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Les Dents de la mer (Jaws) – de Steven Spielberg – 1975

Classé dans : 1970-1979,SPIELBERG Steven — 12 février, 2012 @ 11:24

Les Dents de la mer (Jaws) – de Steven Spielberg – 1975 dans 1970-1979 les-dents-de-la-mer

« We’re gonna need a bigger boat »

Trente-sept ans après, Les Dents de la Mer n’a pas pris une ride. Chef d’œuvre signé par un jeune cinéaste qui ne savait pas encore qu’il allait révolutionner le cinéma populaire, le film reste un modèle absolu pour d’innombrables réalisateurs, une source d’inspiration inépuisable qui n’a, sans doute, jamais été égalé. Et certainement pas par les trois suites très dispensables qu’il a généré jusqu’en 1987 (Jaws 2, réalisé par Jeannot Szwarc, est très honnête, mais les deux nanars suivants atteignent des sommets de nullité : le n°3 surfant sur la furtive réapparition de la 3D au début des années 80, et le n°4 représentant un abysse sidérant dans la carrière de Michael Caine).

Considéré, à juste titre, comme un modèle pour le cinéma de terreur, Les Dents de la Mer est aussi l’œuvre d’un amoureux du cinéma, qui modifie profondément le paysage cinématographique, tout en se nourrissant des grands maîtres classiques d’antan. Ce sera le cas pour la plupart des films à venir de Spielberg (jusqu’à aujourd’hui). C’est déjà le cas avec ce Jaws qui, s’il représente une date dans l’histoire du cinéma (c’est le premier « blockbuster » officiel, le premier film à avoir bénéficié d’une sortie massive estivale, battant des records au box-office), étonne aussi par sa facture très classique, et ses longs plans parfois fixes qui évoquent le cinéma de Ford.

Mais la référence la plus frappante, c’est l’œuvre d’Hitchcock, et en particulier Les Oiseaux, dont Les Dents de la Mer est le rejeton le plus génial. C’est peut-être le seul film (avec le Fog de John Carpenter, dans une moindre mesure) à retrouver l’esprit et l’ambiance du chef d’œuvre d’Hitchcock : même volonté de transformer l’environnement le plus paisible (un tranquille port de pêche là, une jolie station balnéaire ici) en une terrible menace ; même approche de l’angoisse qui s’installe peu à peu avant que l’horreur ne prenne tardivement une forme concrète (les oiseaux là, le requin ici) ; mêmes personnages ordinaires ne disant pas tout de leur passé (les frasques de Mélanie là, les traumatismes de Brody ici) ; et même petite ville de bord de mer, dont le film tire une dimension profondément humaine, à l’opposée des thrillers urbains alors en vogue à Hollywood.

Autre point commun avec Hitchcock, qui ne doit sans doute rien au hasard : Spielberg est l’un des rares cinéastes à avoir utilisé aussi bien que Hitch le procédé associant travelling avant et zoom arrière, qui isole le visage d’un acteur en donnant une sensation de vertige. C’était génial dans Sueurs froides, ça l’est tout autant ici, lorsque le chef Brody (Roy Scheider) découvre avec terreur l’attaque du requin dans une eau de baignade bondée.

Les Dents de la Mer est un film exceptionnel, qui dévoile déjà le talent inouï d’un jeune cinéaste qui n’est jamais aussi passionnant que quand il plonge dans le cinéma qui a bercé son enfance : Les Aventuriers de l’arche perdue, hommage aux serials des années 30 et 40, et La Guerre des Mondes, remake d’un classique de la SF des années 50, seront d’autres sommets dans sa riche carrière. Visuellement, c’est une splendeur : il y a dans ce film de jeunesse un sens du cadre digne des grands maîtres de l’âge d’or, et une manière merveilleuse d’alterner longs plans et plans plus courts, et les différences de cadrage (ces plans successifs qui se rapprochent peu à peu et de manière saccadée d’un Brody inquiet…).

La grande force du film, ce que la plupart des imitateurs de Spielberg ne comprendront pas dans les décennies à venir, ce sont ses personnages. Jusqu’au plus petit second rôle, tous ont une vraie profondeur, et le film est émaillé de petits moments apparemment anodins, mais qui lui donne toute sa force. Un seul exemple : cette petite scène profondément émouvante et pourtant si simple de Brody avec son plus jeune fils, qui imite le moindre de ses mouvements, lui redonnant ainsi du baume au cœur.

Dans la seconde partie, la donne change, mais ce sont une nouvelle fois les personnages qui font la différence. Rompant avec la ville terrorisée de la première moitié, le film se transforme alors en un huis-clos en pleine mer, et se limite à trois personnages : le chef Brody luttant contre sa phobie de l’eau ; le jeune spécialiste passionné par les requins (génial Richard Dreyfuss) ; et le chasseur de squales grande gueule (Robert Shaw, imbibé d’alcool mais inoubliable). L’alchimie entre ces trois-là est exceptionnelle, et domine lors de la fameuse scène de calme avant la tempête, autour de la table.

Quant au requin, qui a posé tant de problème durant le tournage (causant des semaines de retard et des cheveux blancs au jeune réalisateur), il fait effectivement carton-pâte. Lorsqu’il apparaît enfin clairement aux deux-tiers du métrage, il devrait même faire sourire. Mais non : le génie de Spielberg suffit à faire passer la pilule. Le signe d’un grand, capable d’amener le public exactement là où il le souhaite.

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