La Volonté du Mort (The Cat and the Canary) – de Paul Leni – 1927
Premier film américain de Paul Leni¸ qui fut l’un des grands artisans de l’expressionnisme allemand (on lui doit les décors et la mise en scène du Cabinet des figures de cire), cette adaptation d’une pièce à succès de John Willard peut être vue comme la matrice de tout un courant de films d’horreur, à la fois très américains dans la construction, et très emprunt de l’expressionnisme. Même s’il n’est pas le premier (La Découverte d’un secret, de Murnau, lui est bien antérieur, par exemple), ce film pose aussi les bases, qui ne changeront guère au cours des décennies à venir : celui du « film de maison hantée ».
La « maison » en question est incroyable, bien sûr : une espèce de vieux château qui se découpe au sommet d’une colline balayée par le vent et la pluie, immense bâtisse où ne vit plus qu’une vieille servante, totalement seule depuis la mort de son maître vingt ans plus tôt. Mais ce soir-là, les proches de l’ancien maître des lieues affluent pour la première fois : le testament du vieil homme, enfermé dans un coffre depuis tout ce temps, doit être ouvert (à minuit, évidemment), et dévoiler le nom de l’héritier.
And the winner is… Laura la Plante, vedette de l’époque qui joue ici la jeune ingénue, la petite nièce désintéressée entourée de requins que l’on sent pour le moins envieux. Mais à peine l’enveloppe est-elle ouverte que des phénomènes mystérieux surviennent, à commencer par la disparition soudaine de l’avocat de la famille, comme happé par les murs de la maison.
Portes dérobées, bras crochus et velus qui sortent des murs, visages derrière les fenêtres, rideau qui s’envolent, tableaux qui tombent… Paul Leni s’amuse avec toutes les possibilités que lui offre l’outil cinématographique.
Il filme des visages inquiétants en très gros plans, et utilise l’obscurité d’une manière particulièrement inventive et efficace, en plongeant systématiquement la plus grande partie de ses plans dans les ténèbres. Ce qui a pour effet de mettre en valeur les personnages, et de renforcer le sentiment de menace qui pèse sur eux.
Le film donne des frissons (sans doute moins aujourd’hui qu’en 1927 : tous les trucs qu’il utilise ont tellement été copiés qu’ils nous sont devenus des clichés), mais il s’agit surtout d’un pur plaisir de cinéma. Un plaisir de cinéaste, qui utilise la caméra, l’éclairage et le montage avec une inventivité réjouissante. Et un plaisir de spectateur, tant le second degré et l’humour sont poussés loin. On ne prend pas vraiment au sérieux ce suspens d’un autre temps. Mais on se régale devant les maquillages, les gueules et les vieux trucs. Une porte qui claque par une nuit d’orage, ça n’a pas d’âge…
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