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Les Yeux de Laura Mars (Eyes of Laura Mars) – d’Irvin Kershner – 1978

Classé dans : * Polars US (1960-1979),1970-1979,FANTASTIQUE/SF,KERSHNER Irvin — 3 octobre, 2011 @ 9:37

Les Yeux de Laura Mars

Aucun doute possible : voici, et de loin, le meilleur film d’Irvin Kershner, réalisateur sans grande personnalité qui a derrière lui une longue carrière à la télévision, et qui ne réalisera plus que trois films, tous des suites (L’Empire contre-attaque, Jamais plus jamais et RoboCop 2). Tiré d’un scénario très fort de John Carpenter, Eyes of Laura Mars est une petite merveille qui, malgré le milieu dans lequel l’histoire se déroule (la mode, qui est pourtant par définition ce qui se démode le plus) a étonnamment bien passé l’épreuve du temps. Plus de trente ans après, malgré quelques effets de caméra un peu datés, et malgré un rebondissement final aussi attendu que difficile à avaler, le film reste très efficace.

Sans rien enlever aux évidentes qualités de mise en scène, le film doit quand même beaucoup au scénario, effrayant et malin, signé par un jeune gars qui allait exploser la même année en réalisant Halloween. Une grande photographe de mode est sujette à des visions macabres de meurtre. Elle réalise bientôt que ces visions ne sortent pas de son imagination, mais qu’elle voit réellement ce qu’un mystérieux voit lorsqu’il se prépare à commettre des crimes. Pire encore : toutes les victimes de ce tueur sont des proches de la photographe. C’est évidemment un sujet en or pour un film à suspense. On imagine bien toutes les possibilités que ce postulat offre, et on n’est pas déçu : Kershner nous livre quelques séquences vraiment flippantes, en particulier celle où la jeune femme, dans une vision soudaine, se voit elle-même de dos, et comprend que le tueur est derrière elle. L’utilisation de la caméra subjective est ici parfaitement intégrée dans l’histoire, et totalement efficace. John Carpenter fera lui-même une utilisation inoubliable et traumatisante de la caméra subjective dans la séquence d’ouverture de son Halloween.

Faye Dunaway, qui venait d’obtenir un Oscar pour Network, est sublime en victime continuellement au bord de la rupture. Son personnage est pourtant une femme forte, photographe controversé bousculant l’image de la femme dans des mises en scène macabres et étonnantes, et avec un style à la fois agressif et très sexy (l’utilisation des fringues dans le film est fort joliment analysée dans un autre blog vers lequel je ne peux que conseiller de se rendre, en cliquant ici). Et Dieu qu’elle est belle Faye Dunaway. La scène mythique du « shooting » dans les rues de New York, dans laquelle, en robe fendue, elle photographie ses modèles comme ferait un reporter de guerre, est inoubliable.

Le film n’est pas parfait, cela dit : Tommy Lee Jones n’a pas encore le charisme qu’il aura dix bonnes années plus tard. Il est irréprochable, mais il manque d’épaisseur, et son personnage n’est pas facile à défendre. Le couple qu’il forme avec Faye Dunaway est un peu difficile à avaler, aussi. Dommage, parce que le flic qu’il interprète semble tout droit sorti de l’un de ces films policiers réalistes à la mode dans les années 70, et que l’irruption du fantastique dans cet univers si banal des commissariats miteux et des enquêtes routinières était plein de promesses. Cette promesse, au moins, n’est pas tout à fait tenue. Reste une grande actrice, quelques scènes formidables, un scénario malin et un suspense imparable. On aurait tort de bouder son plaisir…

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