Usual Suspects (The Usual Suspects) – de Bryan Singer – 1996
Quinze ans après, Usual Suspects reste le sommet de la carrière de Bryan Singer, et une référence incontournable pour le « film de manipulation ». On a beau l’avoir vu une demi-douzaine de fois, on a beau le connaître par cœur, on marche toujours à 100% dans cette histoire machiavélique tournant autour d’un génie du crime mythique. Et il ne faudrait pas sous-estimer le travail de Singer, cinéaste souvent bien moins inspirée qu’ici, qui fait mieux que servir le scénario génial de Christopher McQuarrie.
Complexe, malin, tordu, le scénario aurait pu donner tout autre chose devant la caméra élégante d’un David Mamet, autre expert es-manipulation (La Prisonnière espagnole). De ce criminel mystérieux au cœur de l’intrigue, la mise en scène de Singer fait une légende, un mythe, une chimère, la meilleure incarnation du Diable. Dès que son nom est cité, par un Hongrois qui parle dans sa langue, tout s’arrête. « Keizer Soëze »… Il ne faut pas plus que ce nom, et le regard soudain fixe de tous ceux qui l’entendent, pour qu’on retienne son souffle, et que le film prenne une autre dimension.
Sans que l’on sache quoi que ce soit de lui (on n’en saura d’ailleurs pas grand-chose), Keyzer Soëze fait instantanément son entrée dans la cour des grands criminels de l’histoire du cinéma. La caméra de Singer, travail intelligent et complexe sur la dissimulation, sur l’imperceptibilité, sur le mensonge, donne une âme à ce personnage qu’on ne voit pas, et dont on ne sait même pas s’il existe.
Difficile de raconter le film comme ça. En résumant à l’extrême, on a cinq criminels (Gabriel Byrne, fascinant ; Kevin Spacey et Benicio Del Toro, deux révélations ; Stephen Baldwin et Kevin Pollack, dans leurs meilleurs rôles) réunis pour une séance d’identification, qui se retrouvent pris au piège par ce mystérieux Keyzer Soëze qui se sert d’eux.
La construction du film est brillante, faite de flash-backs et de sauts dans le temps. Ce pourrait être un film de scénariste, mais Singer en fait une pure œuvre de cinéma, dont tous les rebondissements, tous les plans, mènent inexorablement vers le coup de théâtre final, et cette voix off : « And like that… he’s gone… »
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