Nid d’espions (The Fallen Sparrow) – de Richard Wallace – 1943
Film noir, film d’espionnage, film de propagande… L’alliance des trois genres était plutôt à la mode dans un Hollywood mobilisé pour l’effort de guerre, et ce film peu connu est typique de la production d’alors. Rien de surprenant, d’ailleurs, dans cette production très sombre qui évoque l’atmosphère de Pris au piège d’Edward Dmytryk ou Le Pigeon d’argile de Richard Fleischer. Mais il y a une différence de taille : ces deux films ont été tournés après la capitulation de l’Allemagne, alors que le film de Wallace est produit en pleine guerre.
Le ton n’en est pas très différent, mais il y a dans Nid d’espions un nationalisme exacerbé bien compréhensible au regard du contexte historique, mais qui peine à convaincre aujourd’hui : le « macguffin » qui fait avancer le suspense, l’objet dont les méchants veulent à tout prix s’emparer quitte à tuer la moitié de la distribution n’est pas une arme nucléaire, pas plus que les plans d’une base secrète, non : c’est (attention SPOILER)… une bannière en lambeaux, témoin d’une bataille sanglante durant la guerre d’Espagne.
Pourquoi pas : voir le héros prêt à payer de sa vie pour protéger un symbole n’est pas une nouveauté. Mais ce sont les motivations des traîtres aux services des nazis qu’on a beaucoup de mal à prendre au sérieux. Et au vu de l’aspect hyper sombre du film, dénué de tout humour, ce décalage n’était pas loin de me laisser sur la touche.
Heureusement, il y a John Garfield, dans un rôle évidemment taillé sur mesure : celui d’un homme torturé, rongé par son passé et dont on se demande s’il est plus proche de la rupture ou de l’explosion… L’action se passe fin 1940. L’Amérique n’est pas encore en guerre, mais McKittrick, notre héros, est de retour chez lui après avoir passé plus de deux ans dans une geôle sinistre pendant la guerre civile d’Espagne. Pendant deux ans, il a été torturé sur l’ordre d’un mystérieux nazi qu’il n’a jamais vu, mais dont il sait simplement qu’il a une jambe qui traîne… Il n’a pu s’évader que grâce à son meilleur ami, dont il apprend qu’il est mort mystérieusement.
Décidé à retrouver le coupable, il découvre bientôt l’existence d’un réseau d’espions nazis implanté en plein cœur de New York, probablement dirigé par son mystérieux tortionnaire boiteux. Bon… Je ne voudrais pas critiquer l’ami Garfield, dont je suis un grand admirateur, mais il a dû abuser du whisky (faut dire, qu’est-ce qu’il boit dans ce film !) pour ne pas voir sous quelle identité se cachait son nazi boiteux (ben oui, c’est pas bien facile à cacher), même si, c’est vrai, il est bien occupé à soupçonner à peu près tous ceux qui l’entourent…
Bref, ce n’est pas du côté du scénario qu’il faut s’attarder : les rebondissements sont tous hyper-téléphonés (comme la révélation finale…). Mais Wallace signe une fort jolie réalisation, qui joue très habilement sur la profondeur de champs, sur des premiers plans un peu flous, et sur une pénombre magnifiquement photographiée. La force du film, aussi, est de ne jamais lâcher John Garfield, dont on découvre à la fois la force et les faiblesses, la détermination et les fantômes qui le hantent, son goût pour l’alcool et ses penchants pour la gent féminine.
Il faut dire qu’il est bien entouré, avec la brune Patricia Morison (en ex à la beauté froide, totalement frivole et inconséquente), la blonde Martha O’Driscoll (gamine à peine sortie de l’enfance), et surtout la rousse Maureen O’Hara, la plus belle actrice du monde (c’est en tout cas mon jugement du jour), beauté classe et mystérieuse, touchante et inquiétante. Le couple qu’elle forme avec Garfield n’est pas le mieux assorti qui soit, mais il y a quelque chose de profondément émouvant à voir cette gueule cassée déclarer son amour à cette femme à la beauté si délicate…
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