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Archive pour le 1 mars, 2013

Le Quai des brumes – de Marcel Carné – 1938

Posté : 1 mars, 2013 @ 3:07 dans 1930-1939, CARNÉ Marcel, GABIN Jean | Pas de commentaires »

Le Quai des brumes - de Marcel Carné - 1938  dans 1930-1939 quai-des-brumes

La scène se passe dans une fête foraine. Soudain, le bruit s’estompe, la foule disparaît. La caméra cadre pour la première fois les visages de Michèle Morgan et Jean Gabin en gros plans. Un silence. « T’as de beaux yeux, tu sais ». Un silence. « Embrassez-moi »… Des frissons, un grand soupir, des yeux émerveillés… C’est beau quand une scène aussi mythique que celle-là est à ce point à la hauteur de sa légende.

Le Quai des Brumes, bien sûr, ne se limite pas à cette déclaration d’amour absolument sublime : ces gros plans inoubliables constituent une sorte de parenthèse dans le film, et dans le destin cruel de ces deux êtres dont l’histoire d’amour ne sera qu’une fulgurance dans une existence pas franchement drôle.

Classique absolu, signé par le tandem Prévert/Carné, d’après un roman de MacOrlan, Le Quai des brumes est un film foncièrement désespéré, qui a été plutôt mal accueilli à sa sortie : voir Gabin, immense star, interpréter un déserteur dans un film jugé déprimant n’était pas vraiment bien vu à une époque où on cherchait plutôt à encourager le patriotisme de la jeunesse, la guerre menaçant.

Il faut dire que ce film d’atmosphère, derrière ses dialogues poétiques et teintés d’une ironie cynique mais souvent drôle, va très loin dans le désespoir. La brume omniprésente qui recouvre Le Havre, ses docks et ses terrains vagues (de magnifiques décors de studios signés Alexandre Trauner), est visuellement magnifique, mais souligne à chaque moment le fait qu’aucun de ces personnages n’a d’avenir.

Pas plus Jean le déserteur (le mot ne sera jamais prononcé) qui attend de pouvoir embarquer vers d’autres horizons, que la jeune Nelly victime, on le devine aisément, des persécutions voire des attouchements de son ignoble percepteur (Michel Simon). Que ces deux-là se croisent et s’aiment ne changera rien à l’affaire. Le film illustre simplement une bulle au cœur de ce brouillard sans fin qu’est leur existence.

Dans cette bulle, ils rencontrent des ordures, à commencer par Pierre Brasseur, exceptionnel en petit malfrat teigneux mais lâche comme c’est pas permis. Mais ils croisent aussi des paumés, comme eux, qui sans rien attendre leur viennent en aide, dans une espèce de havre de paix pour paumés : une improbable buvette perdue dans la brume, où ceux qui n’attendent plus rien de la vie se retrouvent, et notamment un peintre au bord du suicide interprété par un Robert Le Vigan bouleversant.

Tourné après l’incompris mais génial Drôle de Drame, Le Quai des brumes trouve sa place dans une période de grâce pour Marcel Carné, qui enchaînera avec Hôtel du Nord (auquel ne collabore pas Jacques Prévert), Le Jour se lève, Les Visiteurs du soir et Les Enfants du Paradis… Difficile de faire mieux.

John Rambo (id.) – de Sylvester Stallone – 2008

Posté : 1 mars, 2013 @ 2:55 dans 2000-2009, STALLONE Sylvester, STALLONE Sylvester (réal.) | Pas de commentaires »

John Rambo (id.) - de Sylvester Stallone - 2008 dans 2000-2009 john-rambo

Après avoir ressuscité Rocky (et sa propre carrière), quoi de plus logique que de voir Stallone renouer avec son autre personnage fétiche : Rambo ancien soldat paumé victime de la mauvaise conscience de son pays, transformé au fil des films en machine de guerre, symbole absurde de la toute puissance américaine. Bref, un personnage qui, de l’excellent Rambo originel, à un Rambo 3 grotesque, s’est transformé en un contre-sens total de ce qu’il était.

Mais voilà, Stallone a changé, et on sentait bien, déjà à la fin des années 90, que la période bodybuildée des années 80, au cours de laquelle l’acteur était devenu la parodie de lui-même, était bien terminée. Et avec Rocky Balboa, et la soixantaine arrivant, on voyait bien que Stallone, enfin mur, renouait avec l’esprit de ses débuts, l’espoir et l’innocence en mois.

Le titre du film est parlant : John Rambo au lieu de Rambo 4 (comme Rocky Balboa au lieu de Rocky 6). Cette suite tardive (vingt ans depuis Rambo 3) ne prolonge pas le mythe. Il boucle la boucle, et s’intéresse enfin à son personnage qui, plus encore que Rocky, semble avoir perdu toutes ses illusions.

A l’opposée du style cartoonesque du troisième opus, ce retour aux sources qui adopte pourtant la même construction que les deux suites (John Rambo, qui n’aspire qu’à la paix, est engagé pour une opération de sauvetage), est, et de loin, le plus sanglant, et le plus sombre des quatre films.

Prenant pour cadre la guerre civile et le génocide en Birmanie, Stallone se filme en homme brisé, qui accepte enfin l’aberration qu’il est : un homme qui, dans certains circonstances, tue aussi facilement qu’il respire. Et il ne s’en prive pas, ici encore, éventrant, décapitant, égorgeant à main nue, dégommant des dizaines d’ennemis à la mitraillette lourde…

Stallone réalisateur va sans doute trop loin, n’épargnant au spectateur aucun détail des tueries de son personnage, ou du génocide dont femmes et enfants sont les premières victimes. Cette hyper-violence n’est pas gratuite, même si on peut lui reproche une franche complaisance : elle souligne le trop-plein d’un Rambo qui, enfin, retrouvera le bitume qu’il foulait au début du premier film. Et là, pour le coup, on aurait du mal à lui pardonner si un Rambo 5 devait changer la donne…

 

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