L’Incendie de Chicago (In old Chicago) – de Henry King – 1938
La première séquence est absolument magnifique. Dans le soleil couchant, sortant de l’immense obscurité du désert, comme venant de nulle part, un chariot tiré par deux chevaux amène une famille vers la toute jeune cité de Chicago, guère plus grande alors que ces villes du Far West qui peuplent les westerns. Mais le père n’y arrivera pas, victime d’un accident stupide, le destin le privant de cette ville pleine d’avenir dont il rêve tant. « Enterrez-moi ici, je n’ai pas réussi à aller jusqu’à Chicago, c’est Chicago qui viendra jusqu’à moi », lance-t-il à sa femme et à ses trois jeunes enfants avant de rendre l’âme…
Cette famille d’immigrés irlandais, les O’Leary, seront les symboles de cette ville américaine en pleine expansion. Car si le film parle de la naissance et de la folie grandissante d’une ville à la fois belle et malsaine, il le fait à travers le destin de cette famille, ce « clan pas comme les autres ». La mère courage, garante de l’esprit américain, fera de ses enfants des stéréotypes du rêve américain. Le plus jeune fondera une famille mixte en épousant une immigrée allemande. Le plus âgé deviendra avocat, puis maire de Chicago. L’autre sera l’homme puissant de l’ombre, du genre à plier la loi à ses intérêts plutôt qu’à se plier à la loi.
Evidemment, entre les frères, on sait que l’entente ne peut pas durer. Surtout quand une femme entre en scène. Suivront magouilles, tricheries, mensonges, déceptions, trahisons… Mais il faudra attendre l’ultime péché du fils perdu (Tyrone Power) pour que le destin se décide à punir la famille, et donc la ville entière : un incendie immense (et historique) qui ravage toute la vieille ville, faisant table rase d’un passé basé sur le vice et le crime.
Le film est typique de la production hollywoodienne de l’époque : l’incroyable savoir-faire de la machine à rêve est au service d’un message biblique qui cristallise les valeurs américaines. Ce que résume le discours final, assez pénible, de la mère O’Leary. Pas de rédemption sans destruction, du passé faisons table rase. Au sens propre.
Mais il y a ce fameux savoir-faire, et le talent immense d’Henry King, qui réussit parfaitement à faire vivre ses personnages, et à faire ressentir le pouls de cette ville séduisante et répugnante à la fois, magnifique reconstitution du Chicago des années 1870. Le grand moment de bravoure est également à la hauteur de l’attente : les vingt-cinq minutes hyper spectaculaires de l’incendie restent d’une force impressionnante.
Le film aurait toutefois gagné à être (beaucoup) plus long : on sent que King et son monteur ont été tenus par les exigences des studios, et que de nombreux épisodes de cette fresque ont dû être supprimés (sans doute jamais tournées), ou écourtés au maximum. Résultat : le film n’a pas ce souffle historique et épique qu’il aurait dû avoir, et certaines ellipses nuisent à la force du film.
Dommage, parce que la rivalité entre les deux frères (Power et Don Ameche) tient toutes ses promesses. C’est de cet affrontement que naît l’émotion, c’est sur cette relation d’amour-haine que King base tout son film : la descente aux enfers et la résurrection de toute une ville…
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