Vengeance (Fuk sau) – de Johnnie To – 2009
Il y a deux postures possibles face à Vengeance : on peut au choix saluer l’élégance et l’intelligence de la mise en scène, digne du cinéaste de The Mission ; ou se tordre de rire (ou de douleur) face à un scénario débile et un Johnny Hallyday grotesque.
Ce n’est pas tant que Johnny est un mauvais acteur. C’est surtout qu’il tient plus de la momie que de l’être humain. Difficile d’imaginer autre chose que la star hors du temps de la chanson française, voire même que sa vieille marionnette des guignols, à laquelle, quand même, il ressemble de plus en plus.
Avoir choisi Johnny pour ce rôle d’un ancien tueur à gages qui débarque à Macao pour venger les assassins de la famille de sa fille (Sylvie Testud, étrange apparition qui n’a rien à jouer, mais le fait plutôt bien) est, bien sûr, la pire erreur du film. A l’origine, Johnnie To voulait Alain Delon, et on voit bien pourquoi : le personnage de Francis Costello est clairement inspiré par celui du Samouraï (Jeff Costello), le film-culte de tout un tas de cinéastes de Hong Kong (le John Woo de The Killer, déjà…). Même mutisme, même chapeau vissé sur la tête, même dégaine.
Delon, qui a un flair incroyable pour éviter soigneusement tout ce qui pourrait ajouter une ligne glorieuse à son CV (on rappelle qu’il venait alors de tourner Astérix aux Jeux Olympiques ?), refuse le projet, et Johnnie To se tourne alors vers une autre icône. Et notre Johnny devient le seul acteur du monde à avoir tourné un western spaghetti avec Sergio Corbucci (Le Spécialiste) et un polar avec Johnny To. Et peu importe s’il s’agit, dans les deux cas, des plus faibles de leur auteur…
Quant à l’histoire de vengeance, elle n’est ni pire, ni meilleure que les arguments habituels des polars hong-kongais. Mais quelques choix curieux plombent le film : pourquoi avoir fait du personnage principal un type à la mémoire qui flanche ? Un enjeu « bis » qui n’apporte qu’une touche de ridicule dont on aurait pu se passer. A propos de ridicule, la séquence où Johnny prie à genoux face à la mer est pas mal : une prière si longue qu’il laisse la marée lui monter jusqu’au cou sans broncher !
Pourtant, Vengeance reste un film hautement recommandable. Même en roue libre, Johnnie To est un prince, et sa mise en scène est d’une intelligence et d’une efficacité remarquables. Entourés de ses acteurs habituels (Anthony Wong et Lam Suet en tête), il signe quelques grandes scènes formidablement tendus. La meilleure : une fusillade dans un bois plongé dans la nuit, où les coups de feu s’arrêtent lorsque les nuages couvrent la pleine lune. Là, le génie de To, sa science de l’espace et du temps, réapparaissent comme dans ses meilleurs films. Et ça, ça vaut bien quelques éclats de rire involontaires…
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