Play it again, Sam

tout le cinéma que j’aime

Archive pour novembre, 2011

24 heures chez les Martiens (Rocketship X-M) – de Kurt Neumann – 1950

Posté : 14 novembre, 2011 @ 10:34 dans 1950-1959, FANTASTIQUE/SF, NEUMANN Kurt | Pas de commentaires »

24 heures chez les Martiens

Une équipe de scientifiques (parmi lesquels une femme, belle, forcément) embarque pour le premier vol habité dans l’espace. Destination, la Lune. Mais la fusée est déviée de sa trajectoire, et c’est sur Mars qu’elle finit par atterrir… Voilà un scénario très typique de la SF des années 50. Une histoire qui, avec quelques variantes, a inspiré bien des films très inégaux à cette époque (voir Flight to Mars par exemple). Malgré le sentiment de déjà-vu, malgré l’aspect cheap et kitsch de l’entreprise, ce Rocketship X-M (voilà un titre qui a dû faire rêver plus d’un gamin de 1950 !) est une belle réussite, signée par le futur réalisateur de La Mouche Noire, petit classique du fantastique réalisé huit ans plus tard.

Bien sûr, aujourd’hui, le film fait sourire : voir les acteurs mimer l’apesanteur, ou débarquer sur Mars avec un simple masque de pilote de chasse, ne manque pas de sel. Les dialogues et l’interprétation sont aussi parfois assez approximatifs, même si on est toujours bien content de revoir Lloyd Bridges, le père de Jeff, sympathique habitué des séries B. On pourrait aussi évoquer la misogynie agaçante du film… Lloyd, qui a bien évidemment craqué pour la jolie Osa Massen soudain toute pimpante, lui lance cette magnifique réplique : « Vous n’êtes plus une scientifique, pour moi, je vois une femme douce, sensible et très belle » (et bonne cuisinière ?).

Mais il faut reconnaître à la mise en scène de Neumann une vraie élégance. La séquence d’ouverture, quasiment en temps réel, est par ailleurs franchement efficace : en un petit quart-d’heure (les quinze minutes qui précèdent le décollage), le réalisateur nous présente le contexte, les personnages, les enjeux, avec un montage ultra-serré et très efficace. On pouvait craindre qu’il tourne un peu en rond dans les longues scènes à l’intérieur de l’espace confiné de la fusée, mais il n’en est rien : Neumann s’acclimate parfaitement de ce huis clos imposé.

Quant aux scènes sur Mars, où l’équipage découvre une ancienne civilisation avancée ayant reculé à l’âge de pierre après une guerre nucléaire, elles permettent de clamer le message profond du film : messieurs les dirigeants, arrêtez le jouer avec l’arme atomique ! Message rabâché de film en film à l’époque ? Oui, mais celui-ci préfigure assez fidèlement un classique tourné plus de quinze ans plus tard : La Planète des Singes.

Les Quatre Fils (Four Sons) – de John Ford – 1928

Posté : 10 novembre, 2011 @ 7:17 dans 1920-1929, FILMS MUETS, FORD John | Pas de commentaires »

Les quatre fils

Encore un chef d’œuvre, pour Ford, qui filme avec une inspiration inouïe ce mélodrame au cœur d’un charmant village de Bavière. En fait de drame champêtre, c’est un film profondément émouvant sur les ravages de la guerre que Ford nous propose ici. De la guerre, on ne verra d’ailleurs quasiment rien : uniquement une courte scène presque irréelle, baignée dans la brume de la campagne française. On ne perdra rien, par contre, des émotions de « maman » Bernle, mère aimante de quatre grands garçons, qui les verra partir l’un après l’autre pour le front.

Nous sommes en 1914, alors que « l’ancien monde », comme le définit un carton au début du film, vit ses dernières heures : des heures d’insouciance qui disparaissent d’un revers de la main, à l’image de la gifle que donne un officier autoritaire à Joseph, le plus insouciant des fils Bernle. Cette gifle n’est pas anodine : elle résume à elle seule ce qui attend ce village si paisible alors que la Grande Guerre est sur le point d’éclater. C’est aussi la perte de l’innocence qui est au cœur du film, à travers le quotidien de ce village si typique, presque caricatural ; Ford ne fera pas autre chose avec Qu’elle était verte ma vallée, autre chef d’œuvre pittoresque sur la perte de l’innocence.

La figure bonhomme et magnifique du facteur illustre joliment cette perte d’identité. Lui qui ouvre le film, silhouette joviale, grosses moustaches avenantes et sourire communicatif, heureux d’apporter des nouvelles qui, dans le vieux monde, ne peuvent être que bonnes… C’est lui aussi qui devra apporter ces sinistres lettres cernées de noir, qui annoncent à la population la perte d’un proche. Les habitants, jadis aussi soudés qu’une famille, voient avec soulagement et un brin d’égoïsme bien compréhensible passer ce messager de mort devant eux sans s’arrêter…

Le facteur, lui, a la silhouette qui se voûte et la démarche lourde, assommé par le poids de ses nouvelles. Maman Bernle symbolise à elle seule les pertes subies par tout un peuple : trois de ses fils mourront au front ; quant au quatrième, il sera considéré comme un traître parce qu’il est parti vivre en Amérique avant le conflit, et qu’il s’est battu contre l’Allemagne. Dur ? Oh, on pleure, bien sûr, devant le triste destin de cette mère aimante (qui n’a rien à « envier » à la mère du soldat Ryan !), mais Four Sons n’est pas un film sinistre, bien au contraire.

Femme forte et profondément bonne (jouée avec beaucoup de pudeur et d’émotion contenue par Margaret Mann), maman Bernle n’est pas du genre à se laisser abattre, remerciant Dieu « pour tous ses bienfaits », même après avoir perdu son plus jeune fils. On pourrait être agacés par cette ferveur absolue, mais non, c’est juste profondément émouvant.

Ford a aussi le bon goût de terminer son film sur un brusque changement de ton, qui évoque L’Aurore (et ce n’est sans doute pas un hasard : le chef d’œuvre de Murnau est sorti l’année précédente, et il semble certain que Ford a rencontré Murnau, tous deux travaillant alors pour la Fox), lorsque Maman Bernle arrive à New York, ville monstrueuse bien éloignée de la Bavière, où tout est possible, l’aliénation comme la renaissance.

Le Réquisitoire (Manslaughter) – de Cecil B. De Mille – 1922

Posté : 10 novembre, 2011 @ 4:10 dans 1920-1929, De MILLE Cecil B., FILMS MUETS | Pas de commentaires »

Le Réquisitoire

Cecil B. De Mille n’y va pas de main morte avec ce mélodrame qui n’a jamais peur d’aller trop loin. On a donc une riche héritière, Lydia (Leatrice Joy), frivole et amateur de vitesse, qui ne prend rien au sérieux. Surtout pas ce procureur, Dan (Thomas Meighan), qui l’aime et qui fait tout pour convaincre Lydia qu’elle vaut mieux que cette vie de débauche digne de la pire époque romaine (ce qui nous donne droit à quelques séquences romaines illustratives et indigestes, heureusement courtes). Sauf qu’à un moment, Lydia va trop loin : son égoïsme envoie une pauvre mère de famille en prison, et coûte la vie d’un policier. Alors Dan réalise que pour sauver Lydia d’elle-même, il ne reste qu’une option : la prison. Mais en faisant condamner celle qu’il aime, « c’est mon cœur que j’envoie en prison », et Dan sombre dans l’alcool. Jusqu’à ce que Lydia trouve la voie de la rédemption…

Ce curieux mélo s’apparente à un intrus dans la filmo muette de De Mille, souvent irrévérencieuse et pas loin d’être amorale. Il y a au contraire, dans Manslaughter, tout ce qui rendra parfois De Mille insupportable dans ses grandes fresques à venir : un moralisme gonflant (l’alcool, c’est mal), et une foi inébranlable dans les institutions. Parce que, finalement, quoi de mieux que quelques années en prison pour vous remettre dans le droit chemin ? Hein ?! Faut dire qu’elles ont l’air sympa, les prisons de De Mille. La prison pour femmes en tout cas : une espèce de village vacances où tout le monde doit travailler, certes, mais sous le regard bienveillant de gardiennes-copines, et main dans la main avec des tas de gentilles copines qui seront contentes de vous voir retrouver la liberté, mais un peu tristes quand même de vous voir partir…

On a l’air de se moquer, là, mais une fois ces (énormes) réserves posées, il faut bien constater que Manslaughter est une nouvelle fois l’œuvre d’un grand cinéaste particulièrement inspiré, d’un strict point de vue formel. Le scénario peut ne pas convaincre, mais le film se regarde avec un vrai plaisir. Même si on peut lui préférer les audaces et la liberté de la série de films consacrés aux couples et aux tromperies, qu’il venait alors de réaliser (notamment La Proie pour l’Ombre, déjà chroniqué sur ce blog).

Un Monstre à Paris – de Eric Bergeron – 2011

Posté : 10 novembre, 2011 @ 12:13 dans 2010-2019, BERGERON Eric, DESSINS ANIMÉS, FANTASTIQUE/SF | Pas de commentaires »

Un monstre à Paris

Joli dessin animé, basé sur une histoire très, très classique, vaguement inspiré du mythe de Frankenstein (deux gentils maladroits s’amusent avec des produits chimiques, qui transforment une mite en un monstre qui sème la terreur à Paris ; sauf que le montre est gentil), mais rehaussé par un style visuel très séduisant. Eric Bergeron donne vie au Paris du siècle dernier, et plus précisément celui de 1910, l’année des grandes inondations dans la capitale. Voir la Seine déborder de son lit n’est pas juste un clin d’œil nostalgique au Paris de l’avant-guerre : ce fait historique est plutôt habilement intégré à l’histoire, puisque le « monstre » est vu par les autorités comme une opportunité pour divertir l’opinion publique, furieuse contre ses dirigeants…

Le meilleur, dans ce long métrage français qui vaut bien mieux que tous les derniers Disney réunis, c’est l’atmosphère « villageois » de Montmartre, joliment rendu par le beau coup de crayon de Bergeron.

C’est, aussi, le casting vocal, impeccable et intelligent. Les acteurs ne sont pas simplement choisis pour pouvoir mettre leur nom sur l’affiche : ils sont l’essence même de leurs personnages. Gad Elmaleh est irrésistible en frimeur au grand cœur ; mais c’est surtout Vanessa Paradis qui séduit, dans le rôle de l’ange de Montmartre, chanteuse de cabaret à la voix envoûtante, qui forme bientôt un duo scénique avec le monstre, qui chante et joue de la guitare comme Mathieu Chédid. Normal, c’est lui qui prête sa voix, et on regrette simplement que le réalisateur n’ait pas laissé davantage de place aux numéros musicaux.

On se console avec les clins d’œil rigolos à la culture française dans tous ses états, de la fameuse coiffure de M au « C’est mon vélo ! » d’un gendarme qui a les traits et la voix de Bourvil.

Tartuffe (id.) – de Friedrich Wilhelm Murnau – 1925

Posté : 9 novembre, 2011 @ 11:45 dans 1920-1929, FILMS MUETS, MURNAU Friedrich W. | Pas de commentaires »

Tartuffe

Décidément pas mon Murnau préféré… Tourné entre deux grands classiques (Le Dernier des Hommes et Faust), cet avant-dernier film allemand du cinéaste est une adaptation inattendue, et fidèle, de la pièce de Molière. Fidèle, à ceci près que la pièce en elle-même est présentée comme un « film dans le film », qu’un jeune homme déguisé en forain projette à son grand-père pour lui faire comprendre que sa fidèle servante est en fait une méchante femme qui le manipule pour toucher son héritage.

Il y a d’ailleurs dans Tartuffe, long métrage excédant à peine les soixante minutes, deux films bien distincts : la partie contemporaine (quinze minutes au début, cinq à la fin), qui se résume à trois personnages, et qui porte indéniablement la patte du futur cinéaste de L’Aurore, jeu brillant sur les ombres et les gros plans, merveille de montage, vif et enlevé, proche de l’expressionnisme. Et puis la partie « film dans le film », à la lumière vive, aux décors de carton-pâte qui semblent tout droit sortis des productions françaises des années 1900, comédiens outranciers…

En fait de comédiens qui en font trop, c’est surtout Emil Jannings qui porte les lauriers. Bouleversant dans Le Dernier des Hommes, Jannings est caricatural, ici : ogre libidineux et repoussant qui ne parvient à tromper que le naïf chef de maison, convaincu que ce Tartuffe est un homme saint, pur, et désintéressé. Sans doute les excès de l’acteur illustrent assez fidèlement le propos de Molière, mais quand même… ce drame bourgeois, sans ennuyer véritablement, finit par n’inspirer qu’un intérêt poli.

Reste quelques jolis plans (la scène du petit-déjeuner surplombant la propriété, Tartuffe découvrant le visage de son « disciple » dans un reflet alors qu’il s’apprêtait à sauter sur la femme de ce dernier…), et une charge virulente contre les intégristes de la religion.

Postman (id.) – de Kevin Costner – 1997

Posté : 8 novembre, 2011 @ 1:33 dans 1990-1999, COSTNER Kevin, COSTNER Kevin (réal.), FANTASTIQUE/SF | Pas de commentaires »

Postman

On dira ce qu’on voudra de Kevin Costner, mais il faut lui reconnaître un courage, et une opiniâtreté peu courants dans le cinéma hollywoodien. Deux ans à peine après le flop de Waterworld, qui lui a coûté sa couronne de mégastar, voilà qu’il remet ça avec un nouveau film post-apocalyptique. La poussière a remplacé l’eau, certes, mais quand même. On ne peut pas dire que ce courage aveugle lui ait réussit : Costner a une nouvelle fois mordu la poussière (mouais…) avec cette grosse production malade, imparfaite, naïve… et profondément attachante.

En 1997, et malgré les bides de ses précédents films, Postman était un film très attendu : c’était la première mise en scène de Costner après le triomphe de Danse Avec les Loups, qui plus est avec un western futuriste. L’attente était grande, et la punition a été sévère. Echec sans appel dans les salles, lynchage aux oignons par des critiques très remontés… et l’oubli comme seul avenir pour ce chant d’amour aux glorieux services de la Poste. Wow, wow… Le film méritait-il vraiment un tel sort ? Quitte à passer (une nouvelle fois) pour un défenseur aveugle et obstiné du sieur Costner, je clame haut et fort : non, il ne méritait pas.

L’histoire n’est pas plus conne que celle de tous les autres films post-apocalyptiques (et il y en a eu un paquet depuis 1997). Une quinzaine d’années après une guerre mondiale, le monde est devenu un vaste désert, où les survivants vivent en petites communautés, alors que l’insécurité règne partout. Un homme solitaire échappe de peu à la bande du sinistre Béthléem, qui sème la terreur partout où il passe. Après avoir trouvé le cadavre d’un postier, il enfile ses vêtements et se fait passer pour un agent des « Nouveaux Etats-Unis », dans le seul espoir qu’on lui offre à manger. Mais sa supercherie va éveiller un espoir nouveau chez quelques personnes, puis chez d’autres…

Comme dans Danse Avec les Loups (et plus tard dans Open Range), il y a dans Postman des paysages somptueux. Comme ses deux autres réalisations, Postman est aussi un film qui évoque frontalement, et amoureusement, la construction des Etats-Unis : Costner rend hommage aux pionniers, et surtout aux cavaliers du pony express qui ont risqué leur vie pour unifier le pays. En faisant de ce western une fable futuriste, Costner n’a pas évité toutes les maladresses, certes, et son film paraît parfois bien naïf, et dégage par moments un patriotisme un peu exaspérant. Mais ces défauts révèlent aussi l’honnêteté d’un cinéaste qui aime son pays et son histoire. Et le western, bien sûr.

Gonflé, aussi, Costner fait de son héros une icône bien malgré lui, qui aurait bien passé le reste de sa vie à s’occuper de lui seul. Il a enfin le culot de priver le spectateur (et le grand méchant Béthléem) du grand affrontement final vers lequel toute l’action semblait se diriger…On ne peut pas non plus nier qu’il y a derrière ces paysages grandioses et ces scènes spectaculaires un souffle lyrique et romantique devenus bien rares. Ben oui, même avec ce grand film malade, Kevin Costner prouve qu’il est immense…

Le Monde perdu (Two Lost Worlds) – de Norman Dawn – 1950

Posté : 7 novembre, 2011 @ 12:16 dans 1950-1959, DAWN Norman, FANTASTIQUE/SF | Pas de commentaires »

Le Monde perdu 1950

Minuscule film, mais plutôt bonne surprise. L’affiche, outrageusement spectaculaire, montrait deux monstres préhistoriques s’entre-tuant sous le regard d’un couple en haillons. Fort heureusement, cette affiche est bien trompeuse : en guise de dinosaures et de créatures monstrueuses, on n’a droit qu’à quelques minutes d’un iguane filmé en transparence qui paraît immense par rapport aux acteurs. Et c’est bien suffisant : cette scène est à peu près ce qu’il y a de plus ennuyeux dans ce film par ailleurs fort sympathique et très riche en rebondissements…

Le scénario est proprement incroyable. En à peine une heure, un courageux armateur (Jim Aurness) a le temps d’échapper à deux attaques de pirates (la première en mer, la seconde sur terre), à un naufrage, à la traversée d’un désert arides, à l’apparition de monstres préhistoriques, à l’irruption d’un volcan, et même à un rival amoureux. Tout ça en 58 minutes, montre en main. Difficile de faire plus dense…

Le réalisateur Norman Dawn tire le meilleur d’un budget visiblement étriqué. Ce pionnier du cinéma australien (et spécialiste des effets visuels comme le matte painting), qui connaît son métier, fait illusion dans la plupart des scènes clés du film, et tout particulièrement lors d’une bataille en pleine mer plutôt impressionnante. Habile technicien, Dawn est aussi un raconteur d’histoires très efficace. Son film, si modeste soit-il, ne manque pas de rythme, grâce à une réalisation inspirée, tout particulièrement dans les scènes de nuit. Grâce aussi à une poignée de seconds rôles pittoresques (notamment le marin amateur de bons cigares) qui font oublier le manque d’aspérité des acteurs principaux.

The Artist – de Michel Hazanavicus – 2011

Posté : 4 novembre, 2011 @ 5:37 dans 2010-2019, FILMS MUETS, HAZANAVICUS Michel | Pas de commentaires »

The Artist

C’est beau quand un film ne vous déçoit pas. C’est encore plus beau quand il dépasse, et de loin, toutes les attentes… C’est rare, et The Artist est de ces films. Parce qu’il n’est ni une parodie, ni un pastiche des films muets des années 20, mais un « vrai » film muet. Mieux : The Artist n’est pas un film-événement parce qu’il est muet, mais parce que c’est un grand film, tout simplement.

En se privant de la parole (pas du son : il y a dans le film un ingénieux jeu sur le son, qui évoque Les Temps modernes, de Chaplin), Michel Hazanavicus semble renouer rien moins qu’avec le langage cinématographique. Et ça fait un bien fou. Sans dialogues (d’autant plus qu’il utilise les cartons avec une extrême parcimonie), le cinéaste mise avant tout sur la force de ses images pour raconter l’histoire, faire naître les sentiments, créer une atmosphère. On a l’impression qu’il en est à son cinquantième film muet, tant il maîtrise totalement cet art. Il y a notamment dans le film l’un des plus beaux coups de foudre qu’il m’est ait donné de voir sur un écran depuis bien longtemps : le coup de foudre entre George Valentin (Jean Dujardin), grande vedette du Hollywood de 1927, et Peppy Miller (Bérénice Béjo), alors simple figurante, vu à travers une série de prises d’une même scène…

Des grands moments de cinéma comme celui-là, il y en a dix, vingt, cinquante dans The Artist : Peppy Miller qui mime une étreinte avec le manteau de Valentin ; les deux se croisant dans un grand escalier symbolisant l’ascension de l’une, et la chute de l’autre ; le cauchemar d’un George Valentin muet dans un monde devenu hyper bruyant… Bien sûr, Hazanavicus n’a pas tout inventé, loin de là : le cinéaste-cinéphile s’est nourri de très nombreux classiques pour construire son film, et pas uniquement du cinéma muet d’ailleurs.

L’histoire elle-même (une vedette du muet tombe dans l’oubli à l’arrivée du parlant, tandis qu’une ancienne figurante amoureuse de lui devient une star) s’inspire nettement de celle d’Une Etoile est née, et on sent clairement l’influence du Lubitsch des années 20 (il y a quelque chose de l’élégance et de l’attention portée aux objets les plus anodins de L’Eventail de Lady Windermere) du Chaplin des années 30 : la scène où George Valentin, ruiné, tourne un coin de rue et découvre son ancien smoking dans une vitrine, évoque une scène magnifique des Lumières de la Ville.

Comment, aussi, ne pas penser aux films de Douglas Fairbanks (lui-même star du muet n’ayant pas franchi l’épreuve du son), à Sunset Boulevard quand Valentin déchu revoit ses vieux films, ou à Citizen Kane par la manière dont le réalisateur montre le couple Valentin (Mme étant jouée par une revenante, Penelope Ann Miller) se déliter jour après jour autour des petits déjeuners…

Il y a comme ça une cinéphilie gourmande qui nourrit continuellement le film, y compris avec l’apparition d’acteurs anglo-saxons qui parfois ne semblent être là que pour le plaisir (Malcolm McDowell surtout ; John Goodman, quant à lui, a un très beau rôle). Mais la force du film est de ne pas se laisser dévorer par ses références. The Artist est évidemment un hommage (et le plus beau qui soit) au cinéma muet, mais ce n’est pas un film mortifère, pas plus qu’un exercice de style vain. C’est un pur bonheur de cinéma, gourmand et généreux, porté par un duo d’acteurs épatants. Un film, et c’est rare aussi, qui donne envie de le revoir immédiatement…

Charlot dans le parc (In the park) – de Charles Chaplin – 1915

Posté : 4 novembre, 2011 @ 2:52 dans 1895-1919, CHAPLIN Charles, COURTS MÉTRAGES, FILMS MUETS | Pas de commentaires »

Charlot dans le parc

• Titres alternatifs (VO) : Charlie on the SpreeCharlie in the Park

• Titres alternatifs (VF) : Charlot se promène, Charlot fait des siennes

Ce premier « film de parc » tourné par Chaplin pour la Essanay est très comparable à ceux qu’il a tourné pour la Keystone l’année précédente. D’ailleurs, c’est uniquement pour tenir ses engagements qu’il a produit ce In the Park tourné en une semaine seulement, pour rattraper le retard pris sur son film précédent, Charlot boxeur, autrement plus ambitieux.

Ici, Chaplin recycle en grande partie des gags qu’il utilisait déjà dans ses précédents films de parc (des jets de briques, un voleur volé…). D’ailleurs, Charlot est ici le goujat qu’il était à ses tout débuts, perturbant les embrassades d’amoureux, faisant des grimaces dans le dos de la belle Edna Purviance (désormais complice attitrée et officielle), faisant tomber ses cendres dans la bouche d’un homme endormi, et n’hésitant pas à voler.

Ce sentiment de déjà-vu n’enlève rien à la drôlerie de certains gags, et on prend toujours un plaisir certain (et un peu coupable) à voir la quasi-totalité de la distribution propulsée par le pied rageur de Charlot à la fin du métrage. Mais le film appartient déjà à une époque révolue pour Chaplin, qui ne tournera d’ailleurs plus de « film de parc ». Ses deux prochains films (Charlot veut se marier et Charlot vagabond) marqueront une nouvelle étape dans l’enrichissement de son personnage et de son style.

Le Dinosaure et le chaînon manquant (The Dinosaur and the Missing Link) – de Willis O’Brien – 1915

Posté : 4 novembre, 2011 @ 10:20 dans 1895-1919, COURTS MÉTRAGES, DESSINS ANIMÉS, FANTASTIQUE/SF, FILMS MUETS, O'BRIEN Willis | Pas de commentaires »

Le Dinosaure et le chainon manquant

Ce court court-métrage est une date dans l’histoire du cinéma d’animation : il est considéré comme le tout premier film animé entièrement image par image, pratique dont Willis O’Brien fut le premier maître : c’est à lui, notamment, qu’on doit les créatures, toujours impressionnantes, du Monde Perdu, le film de Harry Hoyt adapté de Conan Doyle en 1925.

Cela étant dit, The Dinosaur and the Missing Link n’a pas grand intérêt autre qu’historique, d’autant plus qu’il a énormément souffert des outrages du temps (en tout cas dans la copie utilisée pour le très sympathique coffret DVD « les dinosaures attaquent », édité chez Artus Films, et qui propose en bonus quatre courts métrages de O’Brien des années 10).

Sous-titré « une tragédie préhistorique », le film est un marivaudage en peau de bête, dont le point culminant est un combat entre un grand singe et un dinosaure (traité sur le mode comique), qui préfigure une scène mythique que Willis O’Brien animera lui-même quelque dix-huit ans plus tard, dans l’immense King Kong, de Cooper et Schoedsack.

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