La Mémoire dans la peau (The Bourne Identity) – de Doug Liman – 2002
Il y a tout juste dix ans (ben oui, déjà ma brave dame), cette adaptation d’une série de romans à succès de Robert Ludlum donnait un sérieux coup de fouet au cinéma d’action américain, genre qui, en dehors des Mission : Impossible, avait tendance à s’enliser depuis quelques années dans une surenchère un peu vaine d’effets spéciaux numériques d’où manquait souvent le principal : l’âme.
Le réalisateur de The Bourne Identity, Doug Liman, n’est pas tout à fait exempt des défauts que l’on reproche aux réalisateurs habituels du cinéma d’action moderne : lui aussi a une franche tendance à multiplier à l’extrême les plans pour donner du rythme à son film ; lui aussi privilégie la caméra portée à l’épaule pour que l’image soit dynamique… Deux tendances qui, à mon très humble avis, tendent plutôt à casser le rythme et à opacifier inutilement l’action.
Paradoxalement, c’est dans les scènes de dialogues que ces effets sont les plus tangibles. Dans les (nombreuses et spectaculaires) scènes d’action, Liman adopte au contraire un style presque rétro, avec des plans larges et travaillés, et force tôles froissées. Et c’est dans ces scènes explosives que le troublant réalisme du film est le plus tangible…
L’histoire est excitante au possible : un homme est repêché avec deux balles dans le corps. Il échappe à la mort, mais n’a plus le moindre souvenir de qui il est. Suivant les maigres indices que son corps lui révèle, il tente de découvrir qui il est, et réalise bientôt qu’il possède des dons incroyables pour le close combat, l’observation, les langues étrangères, la conduite, ou encore l’utilisation de toutes les armes. Il sait même faire des nœuds marins ! Il réalise aussi qu’on cherche à le tuer…
L’idée de génie est d’avoir confié le rôle à Matt Damon, acteur qui, jusqu’alors, me semblait bien falot, et n’avait absolument pas l’image d’un action hero. Mais c’est justement ce contre-emploi qui fait toute la force du personnage : son physique de jeune homme banal est un atout prodigieux. Et il faut bien reconnaître qu’il est exceptionnel… Il joue à merveille ce paumé quelconque qui réalise peu à peu qu’il n’est pas quelconque, et qui est effrayé par ce qu’il est capable de faire.
Il y a un plan, tout simple, dans les rues désertes de Zurick, de Matt Damon filmé de dos dans la nuit, qui résume parfaitement le cauchemar qu’il vit : seul dans une histoire qui lui est totalement étrangère, avec simplement des talents qu’il ignore avoir…
Le reste du casting est particulièrement bon, de Franka Potente en jeune expatriée entraînée malgré elle dans la cavale de Jason Bourne, à Chris Cooper en, patron au bord de la rupture d’une agence gouvernementale ultra-secrète, en passant par Brian Cox, en patron cynique de la CIA. Cerise sur le gâteau : un Clive Owen encore peu connu qui joue un tueur apparemment sans état d’âme et sans nuance. Jusqu’à sa dernière scène, pathétique et troublante, l’une de ces scènes qui apportent au film ce supplément d’âme…
• Voir aussi La Mort dans la peau, La Vengeance dans la Peau, Jason Bourne : l’héritage et Jason Bourne.
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