Le Roi du Bluff (The Half-naked truth) – de Gregory La Cava – 1932
Prince oublié de la comédie américaine, Gregory La Cava signe avec ce Half-naked truth un film au rythme trépidant, et à l’inspiration débridée. Un petit chef d’œuvre de mise en scène sans la moindre baisse de régime, porté par un Lee Tracy survolté, lui aussi vedette de la comédie tombée dans les limbes de l’oubli.
Tracy, acteur filiforme gorgé d’énergie brute, est ici un bateleur de fête foraine qui, après une soirée qui se termine mal, part avec son pote roi de l’évasion (l’indispensable Eugene Pallette) et la fougueuse « Mexicaine » (Lupe Velez) direction Broadway, où il espère bien faire de la belle une star.
« Espérer » n’est d’ailleurs pas le mot qui convient : Tracy a une confiance en lui, un culot et une force de persuasion assez incroyables. Et il obtient très exactement ce qu’il cherche. Mais la célébrité et la richesse ont leur revers, etc, etc… On voit bien où La Cava veut arriver : l’argent et la gloire ne font pas le bonheur, et une suite luxueuse d’un grand palace ne remplacera jamais la bonne vieille sciure d’une piste de cirque.
Qu’importe : l’important n’est pas le but, mais le chemin. Et ce chemin est totalement fou. En 1h15, on assiste à l’ascension et la chute d’un artiste, à l’arrivée d’une princesse turque, à un défilé de nudiste dans les rues de New York, à l’irruption d’un lion dans une suite impériale… Et pendant 1h15, Lee Tracy est une tornade bondissante, à qui rien ne résiste, et surtout pas le pauvre Frank Morgan, grand homme de théâtre dépassé par ce type que rien n’arrête, et qui le pousse au bord de la dépression nerveuse.
Les paillettes, le monde du spectacle et celui de la presse, en prennent un sacré coup au passage.
Co-scénariste et réalisateur, La Cava est constamment inspiré. Dès la première séquence, qui nous plonge littéralement dans le bain : la caméra filme en plongée vertigineuse (c’est le cas de le dire) un homme plongeant de trente mètres de haut dans un mètre cinquante d’eau. Le plan est saisissant, comme toute l’introduction, où La Cava utilise à merveille toutes les possibilités de son décor de foire.
Suivent quelques éclats de génie, comme cette utilisation exceptionnelle de la bande son dans une scène clé du film, lorsque Lee Tracy se retrouve seul, sans ses proches, et où le moindre bruit lui évoque les musiques de la fête foraine. C’est tout simplement brillant.
Impressionnant aussi de voir à quel point, en 1932, La Cava maîtrise déjà tout du cinéma parlant : le rythme des dialogues, la bande son… Injustement ignoré au profit de Lubitsch ou Capra, La Cava est un cinéaste tout aussi passionnant, plus « canaille » et acerbe, et tout aussi drôle. Et ce Half-Naked truth, comme My Man Godfrey, son film le plus célèbre, est un chef d’œuvre.
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