Les cinq secrets du désert (Five graves to Cairo) – de Billy Wilder – 1943
Billy Wilder devra attendre son film suivant, Assurance sur la mort, pour être reconnu comme le grand cinéaste qu’il est. Mais ses films de jeunesse sont loin d’être de simples brouillons. Après la réjouissante comédie Uniforme et jupons courts, Les cinq secrets du désert est un film de guerre et d’aventure sur fond de guerre qui a, a priori, tout du film de commande, mais que Wilder tire vers le haut grâce à une mise en scène virtuose quasiment sans la moindre faute de goût.
Ce film de guerre sans scène de guerre se déroule intégralement (exceptés deux courtes scènes ou début et à la fin du film) dans une espèce d’hôtel perdu au milieu du désert, à quelques dizaines de kilomètres du Caire, alors que les Alliés viennent de perdre Tobrouk. Seul rescapé d’un char transformé en cercueil roulant, comme animé d’une troublante force propre, un soldat anglais trouve refuge dans cet hôtel déserté, uniquement habité par le propriétaire, rondouillard et sympathique (l’excellent Akim Tamiroff), et par une serveuse immédiatement hostile à ce soldat perdu, pour une raison qu’on ne connaîtra que bien plus tard (Anne Baxter, actrice tombée dans l’oubli, qui a tourné pour quasiment tous les grands maîtres dans des films souvent méconnus : La Loi du Silence pour Hitchcock, La Ruée vers l’Ouest de Mann, La Ville abandonnée de Wellman…).
Peu après l’arrivée du Britannique, c’est toute l’armée allemande qui débarque et prend ses quartiers dans l’hôtel, armée dirigée par Rommel en personne, auquel Erich Von Stroheim (à qui Wilder donnera un autre rôle mémorable quelques années plus tard, dans Boulevard du crépuscule) apporte une impressionnante stature, qui rappelle ses propres films du muet. Film de guerre, Five graves to Cairo se transforme alors en un génial jeu du chat et de la souris entre le soldat qui se fait passer pour un agent double, et les Allemands. Brillant, le film utilise merveilleusement bien cet étrange décor de l’hôtel isolé : le désert qui l’entoure apparaît comme des obstacles nettement plus contraignants que les barreaux d’une prison.
Curieusement, Wilder, l’Autrichien ayant fui le nazisme au début des années 30, évite consciencieusement toute approche manichéenne. On est en pleine guerre, alors que tout Hollywood se mobilise pour participer à l’effort de guerre. Wilder aussi, bien sûr, mais il instille dans son propos un sous-texte humaniste assez osé, en faisant des soldats allemands des hommes avec leurs défauts, mais aussi leurs qualités, des êtres somme-toute sympathiques. Même le terrifiant Rommel a des bons côtés, et respecte ses ennemis, partageant même un repas on ne peut plus cordial avec des officiers anglais prisonniers. Sans même parler de l’officier-ténor italien, sans doute le personnage le plus avenant, qui apporte une touche d’humour bien agréable à ce film de jeunesse à découvrir.
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