Les Pleins pouvoirs (Absolute Power) – de Clint Eastwood – 1997
« What a stimulating discussion »
J’ai toujours énormément aimé ce film, peut-être le plus « pictural » de tous les Eastwood (avec Minuit dans le jardin du bien et du mal, tourné peu après). Tourné entre deux films « importants » (avant, c’était Sur la route de Madison) qui lui ont valu les faveurs de la critique, ce polar classique sur le fond fait apparemment figure de parenthèse, voire de retour en arrière dans sa filmographie, au cœur d’une décennie particulièrement faste pour l’acteur-réalisateur. A tort.
Les premières images du film, furtive rencontre de Clint et de sa fille Alison reproduisant les œuvres d’art d’un grand musée, donnent le ton d’un film qui donne constamment la sensation d’être un tableau de maître en mouvement. Il y a dans la mise en scène d’Eastwood, dans son sens du cadre, et dans la lumière (signée Jack Green), une beauté et une élégance rares dans le cinéma américain contemporain, une image au grain d’une belle finesse, et un jeu sur les couleurs plutôt rare dans l’œuvre d’Eastwood, qui se détournera de plus en plus de la couleur après ce très beau film.
Mais Absolute Power reste un vrai film de série, un pur suspense d’une belle efficacité avec une intrigue certes un peu tirée par les cheveux, mais captivante. Eastwood lui-même interprète un cambrioleur de haut vol, qui assiste à un crime qui va lui changer la vie : alors qu’il est en pleine action dans une riche demeure, l’arrivée impromptue de mystérieux visiteurs le pousse à se réfugier dans une chambre forte secrète, dotée d’un miroir sans teint. Il ne perd rien de la scène qui suit : le président des Etats-Unis qui maltraite la jeune épouse de son mentor, cette dernière étant finalement abattue par les garde-corps de l’homme le plus puissant du monde.
Traqué par les services secrets, il sait qu’il doit disparaître, et tente de renouer contact avec sa fille, jouée par Laura Liney. Si Eastwood traite l’intrigue policière avec moins de désinvolture que dans Jugé coupable, on sent qu’il est bien plus intéressé par les relations entre les personnages : entre le cambrioleur et sa fille ; entre le président (Gene Hackman, dans un décalque du rôle qu’il jouait dans Sens unique) et son bras droit (Judy Davis, inquiétante) ; entre l’un des garde du corps (l’excellent Scott Glenn) et sa conscience…
Ma préférée : la relation entre Eastwood et le flic interprété par Ed Harris. Le plaisir manifeste que les deux hommes ont à se retrouver face à face, dans une poignée de scènes bien plus longues que nécessaires, mais qu’on aimerait voir se prolonger encore plus, est particulièrement communicatif. « Plaisir » : c’est ce qui guide visiblement Eastwood dans ce film chaleureux et généreux. Le réalisateur prend plaisir à enrichir sa palette ; l’acteur prend plaisir à partager ses scènes avec des seconds rôles exceptionnels.
« Quelle discussion excitante ! » s’enthousiasme d’ailleurs Clint après un dialogue avec Ed Harris, ponctué par de grands sourires de l’un et de l’autre. Des sourires que l’on partage, et comment, devant ce film totalement décomplexé d’un cinéaste arrivé à un stade où il peut tout se permettre, et qui choisit de rester un artisan à l’ancienne, d’une époque où la richesse des seconds rôles faisait aussi la valeur d’un film.
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