Fort Yuma (id.) – de Lesley Selander – 1956
La première scène aurait pu être géniale. Un chef indien arrive dans un fort US pour signer un accord de paix. Mais un blanc l’abat d’une balle dans le dos, sans que l’on sache pourquoi, réanimant d’un coup la guerre entre les Indiens et les soldats blancs américains… Cet assassinat historique est un acte fort, lourd de conséquences. Il est filmé avec une nonchalance et un manque de puissance qui résume assez bien le film.
Fort Yuma, cela dit, est un western plutôt recommandable. Mais remplacez Lesley Selander, cinéaste à la pauvre réputation, par un réalisateur plus chevronné, et vous obtiendrez sans doute un grand western. On est assez loin du compte. En dépit de toutes les bonnes idées du scénario, le film rate constamment son entrée dans la cour des grands en bâclant toutes les scènes importantes.
La grande séquence d’attache des Indiens surtout, est totalement manquée. Véritable massacre à la Fort Apache, cet affrontement est lui aussi filmé avec un manque cruel d’intensité, malgré tous les enjeux dramatiques.
De la même manière, il y a au cœur du film un sujet fort : les relations complexes entre blancs et indiens, vues à hauteurs d’individus à travers deux couples et une amitié masculine potentiels… Le film est narrativement parlant d’une grande simplicité : il raconte le voyage à haut risque d’une colonne de la cavalerie (avec deux femmes) dirigée par Peter Graves, d’un fort à l’autre, à travers des terres indiennes.
Le danger omniprésent met en valeur ces relations interraciales compliquées : deux couples à des stades différents de leur histoire (l’officier blanc qui veut cacher à tout prix ses sentiments pour une Indienne ; un éclaireur indien et une missionnaire blanche attirés l’un par l’autre malgré tout ce qui les sépare), et deux hommes (l’officier et l’éclaireur) qui affichent une haine réciproque mais finissent par se respecter et s’apprécier. Ce pourrait être passionnant, mais le sentiment que ce sujet n’est qu’ébauché est pour le moins frustrant.
Finalement, c’est dans les longues plages de calme que le film est le plus réussi. Dans la première heure surtout, lente avancée dans le désert, où les personnalités se révèlent peu à peu, et notamment un beau second rôle : un soldat vieillissant, frustré d’être privé de galons à cause de son illétrisme. C’est grâce aux seconds rôles, et à la capacité qu’a Selander de filmer à hauteur d’hommes et de créer une sensation d’intimité, que Fort Yuma, au final, obtient un satisfecit…
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