Snake Eyes (id.) – de Brian De Palma – 1998
L’obsession de De Palma pour le voyeurisme, la perception et les écrans en tous genres trouve avec Snake Eyes, chef d’œuvre méconnu, un magnifique aboutissement. Comme si le cinéaste avait voulu résumer avec ce film tout un pan de sa filmographie. Tout, dans thriller implacable, tourne autour de la perception, de la mise en scène, et du rôle démiurgique de celui qui choisit les images. C’est même le sujet principal du film.
Comme souvent chez De Palma, grand admirateur d’Hitchcock (c’est, assez curieusement, peut-être le plus hitchcockien de ses films, dans sa facture et ses partis-pris de mise en scène ; même Nicolas Cage fait penser au James Stewart de Sueurs froides), le film commence par un long (et faux) plan-séquence, de près de 15 minutes.
Sans coupure apparente (comme dans La Corde), ce premier quart d’heure, d’une ébouriffante virtuosité, présente les personnages, les décors, la situation, et pose les bases que le film ne cessera de décortiquer par la suite. Nicolas Cage, génial dans l’un de ses meilleurs rôles, est un flic corrompu et flambeur d’Atlantic City, qui assiste à un match de boxe dans une salle bondée, au côté de son ami officier des services secrets (Gary Sinise), chargé d’assurer la sécurité d’un important politicien. Mais ce dernier est assassiné sous le regard de 14 000 personnages, de dizaines de caméras, et de Rick Santoro – Nick Cage, qui sans s’en rendre compte ont assisté à des tas d’indices au cours de ces 15 minutes à couper le souffle qui prennent fin à l’instant précis où le crime est commis.
Cette première partie est brillante, impressionnante, et il fallait bien la virtuosité et la maîtrise de De Palma, et la folie furieuse de Cage (folie qui a rarement été aussi bien utilisée qu’ici) pour tenir la distance.
La suite est d’une intelligence et d’une efficacité rares. Pendant les 80 minutes suivantes, Rick/Nick décortique tout ce qu’il a vu sans y porter vraiment attention, et De Palma revient sur tous ces indices qu’il a distillés mine de rien, disséquant son long plan séquence initial en multipliant les points de vue, et les moyens mis à disposition par la technologie : retours en arrière, avances rapides, zooms, arrêts sur images… Snake Eyes a quelque chose d’une version jusqu’au-boutiste d’un film comme Blow out.
C’est toute l’idée géniale du film : nous avoir tout montré sans en avoir l’air, et sans montage et sans trucage apparents, avant d’y revenir en regardant à la loupe tous les aspects de ces images. Il faut voir Snake Eyes pour comprendre le cinéma de De Palma. Il faut voir Snake Eyes parce que c’est l’un de ses meilleurs films. Il faut voir Snake Eyes parce que c’est un thriller haletant et intelligent. Il faut voir Snake Eyes parce que c’est un chef d’œuvre.
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