Les 5 Gentlemen maudits – de Julien Duvivier – 1931
Cinq amis occidentaux se retrouvent dans une ville sainte de Tunisie, et son maudits par un sorcier local lorsque l’un d’eux bouscule une jeune femme dont il voulait ôter le voile. Le sorcier leur assure qu’ils mourront tous l’un après l’autre, avant la prochaine pleine lune. Le lendemain, l’un d’entre eux se noie accidentellement. Quelques jours après, un deuxième meurt dans un accident d’avion. Puis, un troisième est assassiné. Les deux derniers, un Français devenu millionnaire par héritage, et son ami Anglais, finissent par prendre au sérieux la malédiction, et partent à la recherche du sorcier…
Disons-le tout de suite : Julien Duvivier ne prend absolument pas au sérieux son histoire de malédiction, qui n’est qu’une excuse à peine déguisée pour filmer sa toile de fond. En l’occurrence les rues bondées de monde et baignées de soleil de Moulay-Indriss, cité traditionnelle de Tunisie où les rites vont bon train, et où les vieilles traditions sont toujours en vigueur en ce début des années 30.
On n’est pas loin du documentaire déguisé, mais le film est un témoignage peut-être plus fascinant encore. Parce que rares sont les films de fiction populaire dont la toile de fond est à ce point criants de vérité. Normal : Duvivier tourne sur le vif, avec des acteurs qui se mêlent à la population. Et pourtant, les images sont d’une beauté assez époustouflante. Rien à voir avec les traditionnelles images volées que l’on voit souvent dans les films de fiction. Ici, le cinéaste soigne le moindre de ses plans, jouant avec les « gueules » des autochtones, avec les couchers de soleil, avec la foule en mouvement, avec les champs infinis, ou avec le mystère qui se dégage des ruines.
D’ailleurs, Les 5 Gentlement maudits est avant tout un film visuel. Est-ce l’effet du temps sur la copie ? Est-ce une volonté de Duvivier ? La plupart des dialogues sont difficiles, voire impossibles, à comprendre (seul Harry Baur, dans un rôle qui n’est utile que pour assurer une tête d’affiche au film, est vraiment audible ; à l’exception de Robert Le Vigan, dont la diction est bien plus claire que celle des autres comédiens). Mais qu’importe : le plaisir est de chaque instant dans ce film que Hergé a sans aucun doute vu à sa sortie (on en retrouve des plans entiers dans les cases du Crabe aux pinces d’or).
Un film qui est l’ultime cri d’amour au cinéma muet d’un cinéaste qui a eu du mal à accepter le passage au parlant. Au bonheur des dames était déjà un film muet tardif (tourné par Duvivier en 1930)… Les 5 Gentlemen maudits, le deuxième « talkie » du cinéaste après David Golder, est essentiellement tourné comme un film muet. Avec toute la richesse visuelle que cela implique.
Laisser un commentaire
Vous devez être connecté pour rédiger un commentaire.