Les Crimes de Snowtown (Snowtown) – de Justin Kurzel – 2011
Bienvenue à Glauque City, petite banlieue australienne peuplée d’alcooliques, de drogués, de pédophiles… où l’avenir est une notion aussi désespérante que le présent ou le passé, où les habitants se contentent de traverser tant bien que mal une non-existence sans joie, sans émotion, sans espérance, sans horizon…
C’est dans ce contexte sordide et terrifiant d’inhumanité que l’Australien Justin Kurzel pose ses caméras, pour ce premier film choc, inspiré de la véridique histoire du pire tueur en série de l’histoire de l’Australie (c’est le dossier de presse qui le dit). On pourrait croire à une variation australienne du Memories of Murder de Bong Joon-ho, film-dossier consacré au premier tueur en série de l’histoire de la Corée du Sud, mais le parti-pris de Kurzel est aux antipodes. Là où le Coréen optait pour une approche très esthétique, Kurzel préfère une vision frontale sans fard.
Le film, d’ailleurs, est d’une laideur visuelle marquante. Dans ce plat pays sans beauté, sans le moindre relief qui pourrait retenir l’attention, les rues sont désespérément vides, les maisons carrées et dépouillées de toute décoration, les jardins d’affreux terrains vagues jonchés de jouets brisés… Un tombereau à ciel ouvert pour l’innocence…
Contrairement au film de Bong Joon-ho, le « héros » du film n’est pas un flic qui se perd dans la quête sans issue d’un monstre. Non : ce que filme Kurzel ici, c’est la naissance d’un monstre. Et le plus horrible, c’est qu’il sort de l’être le plus innocent du film : Jamie, un ado de 16 ans, sur le point d’entrer dans la vie adulte, et qui n’attend qu’une main tendue qui pourrait lui offrir cette enfance à laquelle il n’a pas eu droit.
Privé de père, il doit se contenter des petits amis de sa mère, qui se succèdent à la maison. Mais le dernier en date a abusé de lui, dans un silence assourdissant. Alors quand la môman ramène à la maison un type séduisant, attentionné et passionné, notre héros se raccroche à cet ultime espoir avec l’énergie du désespoir… Serait-ce lui, le père qu’il attend depuis si longtemps ? Pas vraiment…
Dans un premier temps, Jamie est séduit par cet homme bien décidé à en finir avec les pédophiles. Mais au fil du temps, il réalise que les virées nocturnes contre les pédophiles se transforment en chasse au pédés, que les passages à tabac ne se terminent plus à l’hôpital, mais au fond d’un trou, et que le plaisir infini de tuer à petit feu finit par prendre le dessus, reléguant bientôt toute notion d’auto-défense ou de justice… En guise de père aimant, c’est un véritable gourou de la monstruosité qui l’a pris sous son aile.
Glaçant, dérangeant à l’extrême, Snowtown (pour le blanc immaculé, on repassera !) est une bombe dont on ne sort pas indemne. C’est un film dur, absolument pas séduisant, qui bouscule, qui donne la nausée… Pas pour la violence visuelle : la grande partie des tortures et des exécutions se déroulent hors-champs. Mais pour la manière clinique avec laquelle le réalisateur filme Jamie, dont le terrible regard enfantin en quête désespérée de joie et d’innocence (« Ne gâche pas ça, maman », lance-t-il pour retenir ce père de substitution), va se perdre inexorablement dans la plus horrible barbarie.
C’est terrifiant, et traumatisant…
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très bon texte, qui résume parfaitement mon ressenti ..