Les Trois Lumières (Der Müde Tod) – de Fritz Lang – 1921
C’est avec ce film que Fritz Lang est entré définitivement dans la cour des très grands. Tourné juste avant Docteur Mabuse, le joueur, Der Müde Tod est aussi l’un des films les plus plus singuliers du cinéaste, une sorte de réflexion multiculturelle sur l’inéluctabilité de la mort. La construction du film, surtout, est totalement atypique. Racontée en plusieurs « versets » (comme Les Nibelungen seront racontés en « livres »), c’est l’histoire d’un jeune couple d’amoureux qui rencontre la Mort au détour d’un chemin…
Le lieu et l’époque n’ont aucune importance : la Mort est à peu près la notion qui se démode le moins. Tout ça ressemble quand même fort à une petite ville de Bavière de la fin du 19ème siècle. Pas tout à fait contemporain, mais pas loin quand même. Mais la Mort, qui a visage humain dans ce village, emporte le jeune homme sans prévenir. Si bien que la jeune amoureuse éperdue tente de le suivre. La Mort lui donne alors trois chances : si elle parvient à sauver l’une des trois lumières (trois vies) sur le point de s’éteindre, il lui rendra son homme.
Suivent trois histoires d’amour tragique, incarnées par le même couple d’acteurs, dans trois lieux et trois époques différents : la sœur d’un sultan qui tente de sauver son impie d’amant poursuivi par une horde de musulman dans un Moyen-Orient des 1001 nuits ; une jeune Vénitienne dont l’amoureux secret est menacé par son riche rival ; et un couple de Chinois dont l’amour est remis en cause par la volonté du cruel Empereur…
En s’attachant des chefs opérateurs différents pour chaque époque, Lang fait un choix formidable : chaque partie de son film possède son identité visuelle propre, la mise en scène constamment inspirée de Lang faisant le lieu entre toutes, et formant un long mouvement vers une issue inéluctable…
Film de jeunesse, Der Müde Tod est pourtant une œuvre curieusement désabusée. Le moment le plus déchirant, peu-être, est celui où la Mort, après avoir tenu brièvement dans ses bras le corps sans vie d’un bébé, se laisse aller au désespoir. La Mort n’est pas ce personnage inhumain et rigolard de l’imagerie populaire, ce n’est qu’un messager, le visage que l’homme donne à son destin. Pas drôle, comme boulot…
C’est déjà l’œuvre d’un grand cinéaste. Un film romanesque, tragique, et fascinant.
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