Le Secret magnifique (Magnicicent Obsession) – de John M. Stahl – 1935
Le Secret magnifique, pour la postérité, c’est avant tout le sublime mélodrame réalisé par Douglas Sirk en 1954. Comme pour d’autres de ses chef d’œuvres des années 50, Sirk a puisé son inspiration dans la filmographie de John M. Stahl, maître oublié du mélo des années 30, resté dans les mémoires pour un film noir en couleurs avec une Gene Tierney très troublante : Péché mortel. On peut comprendre la postérité : le film de Sirk surpasse de beaucoup celui de Stahl.
Les deux films, adaptés d’un roman de Lloyd C. Douglas, sont sur le papier très semblables. Un chirurgien aimé de tous meurt car l’appareil respiratoire qu’il a inventé était utilisé, lorsqu’il en avait besoin, pour ramener à la vie un riche playboy gâchant ses talents dans une vie oisive et égoïste. Rongé par le remord, ce dernier tente de se racheter aux yeux de la veuve du docteur, dont il tombe amoureux. Il découvre aussi la philosophie de vie altruiste de sa « victime ». Mais lorsqu’il tente de l’appliquer, sans la comprendre vraiment, il cause sans le vouloir un accident, qui rend la veuve aveugle.
Pourtant, les deux films sont très différents. Alors que le film de Sirk est une brillante mise en image des émotions les plus fortes, celui de Stahl est, dans sa première partie en tout cas, étonnamment statique et démonstratif. Un peu prisonnier de son scénario, Stahl se repose totalement sur le dialogue pour introduire des personnages qui auraient mérité d’avantage de finesse. Sirk définissait la vacuité de l’existence du playboy interprété par Rock Hudson par la grâce et la subtilité de sa mise en scène. Stahl, lui, se contente de présenter son Robert Taylor de playboy par une série de dialogues un peu lourds et sans vie. Surnage toutefois la prestation décalée d’un Charles Butterworth irrésistible en souffre-douleur éternellement digne, qui apporte une touche comique très réussie.
Mais il faut attendre la cécité de l’héroïne (Irene Dunne, très émouvante mais moins complexe que Jane Wyman dans le film de Sirk) pour que l’émotion éclate enfin, et que le talent de Stahl rende enfin justice à son matériau. Pour qu’on passe du simple scénario illustré au vrai cinéma. Et du beau cinéma, lacrymal comme on l’aime et assez bouleversant.
Mais Stahl n’en rajoute pas dans les grands violons : sa mise en scène est discrète et sensible, et ses acteurs d’une sobriété exemplaire. Robert Taylor en tête, qui trouve ici l’un de ses grands rôles de jeunesse. La magie opère alors totalement. Et même lorsque Stahl arrive à la grande scène : celle de la promenade dans un Paris nocturne de carte postale, le film est d’une sensibilité extrême qui touche au cœur.
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