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Justin de Marseille – de Maurice Tourneur – 1935

Classé dans : * Polars/noirs France,1930-1939,TOURNEUR Maurice — 7 janvier, 2013 @ 18:20

Justin de Marseille – de Maurice Tourneur – 1935 dans * Polars/noirs France justin-de-marseille

Paraît qu’il fut un temps où il y avait des règlements de comptes entre voyous à Marseille. C’était il y a tout juste huit décennies, difficile d’imaginer ça aujourd’hui… Surtout qu’à l’époque, les gangsters étaient bien sapés, portaient chapeaux, et avaient le sens de l’honneur. Les gangsters de cinéma dignes de ce nom en tout cas, parce que les autres, les petites frappes sans honneur, le milieu s’arrangeait pour les faire disparaître….

C’est donc le Marseille de la pègre que filme Maurice Tourneur, et on sent bien que le cinéaste est encore marqué par sa longue expérience hollywoodienne (qu’il me reste à découvrir), avec ces clans ennemis qui s’habillent et agissent « à l’américaine », comme les gangsters de Chicago qui crevaient l’écran au cours de cette décennie. Des durs qui impressionnent (et qui inspirent à Tourneur l’un des plus beaux plans de sa carrière française : un long travelling qui suit un gangster en fuite qui se fond dans la foule), mais qui n’ont pas le cœur des Marseillais.

Parce que le personnage principal de ce film, c’est Marseille, son âme, ses valeurs, tout ça symbolisé par Justin (Antonin Berval), caïd au grand cœur qui, à en croire le scénario de Carlo Rim et la caméra de Tourneur, n’agit que par sens de l’honneur, jamais pour l’appât du gain. Et la guerre des gangs qu’il livre à son principal concurrent n’a qu’une raison d’être : l’absence de valeur de ce dernier.

Un Marseille fantasmé ? Bien sûr, mais ce chant d’amour à la cité phocéenne (qui s’ouvre et se referme effectivement sur des déclarations d’amour à la ville) n’est léger qu’en apparence. Si on prête attention aux détails de la mise en scène, on réalise que l’approche de Tourneur est loin d’être naïve. Son film est parsemé de petits indices qui illustrent avec délicatesse la dureté, et la cruauté, de cette ville qui broie les plus faibles.

Cet Hôtel de L’Etoile, par exemple, tenu par un patron bonhomme, n’est qu’un hôtel de passe où la jeune femme amoureuse et innocente est entraînée malgré elle, alors qu’elle n’aspire qu’à prolonger ses années de pureté… Ce personnage secondaire de jeune femme échouée à Marseille on ne sait pour quelle raison, mais dont on devine qu’elle a un lourd passé, inspire à Tourneur quelques-uns des plus beaux moments de son film, comme cette tentative de suicide en pleine nuit, et alors que les éclats de rires résonnent un peu partout. Une séquence d’une beauté terrifiante et frappante.

L’accent marseillais omniprésent fait ressembler le film à ce qu’il n’est pas : une chronique haute en couleurs et inoffensive de canailles fort sympathiques. Justin de Marseille est bien plus riche que ça. Très inspiré, Tourneur y fait germer le glauque et le désespoir d’un décor de cartes postales.

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