A Dangerous Method (id.) – de David Cronenberg – 2011
C’est un film curieusement sage que nous offre Cronenberg. En abordant de front le thème de la psychanalyse, déjà sous-jacente dans toute son œuvre, on pouvait attendre de l’auteur de Crash l’un de ces chocs percutants et dérangeants où sexe, violence, désir et pulsion de mort ne font qu’un. Hors, avec A Dangerous Method, Cronenberg signe peut-être son film le moins dérangeant. Ses thèmes de prédilection sont bien là, mais filmés avec une économie de moyens déconcertante.
Alors que Cronenberg a l’habitude de plonger sa caméra dans la chair de son histoire (et de ses personnages), il ne fait ici qu’effleurer les visages, et illustrer avec beaucoup de retenue les névroses de ses personnages. Avec élégance, et avec un classicisme étonnant : les seuls effets de mise en scène qu’il se permet consistent à placer l’un des protagonistes en gros plan, et l’autre à l’arrière plan avec un petit jeu sur la profondeur de champs. A un bref moment, lors de l’arrivée du Transatlantique en Amérique, on pense même au cinéma de John Ford, lorsque la Statue de la Liberté se dessine derrière les silhouettes des deux personnages principaux.
Et quels personnages : Freud en personne, et son « fils spirituel » Jung, les deux pères de la psychanalyse moderne, dont on suit l’attirance-répulsion sur près de dix ans, jusqu’à la veille de la Grande Guerre. A travers leur amitié, puis leur brouille ; à travers surtout la relation amoureuse compliquée entre Jung et l’une de ses patientes qui devient sa maîtresse… c’est la naissance de la psychanalyse qui est le vrai sujet de ce film bavard, tantôt ennuyeux (toute la première partie manque cruellement de flamme), tantôt passionnant.
Le film décolle vraiment lorsqu’arrive un troisième psychanalyste, Otto Gross, interprété par Vincent Cassel. Ce psy névrosé ivre de liberté et de jouissance vient remettre en question les certitudes de Jung et son approche clinique de la psychanalyse, et de la vie. Il apporte aussi beaucoup de nuances à l’opposition grandissante entre les deux grands maîtres, Freud et Jung. Le jeu tout en retenue et élégance de Michael Fassbender (Jung) est parfait, mais les apparitions de Viggo Mortensen sont autrement plus marquantes.
Déjà à l’affiche des deux précédents films de Cronenberg (A History of Violence et Les Promesses de l’Ombre), l’ex Aragorn du Seigneur des Anneaux donne une vraie épaisseur (et un accent viennois très suave), à ce « monstre » qu’est Freud, patriarche controversé d’une famille (les psychanalystes) qui se déchirent autour de ses thèses. Sans en faire trop, il donne corps à tout ce que Freud a de séduisant, tout en faisant apparaître les failles de l’homme, cet aveuglement et cette fierté qui en font, déjà, un dinosaure peu désireux de céder sa place.
Selon Freud, la fâcherie avec Jung serait une volonté de ce dernier de « tuer le père » spirituel. Et si, plutôt, c’était Freud qui tuait ce fils brillant qui, en franchissant une porte ouverte par le père, risquait de dépasser celui-ci…
Oops ! Une erreur est survenue.
L'accès au blog est momentanément impossible,
veuillez nous excuser et ré-essayer dans quelques instants.
Retour ou Écrivez-nous si le problème persiste.