Et pour quelques dollars de plus (Per qualche dollaro in piu) – de Sergio Leone – 1965
Plus stylisé que Pour une poignée de dollars, moins extrême que Le Bon, la brute et le truand, ce deuxième western de Leone est un petit chef d’œuvre du genre. Bien plus qu’un simple prolongement du premier film. On pourrait se dire que le cinéaste se contente de profiter du succès du précédent, en retrouvant Eastwood et son personnage déjà mythique d’homme sans nom. Mais cette fausse suite (rien ne dit que le personnage soit effectivement le même) est surtout l’occasion pour Leone de peaufiner son style, et d’aller plus loin dans son approche stylistiquement radicale du western. Il le sera encore plus (radical) dans le troisième volet de sa trilogie du dollar, et dans Il était une fois dans l’Ouest.
Même s’il crée le western spaghetti, Leone s’inscrit aussi dans la grande tradition du genre hollywoodien. Et pour quelques dollars de plus est ainsi clairement inspiré de Vera Cruz (le bracelet de force de Clint rappelle celui de Burt Lancaster), ou encore de Los Bravados (la montre à gousset est un détail commun aux deux films)…
Ici, Eastwood n’est plus tout à fait solitaire : chasseur de primes, il fait équipe avec un Lee Van Cleef mystérieux et fascinant, véritable révélation du film après des années de seconds rôles plus ou moins visibles, parfois dans de grands films (Le Train sifflera trois fois, Victime du destin, L’Homme qui n’a pas d’étoile, L’Homme qui tua Liberty Valance, et beaucoup d’autres). La relation des deux hommes, amitié virile et taiseux, est l’une des grandes forces du film. Et dès leur rencontre, génial concours de virilité totalement immature, qui se finit autour d’une bouteille.
Les deux personnages sont la plupart du temps quasiment muets, mais on sent entre eux un respect et un affection presque filiale. Leur défiance mutuelle, les coups fourrés qu’ils se font… Tout cela relève plus du jeu de gamins que d’un affrontement sérieux.
Face à eux, Gian Maria Volonte va plus loin encore que dans le précédent film, dans son personnage de très méchant à la limite de la folie. Odieux, secoué par des rictus sadiques, perdu parfois dans le souvenir d’un crime qui le hante parce qu’il lui a révélé l’humanité terrifiante de ses victimes, il fait froid dans le dos.
Inoubliable, oui. Pourtant, son cabotinage n’y fait rien : Clint, même sans rien faire (et il ne fait effectivement pas grand chose dans ce film qui, sur le papier, donne plutôt le beau rôle à Van Cleef et Volonte) happe littéralement l’écran.
Un petit sourire narquois (lorsqu’il apparaît furtivement, posant un bâton de dynamite derrière les barreaux d’une cellule), une grimace inquiète… Il ne fait rien, mais il existe d’une manière incroyable, plein d’une ironie meurtrière. Eastwood attendra peut-être encore quelques années pour devenir une superstar, avec le triomphe de L’Inspecteur Harry au début des années 70, mais c’est dans ces films, sous ce poncho et avec ce cigarillo, qu’il est devenu un mythe. Son personnage d’homme sans nom fait partie du Panthéon du cinéma, au même titre que Charlot ou Indiana Jones…
Laisser un commentaire
Vous devez être connecté pour rédiger un commentaire.