Une vie meilleure – de Cédric Kahn – 2011
Un drame sur le surendettement ? Typiquement le genre de sujets qui me fait généralement fuir les salles de cinéma. Mais Cédric Kahn a réalisé Les Regrets, film « trufaldien » qui m’a beaucoup plu, alors pourquoi pas… Grand bien m’en a pris : Kahn signe un film formidable, et refuse constamment de tomber dans la facilité du film social à thèse, ce qui était évidemment le piège : rien de plus gonflant que de voir un « film social » qui s’intéresse d’avantage à l’aspect « social » qu’à l’aspect « film » (il y a les documentaires, pour ça !).
Pour être tout à fait honnête, avec son nouveau film, Cédric Kahn fait craindre un moment d’être tombé dans ce piège. Après une première séquence qui rappelle qu’il est décidément très doué pour filmer le désir amoureux (la rencontre entre Leïla Bekhti et Guillaume Canet ouvre le film, en une série de plans nocturnes simples et magnifiques, qui en disent bien plus long qu’un simple dialogue), la manière dont il décrit les étapes qui amènent ce couple dans la spirale infernale du surendettement est certes édifiante, mais peut-être un peu trop justement, comme si Kahn craignait que l’on ne comprenne pas que ces deux-là sont vraiment dans la merde. Si, si, on comprend.
Heureusement, le vrai cinéma ne tarde pas à reprendre ses droits, et c’est le départ soudain de Leila Bekhti qui secoue le film. Alors que le couple est au plus bas, la jeune femme part pour le Canada, où un bon travail l’attend, laissant derrière elle son fils adolescent et son ami qui s’enfonce aveuglement dans une spirale infernale. Pendant près de la moitié du film, on ne verra plus le joli minois de la jeune femme, son absence et son silence devenant de plus en plus mystérieux. Lorsque Canet et ce fils qui n’est pas vraiment le sien finiront par partir à sa recherche, après des rebondissements qui dépassent largement le cadre du film à thèse, c’est pour retrouver une espèce de Graal que représente cette mère-amante devenue presque fantômatique…
Je ne dirai pas ici les raisons de cette absence, mais la distance qui sépare la jeune femme de son amant et de son fils est quasiment palpable, d’autant plus qu’elle s’installe durablement. Pour la retrouver, c’est un véritable parcours du combattant qui attend les deux « hommes » restés à Paris, un parcours fait d’obstacles à surmonter, d’ennemis à dépasser, et d’océans (de mer et de glace) à traverser. Les retrouvailles, tardives et bouleversantes, tiennent toutes leurs promesses : Cédric Kahn touche alors directement au cœur.
Formidable aussi : la relation entre le jeune homme impulsif (Canet) et ce garçon qui n’est pas le sien. Un garçon pas particulièrement attachant : le réalisateur en a fait un ado mal dans sa peau, qui ment et vole et qui n’a pas le physique angélique des enfants de cinéma. Ce choix illustre bien le refus de Kahn d’éviter les facilités et les pièges tentants.
De la même manière, il aurait été facile (et efficace) de faire un film manichéen, avec de gentilles victimes d’un côté, et des banquiers cyniques de l’autre. Mais les mauvais ne sont exactement où on les attend. Le personnage du « marchand de sommeil », très réussi, en est un bon représentant, mais la situation n’est pas si simple : le couple s’enfonce dans le surendettement et dans la misère malgré les conseils amicaux et avisés de proches, et de leur banquier, bienveillant. Il s’enfonce en grande partie à cause de l’obstination aveugle du personnage de Canet (débarrassé de ses tics d’acteur, il n’a jamais été aussi bon), qui refuse d’écouter ces conseils avisés, préférant croire les appels forcément attrayants du marchant de sommeil.
Cédric Kahn n’a pas peur, par contre, d’aller très loin dans le sordide de la descente aux enfers. On ne peut que le remercier d’allumer une lueur d’espoir, si petite soit-elle, à la fin de son film…
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