Ville portuaire (Hamnstad) – de Ingmar Bergman – 1948
On a tendance à sous-estimer l’œuvre de jeunesse de Bergman, au profit de ses grands classiques (à partir des Fraises sauvages et du Septième Sceau). A tort : moins austères, plus influencés par le réalisme poétique française et le néo-réalisme italien, ses premiers films portent déjà la marque de l’immense cinéaste et ses obsessions : le poids des non-dits dans le couple, ou l’inquiétude quant aux dérives de la société.
Ces deux thèmes sont au cœur de Ville portuaire, superbe portrait de deux jeunes gens marqués, à leur manière, par le puritanisme de cette société suédoise. Elle parce que cette société lui interdit de tirer un trait sur un passé difficile. Lui parce qu’il est incapable de se placer au-dessus des convenances que lui impose cette même société.
Le film commence par une tentative de suicide : la jeune Berit plonge dans l’eau d’un port, et est sauvée par un docker qui passait par là. Le soir même, elle est abordée par un autre docker, Gösta, dans une soirée peuplée de solitudes. Entre ces deux-là, c’est vite l’amour fou, gangrenée par des règles et des silences qui dépassent les pulsions du cœur.
Le plus beau dans ce film de jeunesse, ce sont ces longs plans séquences qui suivent cette gamine éprise de liberté et d’amour (précurseur de Monika), constamment étouffée par des collègues de travail qui profitent de sa réputation de fille facile pour jouer avec elle comme on jouerait d’un objet, ou par une mère castratrice dont la présence (aimante à sa façon) est d’une cruauté insupportable. Bergman réussit parfaitement à illustrer le caractère oppressant de la vie de Berit.
Mais il y a de l’espoir qui déborde, dans ce film. Berit et Gösta ont pour eux leur jeunesse, et leur amour. Les liens qui les unissent à leur passé et à leur cadre de vie (belle peinture de ce port gorgé de vie) sont solides, mais le jeune Bergman est un optimiste réaliste : même s’il est impossible de faire table rase du passé, tout est possible, pour deux jeunes gens qui s’aiment.
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