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Archive pour le 8 avril, 2012

Doctor Bull (id.) – de John Ford – 1933

Posté : 8 avril, 2012 @ 6:12 dans 1930-1939, FORD John | Pas de commentaires »

Doctor Bull

Une petite ville de province en proie aux premières affres de la modernisation. Des commérages, un couple de charmants jeunes gens, un homme simple observant ses prochains avec une pointe de nostalgie et une profonde bonté… Doctor Bull est une sorte de brouillon de Judge Priest, film-jumeau que John Ford tournera l’année suivante.

« Brouillon », car on trouve dans ce Doctor Bull un esprit et un thème remarquablement proches, et que le héros (un juge là, un médecin de campagne ici) est interprété dans les deux cas par Will Rogers, acteur avec qui Ford commençait une collaboration qui aurait pu être longue et fructueuse s’il n’était pas mort dans un accident d’avion, peu après le tournage de Steamboat round the bend.

Rogers interprète l’un de ces personnages qu’il affectionne : un médecin confronté aux manigances et aux bassesses de ses semblables, alors que lui-même ne rêve que de profiter de moments de calme et de tranquillité avec la veuve avec laquelle il entretient une liaison sage loin du tumulte environnant (ah ! ce rêve de charentaises au coin du feu…), ce qui déchaîne les commérages les plus méprisants.

Ford va parfois très loin dans son propos, n’évitant pas les excès démonstratifs : la guérison miracle qui intervient dans le film et qui souligne la supériorité de la médecine de campagne (la tradition rurale) face à aux grands scientifiques (la modernité), est énorme !

Mais ce qui est beau dans ce film, ce sont les petits moments en marge : les soirées hors du temps de Will Rogers avec son amie, le énième accouchement d’une mama italienne dans une maison pleine de vie, cette vieille guimbarde qui sillonne des rues qui sentent encore le crottin de cheval, l’apparition fugitive du médecin à son procès…

Doctor Bull n’a pas la puissance nostalgique du beau Judge Priest, ni la richesse narrative de Steamboat round the bend, mais ce premier volet du triptyque Rogers/Ford séduit par ces moments en creux, et par son rythme délicieusement nonchalant. Une ode sincère et d’un autre temps à une certaine douceur de vivre…

Un crime dans la tête (The Manchurian Candidate) – de Jonathan Demme – 2004

Posté : 8 avril, 2012 @ 8:59 dans 2000-2009, DEMME Jontahan, FANTASTIQUE/SF | Pas de commentaires »

Un crime dans la tête - Demme

Formidable remake d’un petit classique paranoïaque des années 60 signé Frankenheimer, Un crime dans la tête est une excellente surprise, signée par un Jonathan Demme qui retrouve l’inspiration qui était la sienne au moment du Silence des Agneaux. Si ce remake dont on n’attendait pas grand-chose se hisse au niveau de l’adaptation que Demme avait tirée du roman de Thomas Harris, c’est sans doute parce qu’il y a une vraie parenté entre les deux films.

Pas dans le thème : il n’y a pas grand rapport entre l’enquête glauquissime de Clarice Starling, et ce film qui surfe sur le mythe paranoïaque américain. Mais il y a derrière ces deux films clairement le même auteur. Refusant toute concession glamour (malgré des acteurs a priori très séduisants), Demme plonge dans les tréfonds de l’âme humaine, dans ce qu’elle a de plus inhumain. Et il le fait avec une force assez sidérante : on sort de ce film éreinté, exsangue, et sans grande illusion…

Il fallait un véritable auteur pour rendre crédible cette histoire qui pousse à l’extrême la logique paranoïaque. Denzel Washington, épatant, interprète un vétéran de la guerre du Golfe, à qui on a diagnostiqué le fameux « syndrome du golfe ». Mais sa rencontre avec un ancien de ses hommes ramène à sa mémoire des souvenirs qu’il croyait être de simples rêves : et si cet échange sanglant avec l’ennemi, qui avait coûté la vie à plusieurs de ses hommes, n’était pas ce qu’il croyait ? Et s’il était le simple pion d’un complot inimaginable ? Et si ce sous-officier devenu candidat à la vice-présidence des Etats-Unis parce qu’il est considéré comme un héros de guerre, était aussi manipulé que lui ?

Liev Schreiber est exceptionnel dans le rôle de ce politicien qui n’est que le pion d’une mère dévorante à l’extrême. Et Demme est aussi un grand directeur d’acteur. La preuve : Meryl Streep est admirable, comme elle l’est quand on ne lui laisse pas trop la bride sur le cou. Elle ne tient ici qu’un second rôle, mais ce second rôle est l’âme-même du film. Symbole d’une Amérique ayant perdu toute son innocence, et prête à sacrifier, sans ciller, ce qu’elle a de plus cher.

Cauchemardesque, Un Crime dans la tête fait constamment mouche, parce qu’il est solidement ancré dans la réalité. Le passé des personnages, leur folie, leur douleur, se ressentent clairement, avec toute la sueur, la crasse et le malaise que cela implique. Demme, cinéaste que l’on croyait un peu perdu après le triomphe du Silence des Agneaux, n’est jamais aussi à l’aise que quand il plonge dans les bas-fonds de la civilisation et de l’âme humaine. Il prouve avec ce chef d’œuvre qu’il faut encore compter sur lui. Même si on attend encore qu’il confirme…

 

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