Les Amants passionnés (The Passionate Friends) – de David Lean – 1949
Après ses deux adaptations de Dickens (Les Grandes Espérances et Oliver Twist), Lean revient à un genre qui lui avait bien réussi avec Brève rencontre, quatre ans plus tôt. D’ailleurs, la présence en tête d’affiche de Trevor Howard rend la comparaison entre les deux films inéluctables : Les Amants passionnés serait une version « high society » de Brève rencontre, dont il reprend l’un des thèmes principaux, le personnage principal féminin étant tiraillé entre son mari et le jeune homme (Howard dans les deux films) dont elle est tombée amoureuse.
Mais Les Amants passionnés est bien plus qu’une simple variation sur le même thème. La construction, pour commencer, est bien plus complexe, faite de flash-backs qui s’imbriquent les uns dans les autres, pour donner une densité immense à ce mélodrame bouleversant. Brève rencontre était une épure absolue. Les Amants passionnés pousse beaucoup plus loin les ficelles du mélo, en faisant intervenir le destin implacable (les deux amants d’autrefois se retrouvent par hasard dans un hôtel près du Lac de Genève), en mettant en scène un mari que l’on prend plaisir à haïr (Claude Rains, qui révèle une humanité de plus en plus touchante), ou encore en plantant l’histoire dans des décors typiques du genre.
Aucun conformiste dans ce film, pourtant : les personnages sont complexes et fascinants, et la construction gigogne donne tout le poids de cet amour clandestin d’une vie, un sentiment de gâchis et d’inéluctabilité qui prend aux tripes. Car dès le début, on sait que le personnage de Mary (Ann Todd, qui était alors la femme de Lean) a fait le choix de sacrifier son amour au profit d’une ambition à l’issue forcément malheureuse. Cette détresse dans laquelle plonge Mary au fil des années est attendu, il n’en est que plus bouleversant.
Lean joue avec les codes du genre, faisant du mari le stéréotype du mari cocu (la scène où il comprend que sa femme le trompe est un modèle de mise en scène), pour mieux surprendre le spectateur. Finalement, c’est peut-être lui la vraie victime du film, le plus grand amoureux aussi, celui capable d’attendre des années que l’amour qu’il donne lui soit rendu.
Plus complexe que Brève Rencontre, Les Amants passionnés appartient indubitablement à la même famille. On y retrouve de nombreuses images jumelles : les petits moments de bonheur au bord de l’eau, les rendez-vous au spectacle (le cinéma dans le film de 1945, le théâtre ici), et bien sûr la tentation de se jeter sous un train, dans une scène qui là encore, prend le contre-pied de la retenue de rigueur dans Brève rencontre. L’approche est différente, mais l’émotion tout aussi immense.
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