Drive (id.) – de Nicolas Winding Refn – 2011
Avec cette bombe, sa deuxième réalisation américaine, le Danois Nicolas Winding Refn renoue avec une tradition qui remonte à l’âge d’or d’Hollywood, selon laquelle les cinéastes européens qui s’attaquaient au cinéma de genre américain transcendaient ces genres en les respectant profondément, tout en leur apportant leur propre sensibilité.
Drive, sur le papier, est un pur film noir, dont l’histoire tient sur un coin de nappe : un solitaire qui vit de ses talents de conducteur accepte de participer à un braquage pour sauver la jeune femme qu’il aime et le fils de cette dernière. Mais le braquage tourne mal, et le solitaire se retrouve au cœur d’un piège mortel. On a déjà vu 1000 fois depuis les années 40 et l’histoire, ici, n’apporte guère de surprise.
Mais il y a un génie derrière la caméra (qui a d’ailleurs obtenu le prix de la mise en scène à Cannes pour ce film) et forcément, ça change tout. A l’arrivée, Drive est plus qu’un chef d’œuvre et un film déjà culte : c’une expérience sensorielle qui ne ressemble à rien d’autre¸ un voyage en apesanteur dans une ville aliénante (L.A.) et dans l’esprit torturé d’un jeune homme capable de faire face à n’importe quelle difficulté, à l’exception de l’échec de sa propre vie…
La première séquence, quasi-muette, nous mène du côté d’un Michael Mann. Comme son aîné, NWR vise (et réussit) à nous emmener dans un trip sensoriel à travers les rues nocturnes de Los Angeles, quasi-irréelles. Pour Refn, les mots n’ont visiblement pas grand sens, et encore moins d’importance. Les dialogues, rares, ne disent pas grand-chose. Et les personnages eux-mêmes semblent totalement incapables d’aligner plus de deux mots.
Pourtant, les face-à-face entre le conducteur solitaire (Ryan Gossling) et la jeune mère dont il tombe amoureux (Carey Mulligan) sont bouleversants. Un plan qui s’éternise sur des regards trop habitués d’être tristes, une esquisse de sourire… Il n’en faut pas plus à Refn pour déclencher des torrents d’émotion, et nous ouvrir les cœurs de ses personnages.
Dans ce film noir habité par une bande son pop et psychédélique à tomber par terre, tout n’est que mélancolie, soulignée par des ralentis magnifiques, un montage exceptionnel, et une manière bouleversante de filmer les visages. Pardonnons à Refn la surenchère de violence de la dernière partie, qui casse un peu l’envoûtement : Drive est une virée qu’on n’est pas prêt d’oublier…
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