Le Rachat suprême (The Whispering Chorus) – de Cecil B. De Mille – 1918
Voler, c’est mal. John Tremble, le « héros » de ce mélodrame muet particulièrement cruel signé De Mille va s’en rendre compte bien amèrement, et en payer le prix fort…
Petit comptable sans le sou, tiraillé entre son mauvais ange et sa bonne conscience (qui apparaissent tout au long du film en surimpression : un visage d’homme pour le mal ; une douce femme pour le bien… De Mille ne fait pas exactement dans la légèreté, ici), il hésite entre mener une existence miséreuse mais honnête, vie dans laquelle il ne peut offrir ce qu’il souhaite à sa femme (Kathlyn Williams) et sa mère (la très digne Edythe Chapman) ; ou céder à la tentation en jouant au jeu d’argent et en volant de l’argent à son riche patron.
L’homme est faible, et souvent dominé par ses basses pulsions, dans la filmographie muette de De Mille. Tremble passe donc du côté obscur, et le piège ne tarde pas à se refermer sur lui. Acculé, il décide de disparaître, ce qui n’est pas le rebondissement le plus réussi du film : le départ semble bien précipité, alors qu’on ne ressent pas vraiment une pression énorme peser sur les épaules de notre pauvre héros.
Ce n’est pas non plus le rebondissement le plus spectaculaire, car la suite est tout bonnement incroyable. Réfugié dans les bois, Tremble découvre un cadavre qu’il « pêche » au bout de sa ligne, et qu’il décide de rendre méconnaissable pour le faire passer pour lui. Considéré comme mort, il refait sa vie dans les docks, devient estropié, et finit par être accusé de son propre meurtre, pendant que sa femme se remarie avec l’homme qui l’a fait arrêter (le très charismatique Elliot Dexter, un habitué du cinéma de De Mille). Et ce n’est pas fini…
Trop, c’est trop ? Non : De Mille signe un film hyper sombre, mais extrêmement poignant. Si le couple formé par Kathlyn Williams et Elliot Dexter est touchant, on sent De Mille bien plus ému par les rapports filiaux que par les relations maritales : il n’y guère de passion au sein du couple Tremble, et jamais le fuyard ne donne l’impression de regretter sa vie d’homme marié. C’est par contre le souvenir douloureux de sa mère qui le pousse à revenir.
L’un des deux plus beaux moments du film est d’ailleurs les retrouvailles entre la vieille mère et ce fils qu’elle ne reconnaît pas, un passage déchirant. L’autre, c’est cette scène où Jane Tremble, remariée, envisage de sacrifier cette vie de famille qui s’annonce, par fidélité pour son ancien mari. La caresse qu’elle esquisse au fantôme de son enfant pas encore né est bouleversante.
Laisser un commentaire
Vous devez être connecté pour rédiger un commentaire.