Quels seront les cinq ? (Five came back) – de John Farrow – 1939
Voilà un petit trésor méconnu, signé par l’excellent John Farrow, futur réal du noir La Grande horloge et de Wake Island, joyau du film de guerre. Ici, ce cinéaste touche-à-tout plonge au cœur de ce qui ressemble bien à un pur film d’aventures comme Hollywood les aime. Un avion transportant douze personnages s’écrase au cœur de la forêt amazonienne. Les rescapés s’organisent pour survivre en attendant que les réparations nécessaires au départ soient faites.
Mais le cadre du film d’aventures n’est qu’un prétexte, comme la menace sourde et invisible des Indiens coupeurs de tête qui habitent la région, et la nécessité de ne choisir que cinq passagers pour repartir, ne sont que des catalyseurs pour révéler les individus tels qu’ils sont vraiment. Dans ce Koh Lantah reconstitué en studio, les rapports de force traditionnels se retrouvent bouleversés, les conventions ne servent plus à rien, puissants et modestes se retrouvent à égalité, et les actes deviennent soudain plus importants que les origines sociales.
Pour que le thème soit le plus efficace possible, les scénaristes (dont Dalton Trumbo, bien avant la Liste Noire, et alors qu’il venait d’écrire son roman Johnny s’en va-t-en guerre, qu’il adaptera trente ans plus tard) ont choisi de réunir des types très marqués : un couple âgé, un milliardaire et sa secrétaire sur le point de se marier, une jeune femme de petite vertu, un veuf bougon, un dragueur un peu lourd, un flic colérique, un criminel repenti, un enfant de 10 ans, une petite frappe au grand cœur… Une galerie un peu caricaturale, certes, mais qui se révèle aussi attachante qu’efficace.
D’autant que Farrow filme avec pas mal de nuances et d’intelligence les changements qui s’opèrent (en bien ou en mal) dans le comportement et les rapports de ces naufragés. Cette femme peu respectable à qui on ne laisse pas même le droit de consoler l’enfant en pleur finira par être appelée « tante Peggy ». A l’inverse, ce milliardaire charmant et attentionné révélera sa médiocrité et son égoïsme dans l’adversité.
C’est d’ailleurs la partie centrale du film qui est la plus passionnante. La plus calme, aussi (après un crash un peu kitsch) : c’est le moment où tous réapprennent à vivre dans ce qui n’est pas loin de ressembler à une société idéale, débarrasser des conventions et des tracas du quotidien.
On a le droit de trouver ça naïf, mais la fin du film, brutale et cruelle, arrive pour signaler que, non, les auteurs du film ne sont pas dupes. Ce rêve de société idéale n’est qu’une chimère…
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