes, Fedor Ozep met en scène un type au bord de la folie : un médecin vivant reclus depuis cinq ans dans un marécage perdu au fond du fond d’un lointain pays tropical. Un type qui paie on ne sait quelle erreur du passé, et qui noie son mal-être dans l’alcool, souffrant de la solitude et de la chaleur moite, ne côtoyant que des indigènes ou des rebus de la société avec lesquels il ne peut rien partager, cultivant une attirance manifeste pour la mort.

Rarement un cinéaste aura su filmer aussi bien la moiteur pesante des tropiques, et la menace de la folie. Cette folie qui guette est parfaitement perceptible, prenant même des allures surnaturelles : ces plans de statues inquiétantes qui apparaissent régulièrement, et qui semblent littéralement envoûter l’un des villageois, qui se transforme en fou meurtrier lors d’une séquence d’anthologie, qui suffit à planter le décor et à dessiner la plupart des personnages de cette histoire…

C’est l’esprit de la mort, cette folie qui guette et que l’on appelle Amok, et qui pèse constamment sur ce très beau film. L’apparition d’une femme (Marcelle Chantal) dans le quotidien du médecin (Jean Yonnel, le fou — déjà — de Obsession), qui lui semble durant un court moment être une bouffée d’air frais, ne fera que donner du poids à cet esprit de la mort.

Elle vient le voir pour se faire avorter, avant le retour de son mari, absent depuis un an. Mais ces deux êtres ne se comprennent pas, se méprisent, s’insultent, se détestent. Mais pour le médecin, c’est trop tard. Lui qui pensait pouvoir continuer cette non-vie est obnubilé par cette belle femme que, désormais, il va supplier de lui pardonner. Un type qui a vécu trop longtemps trop loin de la société, et qui devient pathétique, perdant toute fierté.

C’est bien lui qui est au cœur de ce film, belle adaptation oubliée d’un roman du grand Stefan Zweig. Le film est comme son réalisateur, cinéaste russe exilé en France et qui devra s’exiler de nouveau en 1940, avant de mourir prématurément à 54 ans : il mérite d’être redécouvert.

L’Attaque de Fort Douglas (Mohawk) – de Kurt Neumann – 1956

Posté : 6 avril, 2013 @ 4:40 dans 1950-1959, NEUMANN Kurt, WESTERNS | Pas de commentaires »

L'Attaque de Fort Douglas (Mohawk) - de Kurt Neumann - 1956 dans 1950-1959 lattaque-de-fort-douglas

Il y a beaucoup de plans absolument magnifiques dans ce petit western : une course à pied à travers les bois, l’attaque d’un fort à la tombée de la nuit, des Indiens en marche… Autant de passage qui sont la signature d’un grand formaliste. Un génie, Kurt Neumann ? Ben non, tous ces plans ont été tournés par John Ford, quasiment vingt ans avant le film de Neumann. Car ce Mohawk, minuscule production tournée par un réalisateur au talent très minimaliste, compte bien quinze minutes (sur une heure quinze) de stock shots, tous issus de Sur la piste des Mohawk. Des scènes entières, même, sont tirées du chef d’œuvre de Ford.

Ce n’est évidemment pas un cas unique : des tas de petits films tournés à la va-vite dans les années 50 piochent dans les archives du studio pour donner une plus grande ampleur à des budgets riquiquis. Parfois, le résultat est édifiant (Les Envahisseurs de la Planète rouge m’avait beaucoup fait rire). Mais pour Mohawk, Neumann utilise non pas des plans coupés, ou de simples contre-champs : il intègre des séquences entières du film de Ford.

Le problème, évidemment, est un manque de continuité flagrant entre les images originales, et celles tournées vingt ans plus tôt. Et ce n’est pas difficile de faire le distingo entre ce qu’on doit à Ford, magnifiquement cadré et éclairé, et hyper dynamique, et les images de Neumann, statiques et froides, qui manquent totalement de contraste, avec des acteurs caricaturaux, et des costumes qui enterrent absolument tout. Ceux des Indiens, surtout, qui semblent sortis des ateliers d’un grand couturier. C’est bien seyant, mais on n’est quand même pas loin du ridicule…

Cela dit, ce western sans grand intérêt se regarde avec un petit plaisir, lié surtout à ce personnage plutôt original interprété par Scott Brady : un peintre (plutôt rare, dans le genre) tiraillé entre trois femmes très belles et très différentes. Oublions le contexte historique de cette Amérique en pleine construction (pour ça, mieux voir et revoir Drums along the Mohawk). Le film vaut surtout pour ce marivaudage charmant et gentiment sexy.

Ces amours-là – de Claude Lelouch – 2010

Posté : 6 avril, 2013 @ 4:35 dans 2010-2019, LELOUCH Claude | Pas de commentaires »

Ces amours-là – de Claude Lelouch – 2010 dans 2010-2019 ces-amours-la

Claude Lelouch pensait-il que ce film serait son dernier ? A 73 ans, son quarante-troisième film a en tout cas des allures de film-testament, en tout cas de film-somme. C’est celui de ses films où lelouch imbrique le plus intimement sa propre vie, son cinéma, et les thèmes qui l’ont toujours fasciné.

Ces amours-là, c’est du pur Lelouch, bien sûr : lui seul pouvait signer ce portrait d’une pure amoureuse, qui traverse les événements les plus tragiques du XXème siècle guidée par sa seule propension à tomber amoureuse. Pour ce rôle central, le cinéaste retrouve Audrey Dana, belle actrice qu’il avait déjà dirigée dans Roman de gare, son précédent film.

Il retrouve aussi la Seconde guerre mondiale, déjà au cœur de beaucoup de ses films (Partir Revenir, Les Misérables, Les uns et les autres…) : une grande partie du film se déroule à Paris durant l’Occupation. D’ailleurs, dans ce film qui se veut aussi un auto-hommage à cinquante ans de cinéma, Lelouch reprend de nombreux plans, ou séquences, tirés de ses propres films : un parachutage sorti des Misérables, un match de boxe extrait d’Edith et Marcel…et le début, hommage au cinéma muet, tiré de Toute une vie.

Ces amours-là est d’ailleurs, en quelque sorte, une suite de ce film, en reprenant quelques personnages. On y retrouve aussi la même envie de Lelouch de crier son amour pour le cinéma, omniprésent tout au long du film à travers la trajectoire de cette projectionniste qui deviendra la propriétaire du cinéma Eden Palace.

L’amour mène à tout pour Lelouch, même à l’inacceptable : coucher avec un Allemand, tuer son meilleur ami. Ilva passe sa vie à placer l’amour au-dessus de tout, de là à imaginer que Lelouch dresse une sorte d’auto-portrait. D’ailleurs, le cinéaste semble se livrer plus que dans aucun autre film.

On l’a déjà vu apparaître dans ses films, dans son propre rôle, créant une mise en abîme souvent enthousiasmante. Ici, il va plus loin : il filme le jeune Claude Lelouch, ce gamin juif qui, durant l’Occupation, passait ses journées dans un cinéma où sa mère, recherchée par la Gestapo, le cachait ; puis cet adolescent, sosie du jeune Lelouch, commençait à filmer tout ce qui l’entourait.

Malgré les tragédies, malgré les horreurs, malgré les douleurs, il y a de la vie dans ce film, à l’image de ce beau personnage d’avocat-pianiste qui, malgré toutes les épreuves, trouve la force de vivre intensément. C’est une bonne nouvelle : les échecs, les critiques, les difficultés à monter ses films, n’ont entamé en rien l’enthousiasme de Lelouch, et son envie de filmer la vie, plus belle, plus bouillante, plus musicale que la vraie.

La Rue rouge (Scarlet Street) – de Fritz Lang – 1945

Posté : 6 avril, 2013 @ 9:08 dans * Films noirs (1935-1959), 1940-1949, LANG Fritz | Pas de commentaires »

La Rue rouge (Scarlet Street) – de Fritz Lang – 1945 dans * Films noirs (1935-1959) la-rue-rouge

Un an après La Femme au portrait, Fritz Lang en signe un film jumeau, reprenant le même trio d’acteurs (Edward G. Robinson, Joan Bennett, Dan Duryea), la même atmosphère de film noir, la même construction, et la même importance de la peinture.

En l’occurrence : un employé de banque sans histoire, qui s’ennuie dans sa vie, rencontre une jeune femme qu’il croit sauver d’un malfrat. Séduit par cette beauté, et cédant à la folle pensée qu’il pourrait lui plaire aussi, lui qui n’a jamais pris dans ses bras une jeune beauté, il s’attache à elle. Mais elle et son ami (le malfrat) profitent de sa gentillesse, jusqu’au point de non retour.

L’une des scènes clés du film est la première discussion, anodine, entre Robinson et Bennet. Mais de cette discussion anodine va naître une double confusion, qui sera fatale à tous les protagonistes. Lui, peintre du dimanche, se persuade qu’elle est une pauvre actrice célibataire et courageuse. Elle croit comprendre qu’il est un artiste très côté dont il peut soutirer l’argent sans risque. Cette séquence, d’une simplicité totale, est aussi d’une grande intelligence : rares sont les quiproquos qui ont été amenés avec une telle évidence…

La construction du film, d’ailleurs, est l’une des plus brillantes de toute l’histoire du cinéma, transcendant La Chienne de Jean Renoir, dont le film est un remake. D’un acte héroïque un peu grotesque (Robinson défend Bennet et se cache derrière son parapluie, persuadé qu’il va se prendre une raclée), Lang décrit la trajectoire tragique d’un monsieur tout le monde.

C’était déjà le cas dans La Femme au portrait, mais il y a des différences aussi énormes que les similitudes, entre les deux films. Là où il y avait encore un peu d’optimisme (le rebondissement final du précédent film) et de bonté (le personnage de Joan Bennett était bien différent), Lang n’adopte plus qu’un noir abyssale. Bennett et Duryea sont des monstres d’insensibilité, et la descente aux enfers de Robinson est sans retour possible.

Lang, mine de rien, donne une dimension extraordinaire à ses personnages. Il excelle ainsi à filmer le mal-être de ce type trop normal, lors d’une scène d’ouverture qui, pour une raison obscure, fait froid dans le dos : une fête de travail où toute la gentillesse, toute la bonté, paraissent étouffer ce quinquagénaire plein de regrets, mais qui n’attend plus grand-chose de la vie.

C’est un chef d’œuvre, avec des acteurs fabuleux, et quelques séquences d’anthologie (le crime d’Edward Robinson, inoubliable), qui se termine par la représentation la plus traumatisante de la culpabilité. Lang, même lorsqu’il se répète (volontairement), est un cinéaste immense.

De la Terre à la Lune (From the Earth to the Moon) – de Byron Haskin – 1958

Posté : 6 avril, 2013 @ 9:04 dans 1950-1959, FANTASTIQUE/SF, HASKIN Byron | Pas de commentaires »

De la Terre à la Lune (From the Earth to the Moon) – de Byron Haskin – 1958 dans 1950-1959 de-la-terre-a-la-lune

Une adaptation libre et un peu toc du roman de Jules Verne. Byron Hasin, cinéaste honnête à qui on doit notamment le classique La Guerre des mondes, s’inscrit ici dans la lignée des dizaines de films de SF tournés au cours de cette décennie, la plupart sans le sou et sans imagination. Lui a un peu plus d’argent que la moyenne, se base sur une solide histoire, et bénéficie de deux têtes d’affiche plutôt prestigieuses : Joseph Cotten et George Sanders.

Mais Cotten et Sanders, vieillissants et visiblement livrés à eux-mêmes, ont rarement été aussi peu convaincants, sortant sans y croire des dialogues d’un autre temps.

L’antagonisme de ces deux scientifiques ne manque pourtant pas d’intérêt : Joseph Cotten en génie malade qui invente le plus puissant des explosifs, George Sanders persuadé que son invention va mener le monde à sa perte. Finalement, tous deux vont s’associer, et se servir de cette puissance nouvelle pour envoyer une fusée (avec eux à bord) sur la Lune. A partir de là, la construction et le suspense sont classiques : les deux scientifiques s’affrontent, sortent des dialogues incompréhensibles et manipulent avec un air concentré d’étranges objets (censés nous montrer que c’est drôlement compliqué, une fusée) ; une jeune femme s’invite à bord de la fusée et d’amourache du jeune second…

Rien de bien neuf, et tout ça est filmé avec une maladresse parfois confondante. Surtout, le film se veut une réflexion (anachronique : l’action se déroule en plein XIXème siècle) sur l’utilisation de l’arme atomique : menace sur le monde, ou moyen de maintenir la paix par la peur ? Alors que la guerre froide prend de l’ampleur, Byron Haskin a visiblement choisi son camp, et ce n’est pas forcément celui auquel on s’attendait.

 

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