Le Tombeau hindou (Das Indische Grabmal) – de Fritz Lang – 1959
Seconde partie d’un diptyque entamé par Le Tigre du Bengale. Renouant avec l’esprit feuilleton du cinéma muet, Lang avait laissé son couple vedette au bord de la mort : inconscients au milieu du désert, en pleine tempête de sable. Un cliffhanger que n’aurait pas renié le Lang du Docteur Mabuse.
Ce n’est d’ailleurs pas la seule réminiscence de l’œuvre muette du cinéaste. Les intrigues et complots qui agitent la ville indienne d’Eschnapur, dirigée par un maharadjah prêt aux pires atrocités pour assouvir sa vengeance, rappellent la seconde partie d’un autre diptyque de Lang : Les Niebelungen. Et les lépreux réduits à vivre enfermés sous la cité font évidemment penser aux ouvriers de Metropolis.
Sauvés de la mort, nos amoureux restent étrangement au second plan, durant la plus grande partie de ce second film. Pourtant, Debra Paget dévore l’écran. Sa beauté lumineuse transforme en chef d’œuvre une scène qui aurait pu tomber dans le grotesque : lorsque, quasiment nue, elle danse face à un serpent de caoutchouc mal animé par deux câbles bien visibles. Sa beauté et sa grâce sont telles qu’on est fasciné. Un rien troublé, même.
Mais l’actrice n’est pas qu’une beauté. La manière dont elle marche vers son mariage forcé, fière et titubant à la fois, est digne des plus grandes actrices.
Les autres acteurs ne sont pas tout à fait à la hauteur, peut-être. Mais la mise en scène de Lang est constamment inspirée, faite de fulgurances (magnifique plan à travers une toile d’araignée) et de longues séquences qui étirent au maximum le suspense, notamment dans les souterrains, formidables décors de cinéma magnifiquement utilisés par Lang.
Le retour du cinéaste en Allemagne est décidément une opportunité pour lui de renouer avec sa jeunesse : après ce diptyque indien, Lang ne tournera plus qu’un seul film, un troisième Mabuse.