Play it again, Sam

tout le cinéma que j’aime

Archive pour avril, 2012

Doctor Bull (id.) – de John Ford – 1933

Posté : 8 avril, 2012 @ 6:12 dans 1930-1939, FORD John | Pas de commentaires »

Doctor Bull

Une petite ville de province en proie aux premières affres de la modernisation. Des commérages, un couple de charmants jeunes gens, un homme simple observant ses prochains avec une pointe de nostalgie et une profonde bonté… Doctor Bull est une sorte de brouillon de Judge Priest, film-jumeau que John Ford tournera l’année suivante.

« Brouillon », car on trouve dans ce Doctor Bull un esprit et un thème remarquablement proches, et que le héros (un juge là, un médecin de campagne ici) est interprété dans les deux cas par Will Rogers, acteur avec qui Ford commençait une collaboration qui aurait pu être longue et fructueuse s’il n’était pas mort dans un accident d’avion, peu après le tournage de Steamboat round the bend.

Rogers interprète l’un de ces personnages qu’il affectionne : un médecin confronté aux manigances et aux bassesses de ses semblables, alors que lui-même ne rêve que de profiter de moments de calme et de tranquillité avec la veuve avec laquelle il entretient une liaison sage loin du tumulte environnant (ah ! ce rêve de charentaises au coin du feu…), ce qui déchaîne les commérages les plus méprisants.

Ford va parfois très loin dans son propos, n’évitant pas les excès démonstratifs : la guérison miracle qui intervient dans le film et qui souligne la supériorité de la médecine de campagne (la tradition rurale) face à aux grands scientifiques (la modernité), est énorme !

Mais ce qui est beau dans ce film, ce sont les petits moments en marge : les soirées hors du temps de Will Rogers avec son amie, le énième accouchement d’une mama italienne dans une maison pleine de vie, cette vieille guimbarde qui sillonne des rues qui sentent encore le crottin de cheval, l’apparition fugitive du médecin à son procès…

Doctor Bull n’a pas la puissance nostalgique du beau Judge Priest, ni la richesse narrative de Steamboat round the bend, mais ce premier volet du triptyque Rogers/Ford séduit par ces moments en creux, et par son rythme délicieusement nonchalant. Une ode sincère et d’un autre temps à une certaine douceur de vivre…

Un crime dans la tête (The Manchurian Candidate) – de Jonathan Demme – 2004

Posté : 8 avril, 2012 @ 8:59 dans 2000-2009, DEMME Jontahan, FANTASTIQUE/SF | Pas de commentaires »

Un crime dans la tête - Demme

Formidable remake d’un petit classique paranoïaque des années 60 signé Frankenheimer, Un crime dans la tête est une excellente surprise, signée par un Jonathan Demme qui retrouve l’inspiration qui était la sienne au moment du Silence des Agneaux. Si ce remake dont on n’attendait pas grand-chose se hisse au niveau de l’adaptation que Demme avait tirée du roman de Thomas Harris, c’est sans doute parce qu’il y a une vraie parenté entre les deux films.

Pas dans le thème : il n’y a pas grand rapport entre l’enquête glauquissime de Clarice Starling, et ce film qui surfe sur le mythe paranoïaque américain. Mais il y a derrière ces deux films clairement le même auteur. Refusant toute concession glamour (malgré des acteurs a priori très séduisants), Demme plonge dans les tréfonds de l’âme humaine, dans ce qu’elle a de plus inhumain. Et il le fait avec une force assez sidérante : on sort de ce film éreinté, exsangue, et sans grande illusion…

Il fallait un véritable auteur pour rendre crédible cette histoire qui pousse à l’extrême la logique paranoïaque. Denzel Washington, épatant, interprète un vétéran de la guerre du Golfe, à qui on a diagnostiqué le fameux « syndrome du golfe ». Mais sa rencontre avec un ancien de ses hommes ramène à sa mémoire des souvenirs qu’il croyait être de simples rêves : et si cet échange sanglant avec l’ennemi, qui avait coûté la vie à plusieurs de ses hommes, n’était pas ce qu’il croyait ? Et s’il était le simple pion d’un complot inimaginable ? Et si ce sous-officier devenu candidat à la vice-présidence des Etats-Unis parce qu’il est considéré comme un héros de guerre, était aussi manipulé que lui ?

Liev Schreiber est exceptionnel dans le rôle de ce politicien qui n’est que le pion d’une mère dévorante à l’extrême. Et Demme est aussi un grand directeur d’acteur. La preuve : Meryl Streep est admirable, comme elle l’est quand on ne lui laisse pas trop la bride sur le cou. Elle ne tient ici qu’un second rôle, mais ce second rôle est l’âme-même du film. Symbole d’une Amérique ayant perdu toute son innocence, et prête à sacrifier, sans ciller, ce qu’elle a de plus cher.

Cauchemardesque, Un Crime dans la tête fait constamment mouche, parce qu’il est solidement ancré dans la réalité. Le passé des personnages, leur folie, leur douleur, se ressentent clairement, avec toute la sueur, la crasse et le malaise que cela implique. Demme, cinéaste que l’on croyait un peu perdu après le triomphe du Silence des Agneaux, n’est jamais aussi à l’aise que quand il plonge dans les bas-fonds de la civilisation et de l’âme humaine. Il prouve avec ce chef d’œuvre qu’il faut encore compter sur lui. Même si on attend encore qu’il confirme…

Le Secret magnifique (Magnicicent Obsession) – de John M. Stahl – 1935

Posté : 7 avril, 2012 @ 9:52 dans 1930-1939, STAHL John M. | Pas de commentaires »

Le Secret Magnifique — Stahl

Le Secret magnifique, pour la postérité, c’est avant tout le sublime mélodrame réalisé par Douglas Sirk en 1954. Comme pour d’autres de ses chef d’œuvres des années 50, Sirk a puisé son inspiration dans la filmographie de John M. Stahl, maître oublié du mélo des années 30, resté dans les mémoires pour un film noir en couleurs avec une Gene Tierney très troublante : Péché mortel. On peut comprendre la postérité : le film de Sirk surpasse de beaucoup celui de Stahl.

Les deux films, adaptés d’un roman de Lloyd C. Douglas, sont sur le papier très semblables. Un chirurgien aimé de tous meurt car l’appareil respiratoire qu’il a inventé était utilisé, lorsqu’il en avait besoin, pour ramener à la vie un riche playboy gâchant ses talents dans une vie oisive et égoïste. Rongé par le remord, ce dernier tente de se racheter aux yeux de la veuve du docteur, dont il tombe amoureux. Il découvre aussi la philosophie de vie altruiste de sa « victime ». Mais lorsqu’il tente de l’appliquer, sans la comprendre vraiment, il cause sans le vouloir un accident, qui rend la veuve aveugle.

Pourtant, les deux films sont très différents. Alors que le film de Sirk est une brillante mise en image des émotions les plus fortes, celui de Stahl est, dans sa première partie en tout cas, étonnamment statique et démonstratif. Un peu prisonnier de son scénario, Stahl se repose totalement sur le dialogue pour introduire des personnages qui auraient mérité d’avantage de finesse. Sirk définissait la vacuité de l’existence du playboy interprété par Rock Hudson par la grâce et la subtilité de sa mise en scène. Stahl, lui, se contente de présenter son Robert Taylor de playboy par une série de dialogues un peu lourds et sans vie. Surnage toutefois la prestation décalée d’un Charles Butterworth irrésistible en souffre-douleur éternellement digne, qui apporte une touche comique très réussie.

Mais il faut attendre la cécité de l’héroïne (Irene Dunne, très émouvante mais moins complexe que Jane Wyman dans le film de Sirk) pour que l’émotion éclate enfin, et que le talent de Stahl rende enfin justice à son matériau. Pour qu’on passe du simple scénario illustré au vrai cinéma. Et du beau cinéma, lacrymal comme on l’aime et assez bouleversant.

Mais Stahl n’en rajoute pas dans les grands violons : sa mise en scène est discrète et sensible, et ses acteurs d’une sobriété exemplaire. Robert Taylor en tête, qui trouve ici l’un de ses grands rôles de jeunesse. La magie opère alors totalement. Et même lorsque Stahl arrive à la grande scène : celle de la promenade dans un Paris nocturne de carte postale, le film est d’une sensibilité extrême qui touche au cœur.

Paiement Cash (52 Pick-up) – de John Frankenheimer – 1986

Posté : 6 avril, 2012 @ 12:14 dans * Thrillers US (1980-…), 1980-1989, FRANKENHEIMER John | Pas de commentaires »

Paiement Cash

C’est le choc des mondes : John Frankenheimer, solide vétéran à la filmographie plutôt prestigieuse, avec quelques classiques à son actif au cours d’une carrière longue de près d’un demi-siècle (Un crime dans la tête version Sinatra, French Connection 2, Le Prisonnier d’Alcatraz…), qui adapte un roman de l’écrivain culte Elmore Leonard (3h10 pour Yuma, Jacky Brown ou Get Shorty sont tous adaptés de ses romans) dans un film produit par Menahem Golan et Yoram Globus, les papes du nanar machiste et testostéroné des années 80… On peut dire que le nom fait tâche dans la liste des films produits par la Cannon, la boîte créée par les deux comparses, dominée par les séries des Justiciers dans la ville (avec l’increvable papy Bronson), les Delta Force (quelqu’un se souvient de Chuck Norris ?) ou Cobra (le pire du pire de Stallone). Pour ne citer que les films les plus regardables…

Mais bon. Frankenheimer est un bon réalisateur, avec un savoir-faire indéniable. Restait à savoir si ce savoir-faire allait l’emporter sur le tape-à-l’œil et le mauvais goût assumé du tandem Golan-Globus. Au final, on trouve de tout, du bon et du moins bon dans ce film qui supporte quand même bien mieux l’épreuve du temps que la majorité des productions Cannon. Seule la musique, pesante et assez insupportable, a vraiment beaucoup vieilli.

Pour le reste, malgré quelques scènes d’extérieur inondées de lumière et un peu molle (Frankenheimer ne doit pas bien supporter le soleil, le pauvre), il y a dans 52 Pick-Up (le titre original est autrement plus alléchant que sa « traduction » idiote) quelque chose d’atypique et de très séduisant. Frankenheimer s’empare d’un genre très classique du cinéma populaire, et s’amuse constamment à être légèrement décalé. L’exemple du grand méchant est frappant : au premier coup d’œil, il a tout du méchant stéréotypé des années 80 qu’on ne supporte plus. En fait, ce faux génie du crime s’apparente d’avantage à un pied nickelé pathétique et désemparant. On imagine bien que la force du personnage doit plus à l’imagination d’Elmore Leonard qu’au talent du réalisateur, mais le passage à l’écran n’enlève rien de son ambiguïté. D’autant plus que John Glover est excellent dans ce rôle.

L’intrigue de base, quant à elle, est celle de nombreux films noirs, quelle que soit l’époque de production du film : un type à la vie parfaite gâche tout en couchant avec une jeune beauté, ce qui le plonge au cœur d’une machination terrible. Mais c’est l’approche choisie par Frankenheimer qui donne tout le sel de ce bon film de genre. Il y a du suspense, de l’action bien sûr. Mais ce sont les moments « en creux » que le cinéaste soigne le plus, et qui apportent un recul et un second degré bienvenu.

D’ailleurs, on sent le cinéaste bien moins intéressé par son intrigue que par le couple en péril, formé par Ann-Margret et Roy Sheider, tous deux très sobres. Le film est aussi une interrogation sur la longévité du couple, sur les difficultés à communiquer. Stoïques et peu loquaces, les personnages semblent souffrir d’une grande solitude, soulignée par les très gros plans « bergmaniens » que Frankenheimer multiplie, utilisant la profondeur de champ pour filmer les protagonistes d’une même scène sur deux plans différents. Si proches et si loins.

La plus belle scène est d’ailleurs la première (la seule ?) où le vernis craque enfin, et où Scheider, jusqu’alors très sobre et très digne, se jette dans les bras d’Ann-Margret. Pourtant, ce n’est aucune des deux vedettes que Frankenheimer filme avec le plus d’inspiration, mais… les voitures, nombreuses et omniprésentes, luxueuses ou pourries, qui donnent les scènes les plus inventives et le rythme du film.

Not of this Earth (id.) – de Roger Corman – 1957

Posté : 6 avril, 2012 @ 11:52 dans 1950-1959, CORMAN Roger, FANTASTIQUE/SF | Pas de commentaires »

Not of this Earth

Tout jeune réalisateur, Roger Corman était déjà le roi de la débrouille. Ce film d’invasion extraterrestre n’a pas dû coûter beaucoup plus que le prix de la pellicule. Seuls et uniques effets spéciaux : des lentilles blanches qui prouvent que les aliens (qui se résument à un quinquagénaire en apparence très normal, brièvement rejoint par une jeune femme… en apparence très normale) ne sont pas comme nous. Ah ! Et aussi un effet sonore très flippant qui prouve que la simple vue d’un alien peut être très dangereux.

Et pour cause : le quinqua très normal, qui vit dans une grande maison bourgeoise, version moderne du manoir hanté, est un extraterrestre ayant pour mission d’utiliser l’humanité comme un réservoir à sang pour sauver son propre peuple… ou d’éradiquer la race humaine si sa mission échoue… brrr…

Corman n’a pas de moyen, mais il a des idées. Il fait de son extraterrestre une version contemporaine du comte Dracula, qui tue des jeunes gens (au début en tout cas, pour appâter le spectateur avec de la chair fraîche, parce qu’au bout de quelques bobines, il finit par prendre tout ce qui lui tombe sous la main sans faire le difficile) pour récupérer leur sang, et vit dans une grande bâtisse dont les grands volumes et la cave inquiétants pourraient être une variation autour du château des Carpathes.

Budget serré, Corman filme beaucoup de plans extérieurs, dans ce quartier résidentiel aux longues allées dallées que le réalisateur filme avec de longs travellings qui évoquent avec vingt ans d’avance ceux, magnifiques, filmés par John Carpenter dans Halloween.

Corman sait raconter une histoire, et la pauvreté des moyens n’est pas vraiment un problème. Mais l’inanité du propos est tel que, après une première demi-heure plutôt haletante, la seconde moitié devient franchement poussive. On veut bien être bienveillant, mais pas trop longtemps… Sympa tout de même, mais au trente-sixième degré.

Les Aventures de Tintin : le Secret de la Licorne (The Adventures of Tintin : The Secret of the Unicorn) – de Steven Spielberg – 2011

Posté : 4 avril, 2012 @ 9:53 dans 2010-2019, DESSINS ANIMÉS, SPIELBERG Steven | Pas de commentaires »

Les Aventures de Tintin

Il y a dans la carrière récente de Steven Spielberg une notion d’urgence qui me semble bien proche de la nostalgie. Après une décennie (les années 2000 grosso modo) de maturité artistique et d’expérimentation constante (avec quelle réussite !), Spielberg renoue avec ses rêves de jeunesse et concrétise ses projets les plus anciens, ceux qui lui étaient les plus chers mais qu’il ne cessait de remettre à plus tard : après un quatrième Indiana Jones annoncé pendant plus de quinze ans, et avant un Lincoln en préparation depuis à peu près aussi longtemps (et un Cheval de guerre qui renoue avec des thèmes qui étaient les siens dans les années 80), le cinéaste porte enfin les aventures de Tintin à l’écran. Un rêve qu’il portait en lui depuis… trente ans.

Longtemps, Spielberg voulait faire de ce Tintin un film « live », avec des acteurs de chair et d’os. Des essais ont même été réalisés peu avant le tournage, pour voir comment un Milou de synthèse pouvait interagir avec de vrais acteurs. Finalement, suivant l’exemple d’un Robert Zemeckis qui fut longtemps sont élève le plus doué, il choisit la motion capture. Mouais… Cette approche bâtarde ne m’a jamais vraiment convaincu : à quoi bon utiliser des acteurs connus que l’on ne reconnaît pas.

Là encore, il faut une vraie bonne volonté pour reconnaître Daniel Craig en Sakharine, ou Jamie Bell en Tintin. Seul Andy Serkis, dans le rôle du capitaine Haddock, est clairement identifiable. Logique, l’acteur est moins connu pour son visage que pour sa manière toute particulière de se mouvoir : spécialiste de la motion capture, il a interprété King Kong dans le film de Peter Jackson (co-producteur et réalisateur de la seconde équipe, et vraisemblable réalisateur du prochain Tintin), et surtout Gollum dans Le Seigneur des Anneaux du même Jackson.

Cette réserve posée, reconnaissons que Spielberg utilise merveilleusement le procédé. Après un générique d’anthologie, qui rend à l’œuvre d’Hergé le plus sublime des hommages (il faut voir le film, ne serait-ce que pour ce générique qui surpasse encore celui de Arrête-moi si tu peux), la première séquence est un petit chef d’œuvre à elle-seule. Par la virtuosité de sa réalisation, avec cinquante idées géniales dans le moindre plan, Spielberg brise la frontière entre cinéma traditionnel et animation : ce qu’il propose est une plongée au cœur même de son univers à lui. Et c’est avec un plaisir immense qu’on le suit.

Amoureux de l’œuvre d’Hergé, Spielberg fait sien l’esprit du dessinateur. Tout en prenant d’immenses libertés avec l’histoire des albums qu’il adapte (en particulier Le Crabe aux pinces d’or pour la rencontre entre Tintin et Haddock, et Le Secret de la Licorne pour l’intrigue principale), le cinéaste reste on ne peut plus fidèle aux bandes dessinées. Certains personnages secondaires prennent une dimension inédite (c’est le cas de Sakharine), de nombreux éléments sont imaginés pour le film (la malédiction qui pèse sur la lignée des Haddock), mais qu’importe : Spielberg a parfaitement assimilé l’esprit des BD, et peut ainsi prendre toutes les libertés du monde.

D’ailleurs, le résultat est brillantissime : rythme effréné, intelligence de la narration, cadre hyper travaillé, clins d’œil omniprésents… On ressent à peu près la même excitation à voir le film qu’à lire un album de Tintin. Dans la première partie en tout cas.

Parce qu’après quarante-cinq minutes d’anthologie, durant lesquelles Spielberg prouve qu’une adaptation fidèle et intelligente de Tintin est possible, le cinéaste nous livre une seconde partie certes ébouriffante, mais sans grand rapport avec Hergé. C’est du Indiana Jones qu’on découvre alors, avec une surenchère constante dans l’action et un rythme qui n’en finit plus de s’emballer. Comme s’il avait voulu se rattraper des erreurs consentis sur Le Royaume du Crâne de Cristal, Spielberg nous rappelle qu’il a toujours l’imagination juvénile et folle qui était la sienne en 1981, lorsqu’il tournait Les Aventuriers de l’Arche perdue.

Ce n’est pas un hasard : Indiana Jones et Tintin sont deux personnages intimement liés dans sa vie et sa carrière. En bon Américain qu’il est, Spielberg n’avait en effet jamais entendu parler de Tintin avant de découvrir ce nom dans une critique française de ses Aventuriers de l’Arche perdue, qui comparait les deux personnages. C’est après avoir lu ce papier que Spielberg s’est plongé dans l’œuvre d’Hergé, et qu’il a obtenu sa bénédiction pour une adaptation, peu avant la mort du Belge.

Hélas, dans la seconde partie, on sent que Spielberg ne fait plus vraiment la différence entre les deux personnages. Cette dernière heure aurait fait un sublime Indiana Jones. Mais elle désarçonne l’amoureux de Tintin que je suis, qui assiste avec un regard de plus en plus médusé à cette grande folie qui ne prend plus en compte l’essence de la bande dessinée qui, derrière ses plus grands excès, gardait continuellement une approche réalisme et un ancrage profond dans son époque.

Le sentiment final est forcément mitigé. Mais Spielberg réussit tout de même son pari. Le temps lui a permis d’assimiler parfaitement l’univers d’Hergé. Jusqu’à ne plus vraiment faire la différence avec le sien. On attend tout de même la suite avec impatience…

Côte 465 (Men in War) – d’Anthony Mann – 1957

Posté : 2 avril, 2012 @ 2:21 dans 1950-1959, MANN Anthony, RYAN Robert | Pas de commentaires »

Côte 465

« Dieu nous protège ! C’est des types comme toi qui gagneront cette fois. »

Attention, chef d’œuvre ! Mann n’est pas seulement l’un des plus grands auteurs du film noir et du western, il a aussi à son actif l’un des plus grands films de guerre de l’histoire du cinéma. De la guerre elle-même, on ne voit pourtant pas grand-chose dans ce Côte 465 qui se déroule en pleine guerre de Corée : une série d’explosions, des coups de feu dont les auteurs sont invisibles, de rares silhouettes de soldats coréens…

La toute première scène donne le ton : on découvre un bataillon de 17 soldats américains totalement isolés, sans moyen de transport, arrivés là on ne sait comment. La nature est belle et calme, et le groupe s’accorde un moment de repos. L’un d’eux, surtout, semble parfaitement calme, profondément endormi. Apaisé. Mais lorsque l’un de ses frères d’arme s’approche, il découvre… deux trous rouges au côté droit ? Presque : une plaie béante dans le dos.

Dans cette ouverture particulièrement forte, tout ce qui fait la richesse de ce film sublime est déjà là. Avec cet ennemi quasiment invisible qui se confond avec une nature belle et apaisante, on prend toute la mesure de l’absurdité de la guerre. Bien avant Terrence Malick, qui en fera le sujet (et le style) de ses films, Mann illustre merveilleusement cette violence absurde que l’homme s’inflige et inflige à son environnement. Côte 465 préfigure, avec quarante ans d’avance, La Ligne rouge

A vrai dire, ce bijou intemporel est la matrice de nombreux (grands) films de guerre à venir. Outre Malick, Steven Spielberg (Il faut sauver le soldat Ryan) ou Clint Eastwood (Mémoires de nos pères) se sont clairement inspirés de ce film.

Elevé à la bonne école de la RKO et de la Eagle Lion, Mann sait tirer le meilleur d’un budget minuscule. Il l’a prouvé dans les années 40 avec ses films noirs. Ici, Mann filme au plus près ses acteurs, dans une nature qui semble si familière, et avec une intelligence de chaque instant. Ils ne sont pas si nombreux les cinéastes qui ont su aussi bien filmer la solitude des soldats pris dans une guerre qui n’a rien de commun avec ce qu’ils sont, avec leur vie. Absurde : c’est le sentiment de ces hommes qui se savent condamnés à mourir loin de ceux qu’ils aiment, et de ce qui est leur véritable environnement.

Constamment tourné vers les personnages et leurs émotions, Mann filme des hommes qui se battent pour garder ce qui leur reste d’humanité. « Dieu nous protège ! C’est des types comme toi qui gagneront cette fois », lance un Robert Ryan qui perd ses dernières illusions après avoir vu Aldo Ray sauver la vie de ses hommes en abattant froidement des ennemis que lui-même aurait épargnés.

Ryan, qui trouve l’un de ses meilleurs rôles, est un héros magnifiquement désabusé. L’antagonisme qui se crée entre ce personnage d’officier humaniste, et le sous-officier à la gâchette facile, annonce une nouvelle ère dans le cinéma américain. Le mythe du héros absolu et sans tâche a vécu. L’Amérique n’est plus ce pays qui gagne toutes ses guerres. Désormais, le doute et le cynisme sont bien présents, dans ce cinéma américain qui se penche sur sa propre histoire, basée sur l’humanisme et la cruauté.

• Le film est disponible chez Wild Side Video dans une très belle édition (également disponible dans un indispensable coffret de six films de Michael Mann). En bonus : une analyse du film assez passionnante par Jean-Claude Missiaen, cinéaste ayant bien connu Mann.

Dick Tracy, détective (Dick Tracy) – de William Berke – 1945

Posté : 2 avril, 2012 @ 1:13 dans * Films noirs (1935-1959), 1940-1949, BERKE William | Pas de commentaires »

Dick Tracy détective

Première adaptation ciné pour le héros de Chester Gould qui, à l’époque, était une véritable icône populaire : ses bandes étaient publiées dans plusieurs quotidiens nationaux. Créée en 1931, la BD fut l’une des premières à mettre en scène une violence crue, à une époque marquée par les grands gangsters de Chicago (c’est l’époque aussi où Hawks tourne son Scarface). Le cinéma ne pouvait pas ignorer longtemps ce phénomène. Dès 1937, Ralph Byrd endosse l’imperméable du flic le plus moderne de son époque dans plusieurs serials qui remportent un vrai succès populaire.

Byrd n’est pourtant pas choisi pour interpréter Tracy dans ce qui est le premier long métrage de la franchise : c’est Morgan Conway, acteur passe-partout sans grand talent, mais plutôt sympathique, qui s’y colle (et rempilera pour Dick Tracy vs Cueball, le meilleur épisode de la série). Ralph Byrd reviendra toutefois pour les deux films suivants, ainsi que pour une série télé entre 1950 et 1951.

Warren Beatty fera beaucoup mieux en 1990, avec sa version très cartoonesque et culte de la BD. Ce premier long métrage est platement réalisé (des plans fixes sans imagination), éclairé à la lampe torche et mis en scène comme une captation de la pire pièce de boulevard (voir cette inénarrable scène avec le maire, totalement immobile derrière son immense bureau). Quelques rares scènes, toutefois, sortent du lot, à commencer par la séquence d’ouverture, qui laisse augurer d’un vrai bon film de noir.

Mais la réalité reprend vite ses droits : Dick Tracy est un petit film de série B tourné à la va-vite sans grand moyen, et sans grand talent. Pas un film désagréable, non : on ne s’ennuie pas (manquerait plus que ça : il dure à peine plus d’une heure), et on suit avec un petit plaisir ces aventures. Mais l’esprit de la bande dessinée ne passe pas bien le passage au grand écran (les « gueules » impossibles des méchants n’apparaissent que dans le générique de début), et rien ne rappelle, dans cette petite production fauchée, ce qui faisait l’originalité de la bande dessinée de Gould.

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