L’Etau (Topaz) – d’Alfred Hitchcock – 1969
On ne peut pas dire que ce film tardif d’Hitchcock ait bonne réputation. Et cette fois, après avoir défendu becs et ongles d’autres films honnis du maître (Le Rideau déchiré, La Loi du silence…), je dois bien reconnaître qu’on n’est pas loin de la sortie de route, avec ce film d’espionnage trop ambitieux et trop anecdotique à la fois.
Le tournage de son précédent film (Torn Curtain) avait été un cauchemar pour Hitch, qui ne s’était pas entendu avec ses stars, Julie Andrews et Paul Newman. Comme il l’a souvent fait par le passé, son nouveau projet se monte donc en grande partie en réaction à cet échec. Il est ainsi toujours question de la guerre froide, à son apogée au cours de cette décennie ; le film commence également par un transfuge, mais cette fois de la Russie vers l’Amérique ; et surtout, pas la moindre star à l’horizon.
Et c’est l’un des points noirs du film. Pas l’absence de star, mais le choix des acteurs. Frederick Stafford, en agent secret français qui part enquêter à Cuba pour le compte des services secrets américains (au risque de créer un incident diplomatique avec la France), n’est pas franchement crédible. Quant à Michel Piccoli et Philippe Noiret, qui tiennent des rôles importants dans la dernière demi-heure, étrange de les entendre parler anglais lorsqu’ils sont entre Français. Seule figure hitchcockienne (on l’avait vu dans Mais qui a tué Harry ? et dans le téléfilm J’ai tout vu), John Forsythe n’a, lui, pas grand-chose à jouer.
L’autre problème du film, c’est un scénario complètement bancal, qui cherche à illustrer, dans toute sa complexité, la situation internationale de 1962, mais qui se résume au final à un réseau d’agents doubles assez minables, démasqués en trois secondes cinq dixième. Le final résume parfaitement le caractère hasardeux de l’entreprise : une fin qu’on devine improvisée, choisie uniquement parce que les deux autres fins envisagées (et tournées – gloire au DVD qui les présente en bonus) étaient grotesques.
Il y a de beaux moments, quand même : la première séquence, celle du transfuge, est une grande réussite formelle. Sans dialogue, Hitch signe l’un de ces moments de pur suspense dont il a le secret.
La suite, hélas, est souvent plus attendue, parsemée simplement de quelques fulgurances qui rappellent brièvement que le réalisateur s’appelle Alfred Hitchcock. La mort de Juanita, surtout, donne lieu à un plan d’une beauté éclatante, la robe de la belle s’étalant, comme une flaque de sang sur le sol immaculé. C’est peu, mais c’est déjà précieux.
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