Gretchen the Greenhorn (id.) – de Chester M. Franklin et Sidney Franklin – 1916
Très joli film avec Dorothy Gish en tête d’affiche, sans sa sœur pour une fois. Réalisé par deux frères qui font preuve d’une belle inventivité visuelle, avec une utilisation très inspirée des cadrages, des caches, et de la pénombre. Point d’orgue de ce petit film qui supporte très bien l’épreuve du temps : un mariage génialement filmé par une suite de gros plans sur des visages expressifs (et des mains) isolés sur un fond totalement noir. Original et génial, même près d’un siècle après.
Gretchen the Greenhorn a pour toile de fond une sorte d’auberge espagnoles dans laquelle cohabitent des immigrés venus des quatre coins d’Europe et d’Amérique, à New York. Gretchen (la frangine Gish) y retrouve son père, honnête artisan venu tenter sa chance en Amérique, qui n’a jamais fait fortune, mais qui a gardé un cœur immense. La preuve : il partage son repas avec les enfants affamés d’une pauvre voisine.
Il y a là un jeune Italien, qui tombe amoureux de Gretchen ; une veuve américaine entourée d’enfants et sans le sou ; et bientôt un étrange propriétaire de bateau, joué par un Eugene Pallette presque svelte (difficile à imaginer, oui), qui profitera de la naïveté du père de Gretchen pour en faire le complice malgré lui de sa bande de faux-monnayeurs.
Belle peinture de ce petit groupe qui symbolise la diversité des immigrés, qui se retrouvent pourtant autour d’une même misère. Solidaires pour faire face à la dure réalité du « rêve américain ». C’est l’univers qui a tant inspiré Chaplin, décrit ici d’une manière un peu plus dramatique, mais tout aussi vivante.
Le rythme du film est étonnant : entre sourire et frisson, les Franklin ne laissent aucune seconde de répit aux spectateurs. Et puis, visuellement, c’est constamment inventif, en particulier pour l’utilisation des caches. Et ce dès les premiers plans, modèles du genre. D’abord, Dorothy Gish assise, rêveuse, en fond de cale d’un bateau l’amenant en Amérique. Puis, son père apparaît dans une petite vignette découpée en bas de l’écran. L’image s’agrandit peu à peu, alors qu’il se lève de son lit et se dirige vers la caméra. Son visage souriant finit par occuper tout l’écran. C’est à la fois simple et virtuose, et tout le film est à l’avenant.