L’Image vagabonde (Das Wandernde Bild) – de Fritz Lang – 1920
La Ville, tentaculaire, habitée par des populations étonnantes et lieu de tous les vices, a souvent été au cœur des films de Lang (de Mabuse à Metropolis, de M le maudit à La Femme au portrait…). A chaque fois qu’il en est sorti, le cinéaste a donné une vision forte et habitée de la nature : la lande de studio baignée dans la brume des Contrebandiers de Moonfleet, les grands espaces vides d’humanité de La Femme sur la lune… Déjà dans Wandernde Bild, cette œuvre de jeunesse méconnue, sa manière de filmer la nature (des décors bien réels, cette fois) est impressionnante.
Rarement Lang aura privilégié à ce point le tournage en extérieur, qui plus est dans des conditions difficiles : le décor qu’il a choisi, pour sa première collaboration avec sa compagne et scénariste Thea Von Harbou, est celui d’une montagne escarpée, où la nature est continuellement menaçante. Peut-être est-ce la raison pour laquelle L’Image vagabonde est son film le plus marqué par la religion, comme si Lang était frappée par la puissance intrinsèque de cette nature sauvage.
Mystique, le film l’est assurément : la délivrance finale, sans entrer dans les détails, est la vision d’une statue de la Vierge, que l’on voit marcher dans la neige, portant un bébé… Quant aux dialogues de ce film muet, ils sont les plus ouvertement mystiques de toute l’œuvre de Lang. « Je cherche le chemin qui me délivrera de ma détresse », lance l’héroïne à celui qu’elle ne sait pas être son mari. « Nul ne peut indiquer un chemin qu’il ignore », rétorque ce dernier.
Ce dialogue obscur intervient après un quart d’heure de film (dans la version qui a survécu en tout cas : il ne reste qu’une version tronquée d’un tiers du métrage, et tout le début semble très fragmentaire), et il faut reconnaître que, comme dans Cœurs en lutte l’année suivante, Lang et Von Harbou ne facilitent pas la tâche du spectateur.
Ce à quoi on a assisté jusqu’alors : une veuve qui fuit le frère de son mari décédé, avec qui elle est également mariée. Pour lui échapper, elle s’enfonce de plus en plus profondément dans une région reculée, d’abord dans un petit village, puis dans la montagne… où le premier type qu’elle rencontre se trouve être son mari qu’elle croit mort, et qu’elle ne reconnaît pas.
Difficile de comprendre la logique des personnages pendant la première moitié du film, mais un long flash-back vient faire toute la lumière, tandis que nos héros sont coincés sous un immense éboulis (joliment filmé, d’ailleurs).
Le destin, la nature, la foi (en l’homme, en Dieu)… Ce Lang-là ne ressemble pas tout à fait aux autres. Les actions des hommes se font sous le couvert de préceptes religieux et moraux. Ils n’auront plus cette excuse dans les grands chef d’œuvre que Lang n’allait pas tarder à enchaîner. Plus il s’éloignera de ce naturalisme mystique, plus il touchera à la réalité trouble de ses personnages.
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