Les Amants du Capricorne (Under Capricorn) – d’Alfred Hitchcock – 1949
Curieux film d’Hitchcock, mal aimé du public, de la critique, et même de son auteur. Les Amants du Capricorne, d’après Hitchcock lui-même, est le film d’un orgueilleux qui, fort du succès de ses précédents films, n’a choisi ce sujet que pour diriger à nouveau la grande star qu’était Ingrid Bergman, dans une grosse production prestigieuse. Comme souvent, Hitchcock a la dent bien dure avec lui-même.
Le film, à vrai dire, est bien plus personnel et hitchcockien que le cinéaste veut bien le reconnaître. Même s’il ne s’agit pas d’un suspense traditionnel, on y retrouve de nombreux thèmes et motifs chers à Hitch : le faux coupable, traité ici d’une manière totalement inédite ; la menace domestique (avec un verre de vin qui rappelle le verre de lait de Soupçons) ; ou encore cette gouvernante fascinée par son maître et aussi inquiétante que la Mme Danvers de Rebecca…
Michael Wilding (que le réalisateur retrouvera dans Le Grand Alibi), pivot du film jusqu’au dernier tiers, débarque en Australie en 1831, avec son gouverneur de cousin. Venant d’Irlande, il y rencontre des concitoyens : un ancien bagnard (Joseph Cotten) et son épouse (Bergman), psychologiquement fragile, qu’il aide à sortir de sa dépression.
Il y a dans Les Amants… un parti-pris formel fascinant : le cœur du film, ce qui fait son essence, est presque constamment en retrait. La caméra filme des dialogues sans grande importance, des personnages sans relief, mais les échanges les plus forts, les présences les plus frappantes, sont constamment au second plan. Michael Wilding se réjouit des progrès d’Ingrid, et on aperçoit Joseph Cotten se refermer sur lui-même ; tandis que le gouverneur parle avec Wilding, Bergman lui prend doucement la main…
Plus généralement, le film, dans sa première partie, se concentre sur les relations troubles entre Wilding et Bergman, mais c’est le couple Cotten-Bergman qui est la raison d’être du film. Ce sont ces deux êtres, qui se sacrifient l’un pour l’autre depuis des années, par amour, et qui passent à côté de leur amour et de leur vie, qui intéressent Hitchcock.
Et c’est souvent bouleversant, en particulier grâce à Cotten, tout en retenue et très émouvant, et à une caméra qui enveloppe littéralement les personnages, les accompagnant avec discrétion dans de longs plans d’une fluidité exemplaire.
Hitchcock, à l’origine, voulait renouveler l’expérience de La Corde, son précédent film : ne faire que de longs plans de huit à dix minutes. Il ne reste hélas que quelques plans-séquences (remarquables), et ce sont ces moments qui sont les plus envoûtants.
Les autres sont formellement plus conventionnelles. C’est le principal défaut (avec le dénouement, un peu téléphoné) de ce film qui vaut bien mieux que sa réputation.
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