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Archive pour décembre, 2012

Chasse à l’homme (Man Hunt) – de Fritz Lang – 1941

Posté : 7 décembre, 2012 @ 10:39 dans 1940-1949, CARRADINE John, LANG Fritz | Pas de commentaires »

Chasse à l’homme (Man Hunt) – de Fritz Lang – 1941 dans 1940-1949 chasse-a-lhomme-lang

Premier vrai film de propagande de Fritz Lang, tourné deux ans avant Les Bourreaux meurent aussi, qui sera une dénonciation plus frontale et premier degré de la barbarie nazie, Man Hunt est un film étonnant. Le jeu des acteurs, le rythme de la mise en scène, l’humour et la légèreté dont font preuve les personnages la plupart du temps… Tout cela relève a priori plus de la comédie à la Lubitsch que du pur film de propagande. On pense d’ailleurs, dans la première partie, à To be or not to be. Et pourtant…

La légèreté, la nonchalance même, ne sont que des leurres : ceux d’un « monde libre » qui ne fait pas encore face au destin qui l’attend. Walter Pidgeon est le symbole de ce monde libre. Officier anglais surpris par les Allemands alors qu’il tenait Hitler en ligne de mire de sa carabine, peu avant la guerre, il est arrêté et torturé alors qu’il n’a pas tiré. Après avoir réussi à s’enfuir, il parvient à regagner l’Angleterre, persuadé d’y retrouver la paix et l’insouciance qu’il avait laissées derrière lui.

Sauf qu’en n’abattant pas Hitler comme il l’aurait pu, en refusant de stopper la marche tragique de l’histoire, il a supprimé toute innocence, et toute insouciance. L’Angleterre (sous les bombes lorsque Lang tourne le film) n’est plus ce havre de paix d’antan. Parce qu’il n’a pas eu le cran, ou l’intelligence, d’appuyer sur la gâchette, Walter Pidgeon ne retrouve dans la brume de Londres qu’un rideau inquiétant dissimulant toutes sortes de dangers. Des dangers qui ont le visage de George Sanders et John Carradine, au service des Nazis.

C’est le coup de génie de Lang avec ce film : faire d’une « non-action » l’acte fondateur du désordre mondial, et de l’enfer qui attend l’Angleterre (et le reste du monde). En ne commettant pas un meurtre, le « héros » fait placer une menace sourde sur tout ce qu’il a toujours connu. Les dernières lueurs d’espoir qu’il rencontre – cette innocence qui a le visage de Joan Bennett – semblent elle aussi condamnées d’avance.

Point de happy end à attendre ici : il est beaucoup trop tôt en cette année 1941. Cinéaste allemand exilé volontaire dès la montée en puissance du nazisme, Lang est un observateur qui ne prend pas de gant. Il le dit à mi-mot : si la guerre éclate, c’est aussi la faute des Anglais et de leurs alliés, qui n’ont pas pris les décisions qu’il fallait quand il était encore temps d’arrêter Hitler. Le propos est d’une force impressionnante, et le film est absolument passionnant. Un nouveau chef d’œuvre.

And now… Ladies and gentlemen – de Claude Lelouch – 2002

Posté : 7 décembre, 2012 @ 10:28 dans 2000-2009, LELOUCH Claude | Pas de commentaires »

And now… Ladies and gentlemen – de Claude Lelouch – 2002 dans 2000-2009 and-now-ladies-and-gentlemen

Lelouch, qui aime les castings inattendus, forme ici un couple que seul lui pouvait imaginer : Patricia Kaas (dans son seul rôle au cinéma à ce jour, elle qui avait participé à la bande originale des Misérables) et Jeremy Irons, deux destins qui se croisent en dépit de toute évidence, comme le cinéaste les aime. Ajoutez à ces deux têtes d’affiche Thierry Lhermitte, Claudia Cardinale, Jean-Marie Bigard, Alessandra Martines ou Yvan Attal, et vous obtiendrez ce qui est sans doute l’affiche la plus improbable de cette année-là.

On est en terrain connu, puisque Irons interprète l’un de ces voleurs-gentlemen qui peuplent la filmographie de Lelouch, et Patricia Kaas une chanteuse de cabaret, comme beaucoup d’autres héroïnes lelouchiennes, histoire de placer une nouvelle fois la musique et la chanson au cœur de ce film conçu comme une comédie musicale : même mouvement envoûtant, qui nous emporte comme une symphonie.

Mais la musique dégage ici un curieux sentiment de malaise. La romance paraît classique : c’est le destin croisé de deux êtres que tout oppose, mais que la même tumeur au cerveau rapproche à l’autre bout du monde. Mais la passion semble constamment contrariée par le mal-être qui touche ces deux personnages revenus de tout.

Le film reste ainsi toujours à la surface de la passion, au risque parfois de frustrer. Mais Lelouch maîtrise parfaitement l’art de la narration cinématographique. Et il sait transformer des épisodes parfois totalement insignifiants en pure moment de magie, qui en disent beaucoup sur les personnages. C’est le cas de ces nombreuses scènes de cabaret où, le temps d’une chanson (elle aussi très lelouchienne) Kaas se dévoile plus que dans n’importe quel dialogue.

Les chansons, merveilleusement utilisées comme toujours dans le cinéma de Lelouch, sont particulièrement réussies. Elles collent parfaitement à la personnalité de Patricia Kaas, très juste dans ce rôle écrit pour elle. Elle semble même être la raison d’être de ce film imparfait mais touchant, illuminé par le soleil et le sable marocains, et par la blondeur de la chanteuse.

Sur la piste des Mohawks (Drums along the Mohawk) – de John Ford – 1939

Posté : 6 décembre, 2012 @ 7:52 dans 1930-1939, BOND Ward, CARRADINE John, FORD John, WESTERNS | Pas de commentaires »

Sur la piste des Mohawks (Drums along the Mohawk) – de John Ford – 1939 dans 1930-1939 sur-la-piste-des-mohawks

1939 est souvent considéré comme la plus grande année du cinéma américain. On pourrait ajouter que c’est aussi l’année la plus faste de John Ford. En quelques mois (et alors qu’il tourne Les Raisins de la Colère) sortent sur les écrans La Chevauchée fantastique, Vers sa destinée, et ce Sur la piste des Mohawks. Une liste tout simplement hallucinante !

Dans cette série de chefs d’œuvre, ce dernier film fait presque figure de curiosité, tant il est méconnu. Drums along the Mohawk, premier film en couleurs de Ford, est pourtant tout aussi réussi que les autres. En tant que formaliste, Ford est au sommet. Il n’a pas encore adopté le dépouillement relatif qui marquera ses films d’après-guerre, et chaque plan de ce film impressionne par la beauté pictural de ces cadres, et par l’utilisation des couleurs.

Le choix d’utiliser la couleur, après plus de vingt ans de cinéma, ne doit visiblement rien au hasard. La couleur est ici totalement au service du sujet : la place des pionniers américains vivant à la « frontière » en 1776, lors de l’indépendance des Etats-Unis. Les couleurs, vives et chaudes, rehaussent l’importance de cette nature à la fois sublime et hostile, d’où les Indiens (à la solde des Anglais) surgissent comme par magie, menaces quotidiennes sur la vie de ces pionniers.

Le vert des forêts, le jaune des moissons, le rouge des couchers de soleil… Les couleurs vives sont omniprésentes et envoûtantes, et semblent justifier l’amour que les pionniers ont pour ces terres isolées et éloignées des grands événements historiques qui se déroulent simultanément à l’action du film : la guerre pour l’indépendance, dont on ne voit que des menaces lointaines, l’arrivée de messagers porteurs de nouvelles inquiétantes, ou le retour d’hommes meurtris.

Ford s’intéresse à une poignée d’hommes et de femmes qui ont décidé de s’installer loin de la civilisation, dans un pays qui reste à construire, où tout reste à faire. La ferme qu’achètent Henry Fonda et Claudette Colbert symbolise parfaitement ces contrées encore sauvages : la terre est défricher, la maison est à construire ; et même là, rien n’est jamais acquis pour de bon… A travers le destin de ce couple qui quitte la civilisation pour s’installer loin de tout, dans un pays où les « voisins » les plus proches se trouvent à des heures de cheval, Ford raconte l’histoire de tous ces pionniers qui ont accompagné la naissance des Etats-Unis.

Sur la piste des Mohawks est sans doute le meilleur film consacré à cette période, notamment parce qu’il reste constamment à hauteur d’hommes, ne montrant de l’histoire en marche que ce que les pionniers en voyaient.

C’est aussi un petit chef d’œuvre de mise en scène, qui utilise constamment brillamment les décors naturels. L’apogée du film : une course poursuite à pied ébouriffante, dans le soleil levant et à travers l’immensité de la nature, où Fonda court chercher de l’aide, les Indiens attaquant le fort dans lequel se sont réfugiés les pionniers. Un moment de cinéma qui ne ressemble à aucun autre, absolument sublime.

• Le film est disponible dans un coffret formidable réunissant trois chef d’œuvre de Ford de la fin des années 30, avec Vers sa destinée et Je n’ai pas tué Lincoln. Trois grands films visuellement splendides ayant pour toile de fond la naissance des Etats-Unis.

Le Maître du Logis (Du skal aere din hustru) – de Carl Theodor Dreyer – 1925

Posté : 6 décembre, 2012 @ 12:36 dans 1920-1929, DREYER Carl Theodor, FILMS MUETS | Pas de commentaires »

Le Maître du logis

Difficile de faire moins cinégénique, a priori, que cette histoire de couple qui se déroule presque exclusivement dans l’espace confiné d’un petit appartement, qui commence par une longue séquence montrant le quotidien terne d’une femme d’intérieur, et qui ne met en scène qu’une poignée de personnages. Un mari trop dur avec sa femme et ses enfants, une épouse aimante mais au bord de la dépression, et une vieille dame qui fut la nounou du mari, et qui convainc la jeune femme de partir se refaire une santé loin de son mari, pendant qu’elle-même s’acharne à remettre le « tyran » dans le droit chemin.

De ce huis-clos antispectaculaire au possible, Dreyer tire l’un des grands chef-d’œuvre du muet, un film qui n’a rien du théâtre filmé, et qui ‘avère, neuf décennies plus tard, d’une modernité étonnante dans sa mise en scène.
Dreyer n’est pas un cinéaste tape-à-l’œil. Mais sa science du cadrage et du montage est sidérante. En montrant successivement, et rapidement, trois plans presque identiques de la vieille dame, il évoque le trouble naissant du mari. En isolant les personnages dans des cadres rigides, il souligne le manque de communication. En filmant l’épouse en gros plan, avec un large espace vide au dessus de sa tête, il fait ressentir le poids que cette dernière accepte d’endosser pour son mari…

Tout le film est fait de ces petits coups de génie d’un cinéaste qui a su, comme les plus grands manier le cinéma comme un art et comme un langage. On pense souvent à Lubitsch, pour le rythme et les relations compliquées entre les hommes et les femmes. Le rôle du mari (excellent Johs Meyer) semble d’ailleurs tout droit sorti du cinéma de Lubitsch.

Mais le personnage de la vieille dame est la véritable âme du film. Cette espèce de Mary Poppins du troisième âge, qui s’amuse à martyriser le mari-tyran pour le faire réagir, et ressusciter sa tendresse disparue, est un personnage pour le moins haut en couleurs.

Elle est dure, mais on y prend tellement de plaisir, après avoir assisté pendant plus d’une demi heure aux petites cruautés quotidiennes de ce mari devenu odieux parce qu’il peine à subvenir aux besoins de sa famille… Il est odieux, arrogant, impardonnable. Et après cette première demi-heure sombre et difficile, voir ce tyran du quotidien souffrir à son tour tout en regagnant son humanité perdue, donne au film un nouveau souffle plus léger, parfois proche de la comédie.

Dans le drame comme dans la comédie, Dreyer excelle. Son film n’est ni une critique sociale, sur un homme ravagé par la perte de son emploi (le happy-end balaiera d’un coup tous les soucis financiers du couple), ni une œuvre féministe sur la libération de la femme (l’épouse reste dévouée totalement à son mari). C’est juste une histoire d’amour d’un couple bien installé. Mais filmé par un génie qui signe là l’un de ses tout premiers grands chefs d’œuvre.

Heat (id.) – de Michael Mann – 1995

Posté : 5 décembre, 2012 @ 4:46 dans * Thrillers US (1980-…), 1990-1999, DE NIRO Robert, MANN Michael, PACINO Al | Pas de commentaires »

Heat 1

La scène la plus attendue de Heat – le fameux face-à-face entre Pacino et DeNiro, attendu depuis plus de vingt ans, depuis ce mythique fondu-enchaîné qui faisait se croiser les deux acteurs dans Le Parrain 2 – est forcément la scène la plus décevante de ce monument du polar moderne. Parce que Mann se contente de champs / contre-champs d’abord, et puis parce que le dialogue, tendu et pourtant complice, laisse comme un arrière-goût d’inachevé…

Mise à part cette frustration, Heat est une merveille, un pur Mann, remake d’un téléfilm tourné dans les années 80 (L.A. Takedown) par Mann lui-même, et précurseur de ses grands chefs d’œuvre à venir : le personnage de DeNiro évoque le Tom Cruise de Collateral, pour ses méthodes et sa capacité à ne s’attacher à rien, mais aussi le Dillinger de Public Enemies pour son sens de l’honneur d’un autre temps.

De la même manière, le rapport entre le gangster DeNiro et le flic Pacino, mélange de détermination et de respect mutuel, évoque Dillinger/Purvis ou Cruise/Foxx.

Moins épuré que Collateral, moins flamboyant que Public Enemies, moins trouble que Miami Vice, Heat est loin d’être un brouillon, même si Mann reprendra, et améliorera, nombre d’éléments que l’on y trouve. Sa manière, si unique, de filmer la ville la nuit, par exemple, déjà magnifique par moments (la première soirée entre DeNiro et sa petite amie, sur la terrasse surplombant L.A., est superbe) sera encore sublimée dans ses films « numériques », Collateral et Miami Vice.

Mais Heat reste le grand œuvre de Mann, son film le plus ambitieux sur le plan humain. Jamais avant, et jamais depuis (jusqu’à présent) il n’a pris à ce point le temps de s’intéresser à ses personnages, leur réservant à chacun de longues séquences fortes et intimes. C’est d’ailleurs le plus long de ses films.

Heat 2

Heat est d’une noirceur, et d’une tristesse, abyssales. Et le fait qu’on entre à ce point dans l’âme des personnages renforce l’impact des quelques accès de violence. Surtout que Mann leur donne une tension extrême. A l’image de la fameuse fusillade dans les rues de L.A. après le braquage de la banque. Rarement une fusillade au cinéma aura été aussi tendue que celle-ci.

Ce n’est pas dans les dialogues que Heat est le plus fort. Mann est avant tout un cinéaste visuel, et ses seules images en disent bien plus sur ses personnages que n’importe quel discours. DeNiro qui réalise en pleine soirée avec ses amis, tous en couple, qu’il ne pense qu’à cette jeune femme qu’il vient de rencontrer ; Pacino qui sert violemment contre lui la mère d’un enfant assassiné, comme s’il voulait faire siennes toutes les douleurs de la ville ; Val Kilmer jetant un ultime regard à la femme qu’il aime (Ashley Judd)… Les moments les plus forts de Heat sont pour la plupart totalement dénués de paroles. Pas besoin de ça pour plonger au cœur de l’âme tourmentée de ces personnages.

Pacino et DeNiro, qui jouent au jeu du chat et de la souris, sont à la fois des opposés et des êtres semblables. Chez Mann, depuis Le Sixième Sens, le Bien a souvent tendance à se confondre avec le Mal. L’un comme l’autre, par leur choix de vie, sont condamnés à se couper du monde. « Je ne suis solitaire, je suis seul », lance un DeNiro particulièrement taiseux. Lorsque enfin ils se trouvent pour l’affrontement final, ils sont l’un comme l’autre plus seuls que jamais.

La Vengeance dans la peau (The Bourne Ultimatum) – de Paul Greengrass – 2007

Posté : 5 décembre, 2012 @ 2:45 dans 2000-2009, GREENGRASS Paul | Pas de commentaires »

La Vengeance dans la peau

Voilà qui clôt de la plus belle des manières cette première trilogie (avant la suite / reboot, The Bourne Legacy) : La Vengeance dans la peau est, assez nettement, le meilleur des trois films, la suite directe du précédent. Le film commence très exactement là où La Mort… avait laissé Bourne, avec même un petit retour en arrière qui inscrit le film dans le prolongement des précédents. Plus qu’une simple suite, c’est bien la dernière partie d’une histoire en trois actes que l’on découvre ici.

Jason Bourne poursuit sa quête d’identité et trouve enfin une piste lorsqu’il lit l’enquête d’un journaliste anglais à son sujet. Ne lui reste plus qu’à mettre la main sur l’informateur du journaliste. Ce simple enjeu tient en haleine pendant les deux tiers du film.

Car si Paul Greengrass, toujours aux commandes, adopte le même style syncopé à l’extrême (parfois très agaçant), le scénario prend le contrepied du film précédent, qui était davantage tourné vers le complot que vers l’action pure. Ce troisième volet fait dans la simplicité (même si aucune des questions posées n’est laissée en suspens), et dans l’hyper efficacité, grâce à un sens de la narration imparable.

Et le film fait la part belle aux morceaux de bravoures, souvent très spectaculaires (la poursuite dans le souk et sur les toits de Tanger est à tomber par terre, avec Bourne volant littéralement d’un toit à l’autre, d’une fenêtre à l’autre), et s’inscrivent tous parfaitement dans le mouvement du film, maintenant une tension énorme d’un bout à l’autre.

Côté tension, le film atteint son apogée dans une séquence ahurissante de suspense et de rythme dans Waterloo Station. Greengrass y fait preuve d’une maîtrise de l’espace assez rare, qui n’est pas sans évoquer de Tsui Hark de Time and Tide ou le Johnnie To de The Mission. L’élégance en moins.

Mais le film n’est pas qu’un actioner : la psychologie des personnages reste l’un des atouts majeurs de la franchise. Celle de Bourne, bien sûr (Matt Damon est toujours impeccable), mais aussi celle de deux seconds rôles féminins qui gagnent ici en profondeur : la directrice adjointe Pamela Landy (Joan Allen), lueur d’intégrité noyée dans l’océan de corruption de la CIA (pas moins que Scott Glenn, David Strathairn et Albert Finney face à elle), et surtout le joli rôle de Nicky, la fausse étudiante des premiers films.

Jusque là simple apparition sans grande consistance, Nicky se révèle un peu plus, le scénario lui prêtant un passé commun avec Jason Bourne (c’est pratique, quand même, l’amnésie). Un très joli rôle pour Julia Stiles, tout en retenue, mais dont l’émotion contenue nous touche au cœur lorsqu’elle quitte un Matt Damon qui, lui, ne se souvient de rien…

Reste plus qu’à espérer qu’après le succès de The Bourne Legacy, la suite qui ne manquera pas d’être mise en chantier marque le retour de Bourne / Damon, déjà un personnage culte.

• Voir aussi La Mémoire dans la peau, La Mort dans la PeauJason Bourne : l’héritage et Jason Bourne.

Le Talion (West of Zanzibar) – de Tod Browning – 1928

Posté : 4 décembre, 2012 @ 6:12 dans 1920-1929, BROWNING Tod, FILMS MUETS | Pas de commentaires »

West of Zanzibar

Au sommet de son art, Tod Browning a signé quelques-uns des films les plus cruels du monde. West of Zanzibar en fait partie, au même titre que L’Inconnu, réalisé peu avant. Longtemps considéré comme perdu, le film est l’un de ces miracles de cinéphiles. Reconstitué à partir de plusieurs éléments de qualités très inégales, il est presque complet, et assurément l’un des chef d’œuvre du tandem Browning/Chaney.

L’acteur est aussi bouleversant qu’effrayant dans ce rôle extraordinaire, dans la lignée de ses grands personnages sous la direction de son réalisateur de prédilection. Une nouvelle fois, il incarne un homme bon ravagé par la trahison d’une femme, qui porte les stigmates de son amour blessé à travers un handicap physique. Ici, ex-magicien de music-hall, il est cloué dans un fauteuil roulant après avoir été molesté par son rival (Lionel Barrymore), type hautain qui lui a volé la femme qu’il aimait avant de l’abandonner au bord de la mort, avec un bébé sur les bras.

Les années ont passé (dix-huit), et l’ex-magicien a pisté son rival jusqu’au cœur de l’Afrique, décidé à exercer sur lui la plus cruelle des vengeances, en utilisant la fille de ce dernier, devenue une jeune femme, que Chaney place dans le bouge le plus miteux d’Afrique noire.

Sauf qu’on est chez Tod Browning, et que Chaney découvre trop tard qu’il s’agit de sa propre fille, dont s’est amouraché un médecin qui tente d’oublier un passé obscur tandis que la jeune femme veut découvrir le sien. Le médecin hanté par ses souvenirs, c’est Warner Baxter, qui restera dans l’histoire pour avoir incarné un autre médecin : le docteur Mudd accusé de complicité dans l’assassinat du président dans le magnifique Je n’ai pas tué Lincoln de Ford, huit ans plus tard.

En plein âge d’or des colonies, la représentation des « indigènes » paraît certes d’un autre temps : des guerriers que l’on dit cannibales, dont la culture est dominée par la magie et des rites mortels. Mais cet environnement renforce très efficacement le sentiment que ces personnages ont touché le fond, et n’appartiennent plus vraiment à l’humanité.

Browning a déjà été plus radical, mais rarement plus cruel qu’avec ce personnage de Chaney, pathétique et tragique. Inoubliable.

Expendables, unité spéciale (The Expendables) – de Sylvester Stallone – 2010

Posté : 4 décembre, 2012 @ 12:28 dans 2010-2019, STALLONE Sylvester, STALLONE Sylvester (réal.) | Pas de commentaires »

Expendables

Mieux vaut ne pas essayer de trouver dans ce premier Expendables autre chose que ce qu’il est basiquement : un pur film d’action viril à l’ancienne, un retour aux sources d’un genre né dans les années 80 et dans la sueur : l’actioner bourrin et macho, ce genre dont les héraults furent Schwarzie et Stallone. Autant dire que la rencontre entre les deux stars, aussi brève soit-elle, est de l’ordre du moment culte. Un simple clin d’œil, certes, mais que les cinéphages de ma génération attendaient depuis une vingtaine d’années. Et comme, en plus, il y a Bruce Willis qui leur donne la réplique, ben qu’est-ce que je voulais que je vous dise…

Plaisir coupable, ce Expendables ? Oh yeah… Du gros bras comme on n’en fait plus, des explosions gigantesques, des bagarres qui sentent la sueur, des tôles froissées « pour de vrai », des effets numériques réduits à la portion congrue… Stallone a compris avec ses deux précédents films (Rocky Balboa et John Rambo) qu’il avait tout à perdre à suivre le mouvement, et tout à gagner à rester fidèle à ce qu’il est : la star d’un cinéma d’un autre temps. Il joue ici la carte à fond.

C’est d’ailleurs ce qui est vraiment beau dans la renaissance de Stallone (très inattendue : qui aurait pu imaginer, il y a dix ans, qu’il ferait un come-back aussi spectaculaire la soixantaine passée ?) : lui qui est devenu une star grâce à sa seule volonté (la belle histoire du premier Rocky) est revenu au premier plan grâce à la même volonté et à la même sincérité.

Beau aussi : son refus de renier ce à quoi il doit la gloire, ses personnages fétiches comme le pur film d’action. Ici, donc, avec ce film de commando bien classique, au fond, il signe (à l’écriture, devant et derrière la caméra) un authentique film des années 80. La parenté la plus évidente ? Predator bien sûr, avec ce groupe de mercenaire bodybuildé et gonflé de testostérones.

Stallone, Statham, Couture, Crew et Jet Li… Difficile de faire plus virile et létale que cette équipe, dont les vannes hyper viriles rappellent celle de Schwarzenegger dans le film de John McTiernan. Un vrai film de mecs.

Efficaces et percutantes, sûr qu’elles le sont les nombreuses scènes d’action. Pourtant, c’est dans les petits moments en creux que la mise en scène de Stallone prend toute sa saveur, avec même des échos hawksiens lorsque l’humanité affleure sous les postures machistes de ces surhommes. Statham ébranlé par une déception amoureuse, que Stallone réconforte d’une réplique lapidaire. Mickey Rourke dont le masque se fissure lors d’une confession qui n’a pour but que d’ouvrir les yeux à un Stallone dans le doute… Le réalisateur n’appuie jamais le trait, mais ces petits moments rares donnent un supplément d’âme à ce film bourrin, mais d’une sincérité touchante.

• Voir aussi : Expendables 2, ainsi que Expendables 3 et son casting ultime de vieilles gloires.

Les Trois Lumières (Der Müde Tod) – de Fritz Lang – 1921

Posté : 3 décembre, 2012 @ 10:55 dans 1920-1929, FANTASTIQUE/SF, FILMS MUETS, LANG Fritz | Pas de commentaires »

Les trois lumières

C’est avec ce film que Fritz Lang est entré définitivement dans la cour des très grands. Tourné juste avant Docteur Mabuse, le joueur, Der Müde Tod est aussi l’un des films les plus plus singuliers du cinéaste, une sorte de réflexion multiculturelle sur l’inéluctabilité de la mort. La construction du film, surtout, est totalement atypique. Racontée en plusieurs « versets » (comme Les Nibelungen seront racontés en « livres »), c’est l’histoire d’un jeune couple d’amoureux qui rencontre la Mort au détour d’un chemin…

Le lieu et l’époque n’ont aucune importance : la Mort est à peu près la notion qui se démode le moins. Tout ça ressemble quand même fort à une petite ville de Bavière de la fin du 19ème siècle. Pas tout à fait contemporain, mais pas loin quand même. Mais la Mort, qui a visage humain dans ce village, emporte le jeune homme sans prévenir. Si bien que la jeune amoureuse éperdue tente de le suivre. La Mort lui donne alors trois chances : si elle parvient à sauver l’une des trois lumières (trois vies) sur le point de s’éteindre, il lui rendra son homme.

Suivent trois histoires d’amour tragique, incarnées par le même couple d’acteurs, dans trois lieux et trois époques différents : la sœur d’un sultan qui tente de sauver son impie d’amant poursuivi par une horde de musulman dans un Moyen-Orient des 1001 nuits ; une jeune Vénitienne dont l’amoureux secret est menacé par son riche rival ; et un couple de Chinois dont l’amour est remis en cause par la volonté du cruel Empereur…

En s’attachant des chefs opérateurs différents pour chaque époque, Lang fait un choix formidable : chaque partie de son film possède son identité visuelle propre, la mise en scène constamment inspirée de Lang faisant le lieu entre toutes, et formant un long mouvement vers une issue inéluctable…

Film de jeunesse, Der Müde Tod est pourtant une œuvre curieusement désabusée. Le moment le plus déchirant, peu-être, est celui où la Mort, après avoir tenu brièvement dans ses bras le corps sans vie d’un bébé, se laisse aller au désespoir. La Mort n’est pas ce personnage inhumain et rigolard de l’imagerie populaire, ce n’est qu’un messager, le visage que l’homme donne à son destin. Pas drôle, comme boulot…

C’est déjà l’œuvre d’un grand cinéaste. Un film romanesque, tragique, et fascinant.

Double Team (id.) – de Tsui Hark – 1997

Posté : 3 décembre, 2012 @ 10:47 dans 1990-1999, TSUI Hark | Pas de commentaires »

Double Team

La manière de juger ce film dépend du point de vue que l’on adopte : celui de l’admirateur effréné d’un Tsui Hark qui sortait d’une période créatrice enchantée (il venait d’enchaîner The Lovers et The Blade à Hong Kong, deux de ses chef d’œuvre), ou celui du fan de Jean-Claude Van Damme. Alors au sommet de sa gloire et de son succès international, le Belge philosophe avait alors droit à de grosses productions, et devenait le sésame hollywoodien des grands cinéastes hong-kongais.

C’est avec Chasse à l’homme que John Woo a fait ses débuts en Amérique, ce sera avec Risque Maximum que Ringo Lam fera les siens, et c’est avec ce Double Team que l’immense Tsui tente l’aventure US. Du point de vue de Van Damme, c’est une chance inespérée : les films qu’il tourne sous la direction de ces cinéastes sont, et de loin, les meilleurs de sa carrière (il y a même une authentique perle : Replicant, de Ringo Lam).

Du point de vue du réalisateur, évidemment, le résultat est bien moins glorieux. Car si Double Team (comme Chasse à l’homme) marque une date dans la filmo de JCVD, il représente plutôt un abysse dans celle de Tsui Hark (comme dans celle de Woo). La patte du cinéaste est parfois perceptible, mais uniquement d’un aspect purement visuel, grâce à quelques beaux plans bien construits et des corps à corps spectaculaires qui sauvent le film du naufrage.

Mais Double Team, pourtant bourré d’idées intéressantes, est taillé avant tout pour le marché vidéo, dont Van Damme était alors le rois absolu. Un marché qui n’aime pas les films trop longs. Alors pour rester en deçà de l’heure et demi, il a fallu trancher. Le montage à la machette interdit absolument toute immersion, et gâche irrémédiablement toutes les ébauches d’idées originales.

L’île transformée en prison high tech d’ex-agents secrets évoque le village de la série Le Prisonnier ; des moines-enquêteurs au rôle mystérieux… Ces pistes auraient dû être au cœur même du film, mais perdent absolument toute consistance au montage. Le scénario, de toute façon, est totalement con, et les dialogues parfaitement ineptes sont plombés par des bons mots à double-sens, clins d’œil lourdingue au basket pour justifier la présence en sidekick de Jean-Claude de l’ex star de la NBA Dennis Rodman.

Finalement, le film se résume à une histoire de vengeance, entre JCVD et un Mickey Rourke assez impressionnant. On imagine ce que Tsui Hark en aurait fait avec la liberté qui était la sienne à Hong Kong. Comme on imagine que le futur réalisateur de Time and Tide aurait fait des décors en trois dimensions de la fête foraine, platement utilisée vers le début du film. Mais pour revoir Tsui Hark à son meilleur, il faudra attendre la fin de son interlude américain, qui se résume à deux Van Damme : le fendard Piège à Hong Kong suivra, surréaliste et hallucinant.

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