Time Out (id.) – de Andrew Niccol – 2011
Dire qu’on attendait le nouveau film d’Andrew Niccoll avec impatience relève de l’euphémisme. Scénariste de Truman Show, réalisateur de Bienvenue à Gattacca et Simone, Niccoll s’est imposé depuis plus de dix ans comme l’auteur de SF le plus percutant, le plus intelligent et le plus passionnant de sa génération. Mais depuis Lord of War, son chef d’œuvre absolu (dans un autre genre), plus de nouvelle. Encensé par une partie de la critique, le cinéaste ne rencontre en salles qu’un succès d’estime, sans commune mesure avec ses ambitions. Time Out, qui nous arrive cinq ans après son précédent film, a tout du projet de rechange…
L’idée de départ, cela dit, est passionnante : dans un futur indéfini, l’argent est remplacé par du temps. Après 25 ans, chaque homme et chaque femme ont en poche un an de vie, qui s’échappe seconde après seconde. Leur salaire (minable dans les petits quartiers) leur apporte du temps supplémentaire, tandis que la moindre de leur dépense (hors de prix dans les petits quartiers) réduit leur capital comme peau de chagrin. Ce concept, typique de la SF, permet de symboliser jusqu’à l’extrême le fossé entre les riches exploiteurs et les pauvres laborieux. Pendant un temps (la première demi-heure, disons), cela donne lieu à quelques séquences fortes et bouleversantes qui laissent augurer du meilleur pour la suite.
Mais la suite, hélas, n’est jamais au niveau. Le scénario n’évite pour ainsi dire jamais les stéréotypes les plus éculés. D’un côté, le quartier des riches quasi-immortels, qui construisent leur fortune sur l’exploitation-du-petit-peuple-qui-mène-une-vie-de-con. De l’autre, le quartier populaire où les gens crèvent (littéralement) de misère, mais où tous se serrent les coudent. Voler le temps d’autrui est on ne peut plus simple, mais cela ne viendrait à l’esprit de personne dans ce quartier où tout le monde aime tout le monde. Si le film se veut le symbole du monde actuel, la pilule a un peu de mal à passer, faut reconnaître…
Cette naïveté n’est rien à côté de l’impression de gâchis qui règne sur l’ensemble du film. Niccoll ne manque pas d’idées, c’est même le principal problème du film : les idées qui auraient pu être géniales s’accumulent, mais pas la moindre d’entre elles n’est exploitée correctement. Le héros (Justin Timberlake, très bien), qui jure de renverser ce système injuste avec l’aide d’une fille de riche dans une sorte de remake futuriste de Bonnie and Clyde, est le fils d’un homme dont il ignore tout et qui cachait bien des secrets. Ces secrets donnent-ils lieu à des révélations tonitruantes ? Ben non, pas plus que la mélancolie du riche las de vivre n’est exploité, pas plus que la théorie du complot, pas plus que le terrible rapport père-fille entre la rebelle et le milliardaire, pas plus que les effets ravageurs d’une richesse trop subite…
Même les personnages les plus troubles (celui du gardien du temps, interprété par l’excellent Cillian Hinds) sont traités par-dessus la jambe… Comme si les scénaristes s’étaient dit, en plein milieu de l’écriture : « Oh, et puis merde, on arrête là ! » Reste une petite série B qui aurait été réjouissante si, justement, il n’y avait pas autant de bonnes idées qui ne laissaient cet arrière-goût persistant d’inachevé.
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