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tout le cinéma que j’aime

Archive pour août, 2011

Le Secret magnifique (Magnificent Obsession) – de Douglas Sirk – 1954

Posté : 22 août, 2011 @ 9:13 dans 1950-1959, SIRK Douglas | Pas de commentaires »

Le Secret magnifique (Magnificent Obsession) – de Douglas Sirk - 1954 dans 1950-1959 le-secret-magnifique-sirk

Un playboy égoïste échappe à la mort grâce à l’appareil respiratoire inventé par un grand médecin aimé de tous, qui a passé sa vie à faire le bien autour de lui. Mais ce dernier meurt au même moment, victime d’une crise cardiaque. Lorsqu’il apprend que le médecin aurait pu être sauvé avec son appareil, le playboy décide de se racheter. Il fait connaissance de sa veuve, mais cause sans le vouloir un accident qui rend cette dernière aveugle…

Comment transformer une histoire impossible qui semble tout droit sortie d’un mauvais roman de gare (et je vous passe d’autres passages tout aussi écoeurants sur le papier), en un beau mélodrame délicat et bouleversant ? Douglas Sirk a la recette miracle : sans une seule faute de goût, il signe l’un de ses grands films, un mélo bouleversant, l’un des plus beaux films qui soient sur la rédemption d’un homme qui en avait vraiment besoin, même si cette rédemption implique toute une série de malheurs.

Jane Wyman, dans le rôle de la veuve qui tente de vivre avec sa cécité, est parfaite. Sobre et juste, elle est excellente dans un rôle pourtant pas facile. Mais c’est le personnage de Rock Hudson qui est le plus intéressant, et de loin. Et l’acteur est absolument formidable, dans ce qui est sans doute son plus grand rôle. Le plus complexe aussi : le film montre comment son personnage arrogant, suffisant et inconséquent, évolue lentement pour devenir un homme bon, à la sensibilité à fleur de peau. Un rôle difficile, dont il se sort parfaitement.

Et pourtant, il faut bien reconnaître que le pari n’était pas gagné à l’avance : difficile de faire croire à la métamorphose d’un homme qui passe en si peu de temps de stéréotype du riche oisif, à celui de grand médecin philanthrope. John Stahl l’avait certes déjà filmée dans une première adaptation du roman de Lloyd Douglas, et plutôt bien. Mais Sirk lui donne une dimension bien supérieure, ce qui sera d’ailleurs le cas de tous les remakes qu’il fera des films de Stahl.

La force de Sirk, dans ses grands mélos en couleur des années 50, c’est peut-être de n’éviter aucun stéréotype du genre. Bien au contraire, il va jusqu’au bout de ces stéréotypes, qu’il filme avec une élégance et une pudeur absolues. Et de film en film, le miracle se répète.

Cars 2 (id.) – de Brad Lewis et John Lasseter – 2011

Posté : 21 août, 2011 @ 8:04 dans 2010-2019, DESSINS ANIMÉS, LASSETER John | Pas de commentaires »

Cars 2

Le premier Cars avait été une espèce de miracle, heureux mélange d’humour, d’émotion et d’aventures pour un dessin animé dont tous les personnages étaient des voitures. La suite de cet énorme succès est le premier film Pixar franchement décevant.

Visuellement, rien à dire : Cars 2 est impressionnant. Le tour du monde qu’il propose (les Etats-Unis, le Japon, l’Italie et la Grande-Bretagne) donne aux réalisateurs l’opportunité de créer des univers visuels aussi différents que magnifiques. Mais on sent que le second degré habituelle de Pixar est sacrifiée au profit de ces cartes postales.

Le scénario, à vrai dire, semble tout droit sorti des productions Disney des années 70. C’est un mélange d’humour, de dépaysement et d’espionnage d’un autre temps, trop compliqué pour les enfants (qui passent totalement à côté du message écolo de l’histoire), et trop premier degré pour des adultes habitués depuis quelques années à des films d’animation plus ambitieux.

Cela dit, mon fils de 6 ans a adoré ça. En l’occurrence, c’est ça le plus important…

Tout ce que le ciel permet (All the heaven allows) – de Douglas Sirk – 1955

Posté : 20 août, 2011 @ 7:23 dans 1950-1959, SIRK Douglas | Pas de commentaires »

Tout ce que le ciel permet (All the heaven allows) – de Douglas Sirk - 1955 dans 1950-1959 tout-ce-que-le-ciel-permet

Le miracle se répète une nouvelle fois, et comment, avec ce qui est l’un des plus grands mélos de Sirk, dont Todd Haynes signera un quasi-remake avec le magnifique Loin du Paradis, en 2002 (qui s’ouvre sur un plan presque identique, vue plongeante et automnale sur un quartier bourgeois américain). Le film reprend le couple du Secret magnifique, Jane Wyman et Rock Hudson, couple une nouvelle fois impossible : elle est une jeune veuve fortunée (encore) ; lui est un modeste jardinier qui s’occupe de ses arbres depuis des années, mais qu’elle n’a jamais vraiment remarqué. Elle se sent prisonnière d’une vie étriquée, des conventions de sa classe, et de son rôle de mère de deux grands enfants prêts à prendre leur indépendance, qui s’attendent à la voir se remarier avec un vieux bonnet de nuit ; lui vit au milieu des arbres, et mène une existence de liberté sans compromission et sans faux semblant.

Ces deux êtres que tout sépare vont pourtant tombés éperdument amoureux. Un véritable scandale dans cette petite ville où le râgot est une espèce de sport national, d’autant plus qu’elle est beaucoup plus âgée que lui. Le dilemme qui se pose alors à Jane Wyman est bouleversant : tiraillée entre son amour et sa soif de liberté, et ce qu’elle croit être son devoir de mère, elle devient une magnifique héroïne tragique, au bord de l’étouffement dans un univers où elle sent prisonnière.

Après avoir tout sacrifié à sa famille, seul un miracle pourrait sortir Jane de cette prison dorée et insupportable. Mais nous sommes chez Douglas Sirk ; les couleurs vives qui baignent son film rendent perceptible la possibilité d’un tel miracle ; et le titre lui-même est évocateur. Le miracle est possible… Dans ce mélo magnifique, rien n’est vraiment réaliste : tout semble exagéré, et pourtant d’une justesse totale.

La justesse du ton tient aussi à ce que les personnages sont bien plus complexes qu’il n’y paraît. En apparence, celui de Hudson est un pur stéréotype : celui du type bon et simple, ouvert et honnête, et d’une liberté absolue. Mais la vérité est bien plus complexe : son refus de céder aux faux-semblant et son mépris pour les conventions sont en fait des postures simples à assumer, au regard du dilemme de la mère de famille bourgeoise, à qui il demande de quitter ses habitudes de toute une vie, ainsi que la maison dans laquelle ses enfants ont grandi.

Rien n’est simple, mais tout est sublime dans ce très grand film que seul Sirk pouvait réussir aussi bien. Qui d’autre que lui aurait pu rendre si émouvant ce plan qui montre Jane Wyman devant une baie vitrée s’ouvrant sur la campagne enneigée, et où un cerf se promène en toute liberté…

Memories of Murder (Salinui Chueok) – de Bong Joon-ho – 2003

Posté : 19 août, 2011 @ 9:02 dans * Polars asiatiques, 2000-2009, BONG Joon-ho | Pas de commentaires »

Memories of Murder (Salinui Chueok) – de Bong Joon-ho – 2003 dans * Polars asiatiques memories-of-murder

C’est un peu le Zodiac sud-coréen. Tourné avant le film de David Fincher, ce petit bijou du futur réalisateur de The Host est lui aussi inspiré d’une enquête bien réelle, restée irrésolue : celle concernant le premier tueur en série de l’histoire de Corée du Sud. C’était au milieu des années 80 : une dizaine de jeunes femmes avaient été assassinées dans une région rurale du pays, et l’assassin n’avait jamais été démasqué…

D’une beauté formelle saisissante, le film ne cherche pas à sublimer la situation. Bong Joon-ho filme une société qui n’a pas encore tout à fait franchi le pas de la démocratie : l’histoire commence en 1986, année au cours de laquelle une révolte étudiante a été réprimée dans le sang. L’image que le film donne de la police locale n’est d’ailleurs guère réjouissante. Visiblement enfermés dans des méthodes en place depuis des décennies, ces policiers d’une intelligence très limitée n’hésitent pas, quand l’enquête patine, à faire appel à la torture, voire à créer de faux indices. Pour remplacer une empreinte de chaussure effacée par un tracteur sur une scène de crime qui n’a pas été sécurisée, le flic n’hésite pas à créer une nouvelle empreinte avec la chaussure du suspect du moment…

Ce flic, interprété par l’excellent Song Kang-ho (qui sera le fils un peu attardé de The Host), n’est pourtant pas un mauvais gars. Sa volonté d’arrêter le tueur est évidente, et il y fait preuve d’une ténacité à toute épreuve. Bong Joon-ho ne juge personne, si ce n’est ce vieux système qui vivait ses dernières heures, et qui donne lieu à une enquête terrible d’absurdité. Les flics du coin doivent faire avec les moyens du bord, avec leur inexpérience dans ce genre d’affaires, avec des méthodes totalement inadaptées… Absurde, aussi, le recours quasi systématique à la violence dans les interrogatoires : battu sauvagement par l’un des flics, un suspect fait ensuite une pause déjeuner avec ses tortionnaires, devant une émission de télévision.

Grand prix largement mérité au festival du film policier de Cognac, Memories of murder est aussi un vrai polar, et un thriller parsemé de séquences franchement terrifiantes, comme cette longue scène de nuit, dans laquelle une femme seule marche sous la pluie, près d’un immense champ de maïs. Un grand moment d’angoisse.

Au fur et à mesure que le film avance, que le temps passe, et que les victimes se suivent, un sentiment de détresse s’ajoute à l’absurdité. Le flic un peu idiot de la campagne, comme l’inspecteur de la ville, posé et réfléchi, cèdent tous les deux à l’obsession qui, ils le pressentent, ne les quittera plus jusqu’à leur dernier souffle. L’ultime plan du film, silencieux, sur le regard de Song Kang-ho, est un terrible cri de détresse…

Fleur sans tâche (The Wicked Darling) – de Tod Browning – 1919

Posté : 18 août, 2011 @ 3:21 dans * Films de gangsters, 1895-1919, BROWNING Tod, FILMS MUETS | Pas de commentaires »

Fleur sans tâche

The Wicked Darling est entré dans l’histoire du cinéma pour être la première collaboration de Tod Browning avec celui qui allait être son acteur de prédilection jusqu’à la mort de celui-ci : Lon Chaney. Chaney n’y est pas encore « l’homme aux mille visages » : dans le rôle de Stoop Conners, un petit malfrat qui règne sur un quartier mal famé d’une ville quelconque, il apparaît à visage découvert, ce qui ne sera pas si courant à l’avenir.

Le film est par ailleurs très représentatif de ce que Tod Browning faisait à l’époque. Dès les premières images, on est en terrain connu : le cinéaste filme comme il aime le faire des rues fréquentées par les laissés-pour-compte, les ivrognes et les voleurs. D’un réalisme cru, ces images n’ont rien de romantique ou d’édulcoré : Browning connaît bien ces lieux inaccueillants et ces habitants en marge, et il ne les diabolise pas plus qu’il ne les rend sympathiques.

Le réalisateur a visiblement beaucoup moins de recul avec la bourgeoisie, qu’il filme sans empathie, comme un monde déshumanisé par les conventions et l’hypocrisie ambiante. Trait d’union entre ces deux mondes, Kent Mortimer (Wellington Playter, un nom impossible, pour un acteur qui trouve là son rôle le plus marquant) est un homme du grand monde, qui perd tout en même temps que sa fortune : « l’amour » de sa fiancée, sa grande maison, et toutes ses connaissances. Se retrouvant dans les bas-fonds (avec une bonne grâce apparente qui force le respect), il est séduit par une jeune femme (Priscilla Dean, l’actrice fétiche de Browning, à l’époque) qui tombe amoureuse de lui, mais ne peut se résoudre à lui avouer son passé de voleuse.

C’est leur histoire d’amour à tous deux qui est au cœur de ce beau film plein de suspense. Une histoire contrariée par les anciennes fréquentations de la belle, notamment Lon Chaney, bien décidées à profiter de la situation. Très réussi, le film bénéficie du grand souci du détail de Browning, qui se révèle autant dans les décors que dans les seconds rôles, géniaux. Mention spéciale à Kalla Pasha, brute immense et attachante à la gueule impossible, que l’on reverra dans West of Zanzibar du même Tod Browning, et qui joue ici un inoubliable patron de bar, ancien boxeur et terreur du quartier…

Driven (id.) – de Renny Harlin – 2001

Posté : 17 août, 2011 @ 11:03 dans 2000-2009, HARLIN Renny, STALLONE Sylvester | Pas de commentaires »

Driven

En 1993, la collaboration avec Renny Harlin avait réussi à Stallone : déjà au fond du trou après ses désastreuses tentatives comiques (L’Embrouille est dans le sac et Arrête ou ma mère va tirer… aïe !!), la star retrouvait les sommets du box-office avec Cliffhanger. Au début des années 2000, la situation est peut-être encore plus critique pour l’acteur, qui n’a plus connu un seul gros succès depuis cinq ou six ans. L’idée de retrouver le réalisateur de Die Hard 2 semblait bonne, alors, d’autant plus que Stallone réalisait là un vieux rêve : un film dédié à la course automobile, qu’il écrit seul (comme au bon vieux temps de Rocky) et produit.

Son idée première était de situer l’histoire dans les coulisses du championnat de Formule 1 : à l’époque, on a d’ailleurs beaucoup vu Stallone sur les Grands Prix. Mais pour des problèmes de droits et d’autorisations, il a dû se replier sur le championnat Cart américain. Franchement, ça ne change pas grand-chose. Surtout pour ceux qui, comme moi, se contrefichent totalement des voitures puissantes qui font du bruit.

Et pourtant, ce film plein de promesses n’a pas fait pschittt, mais un retentissant plouff !, précipitant le déclin de l’acteur, dont les films suivants sortiraient directement en DVD. C’est moche pour celui qui fut l’une des plus grandes stars du monde. Cet échec et le mépris qui entoure encore le film étaient-ils justifiés ?

Sur le scénario, sans doute : Stallone nous ressort une histoire déjà vue mille fois, sans grande originalité ni surprise. Un pilote vieillissant en semi-retraite est appelé à la rescousse pour épauler un jeune espoir à qui manque « l’œil du tigre ». La réalisation tape-à-l’œil et clipesque d’Harlin a, elle aussi, tout pour agacer : un montage épileptique, de brusques mouvements de caméra, des micro-zooms… bref, tout plutôt que le bon vieux plan fixe.

Mais curieusement, ça marche ! Malgré tout ces défauts, malgré des dialogues abscons et une caméra qui caresse amoureusement les carlingues de bagnoles (qu’importe si on n’appelle pas ça comme ça !), le film a un petit quelque chose de fascinant, y compris dans ses pures scènes de courses automobiles. Y compris dans cette scène incroyable de course-poursuite dans les rues. Y compris dans le personnage stéréotypé au possible de Burt Reynolds, vieux briscard cynique.

Comment le film peut-il fonctionner aussi bien ? Stallone n’y est sans doute pas étranger, parce que son empreinte est omniprésente : depuis Rocky V, dix ans plus tôt, tous ses meilleurs films sont empreints d’une nostalgie personnifiée par sa gueule et ses épaules fatiguées (avec pour points d’orgue Copland et Rocky Balboa). C’est le cas ici aussi, où le contraste entre cette star d’hier au visage apaisant, et le style syncopé de Harlin, crée un cocktail étonnant, et fascinant.

Et puis il y a l’absence de méchant, qui est franchement une bonne nouvelle. Celui qui aurait dû jouer ce rôle, le pilote Beau Brandenburg (Til Schweiger) est même le personnage le plus abouti, et le plus émouvant, de ce film qui, décidément, ne mérite pas sa réputation.

Une femme disparaît (The Lady vanishes) – d’Alfred Hitchcock – 1938

Posté : 17 août, 2011 @ 9:17 dans * Espionnage, * Polars européens, 1930-1939, HITCHCOCK Alfred | 1 commentaire »

Une femme disparaît

Le plan qui ouvre ce sommet de la période anglaise d’Hitchcock est inoubliable : ce long plan surplombe un village perdu dans les Alpes suisses, recouvert par la neige. Lentement, la caméra nous fait découvrir ce lieu isolé, dont le calme est à peine perturbé par une voiture qui circule sans bruit, presque fantomatique, s’approchant peu à peu des habitations, laissant apercevoir quelques personnes immobiles sur le quai de la gare. Totalement immobile, et pour cause : dans ce plan beau et irréel, Hitchcock ne filme qu’une grande maquette, ne faisant aucun effort pour tenter de convaincre le spectateur du contraire.

Toute la période anglaise du maître est marquée par la présence de ces maquettes qu’Hitchcock prenait un plaisir fou et enfantin à filmer. Celle-ci est inoubliable. Pourtant, après ce plan d’ouverture, les maquettes disparaissent pour de bon. Du film et de l’œuvre d’Hitchcock, qui pense alors tourner son ultime film anglais (son départ pour Hollywood, où il doit réaliser un Titanic qui ne se fera finalement pas avec lui, est programmé). Il aura toutefois le temps de tourner un dernier film en Angleterre, La Taverne de la Jamaïque, avec Charles Laughton. Mais le contrôle lui échappera en partie, et Une femme disparaît peut objectivement être considérée comme les véritables adieux d’Hitchcock à son pays natal (jusqu’à Frenzy en tout cas).

Et ces adieux ne pouvaient pas être plus réjouissants. Une femme disparaît est une réussite de tous les instants, l’un des meilleurs « films de train » qui soient, sans doute le meilleur en mode léger. Le ton du film, malgré la menace de conflit mondial qui s’inscrit en filigrane sur cette histoire d’espionnage, est en effet au pur divertissement, ce qui ne veut pas dire, bien sûr, que le cinéaste prend son travail à la légère, bien au contraire : on assiste à une démonstration exceptionnelle du génie hitchcockien.

En une séquence époustouflante, il dresse le décor : une auberge de Suisse dans laquelle cohabitent malgré eux des voyageurs de toutes les nationalités, et de toutes les catégories sociales. Un seul point commun entre eux : ils attendent un train retardé par la neige, et doivent passer une nuit supplémentaire sur place, durant laquelle on apprendra à mieux les connaître. Il y a cette riche héritière (Margaret Lockwood), oisive et inconséquente, promise à un mariage de raison. Il y a cette vieille dame, Miss Froy, qui rentre en Angleterre après des années d’absence, et avec laquelle elle sympathise (Dame May Whitty). Il y a ce musicien plein de vie, qui noue une relation d’amour-haine avec l’héritière (c’est Michael Redgrave). Il y a cet avocat carriériste qui refuse de s’afficher avec sa maîtresse.

Il y a encore ce tandem d’Anglais totalement hermétiques à la crise mondiale, et qui ne pensent qu’à avoir des nouvelles de leur équipe de crocket préférée… Ce tandem, interprété avec un flegme irrésistible par Basil Radford et Naunton Wayne, est la caution humoristique de ce film. Les deux personnages, pourtant secondaires, ont à ce point marqué le film de leur présence, qu’on les reverra dans les années suivantes dans quelques autres films, notamment dans Train de Nuit pour Munich, autre « film de train » avec Margaret Lockwood (réalisé par Carol Reed).

Cette séquence dans l’auberge ne sert toutefois qu’à présenter les personnages : la partie principale du film commence le lendemain matin, dans le train qui les ramène vers l’Angleterre. Et c’est là que le génie hitchcockien prend toute son ampleur. Loin de se sentir à l’étroit dans le décor d’un train, le cinéaste profite de cette contrainte pour signer un film au mouvement perpétuel : qui va continuellement de l’avant, au même rythme que le train.

Formellement, c’est un bijou. Quant à l’histoire, elle est cauchemardesque à souhait : après s’être endormie face à la brave Miss Froy, notre oisive héritière se réveille pour entendre l’ensemble des voyageurs affirmer qu’il n’y avait pas de vieille dame avec elle. Presque convaincue elle-même d’avoir rêvé, elle ne reçoit le soutient que de ce musicien qui lui a gâché sa dernière nuit dans l’auberge…

Le suspense, le rythme, l’humour, l’alchimie entre les comédiens… Une femme disparaît est une réussite absolue, l’un de ces nombreux états de grâce que Hitchcock a eu tout au long de sa carrière. Comme Les 39 Marches ou La Mort aux trousses, c’est aussi l’un de ces purs divertissements (malgré la toile de fond où l’angoisse de la guerre est bien présente) vers lesquels Hitchcock a toujours aimé revenir, régulièrement, tout au long de sa carrière.

Tin Cup (id.) – de Ron Shelton – 1996

Posté : 15 août, 2011 @ 3:26 dans 1990-1999, COSTNER Kevin, SHELTON Ron | Pas de commentaires »

Tin Cup

Même dans ses films les plus mineurs, Kevin Costner fait preuve d’une cohérence et d’une honnêteté qui me ravissent. Ses retrouvailles avec le réalisateur du très culte (aux Etats-Unis en tout cas) Duo à trois ne font pas exception : on sent clairement la touche Costner dans cette histoire d’un champion de golf déchu. On y retrouve son amour pour les valeurs du sport, et surtout son goût pour les Américains en marge. Et le film en est plein…

Loin de valoriser le sport comme un moyen d’élever socialement, Tin Cup valorise le geste plutôt que le but. Non seulement cet anti-héros ne quittera ni sa caravane sordide, ni ses potes un peu crasseux et très beaufs ; mais il y entraînera l’élégante femme qu’il aime (Rene Russo). Les cyniques que nous sommes tous ont bien du mal à croire en cette histoire d’amour effectivement improbable, mais qu’importe : ça fait du bien d’imaginer qu’une jolie psychanalyste puisse préférer un honnête looser à une vedette resplendissante mais faux-cul (Don Johnson, dans son dernier rôle marquant à ce jour).

D’une naïveté « à l’ancienne », cette romance tourne entièrement autour de la personnalité de Roy McAvoy (Costner), ancien golfeur de premier plan, relégué au rang de gérant d’un minable practice en limite de désert. Il aurait pu devenir le plus grand, mais sa fierté, son arrogance et son refus de jouer la prudence en ont fait un pestiféré, que son principal rival vient rechercher pour lui servir de caddie… Quand, finalement, il aura sa chance, il échouera en s’acharnant sur un coup impossible et inutile, alors qu’il lui suffisait « d’assurer » en jouant la prudence.

Mais échoue-t-il vraiment ? Meuh, non, bien sûr. Parce que s’il perd le titre qu’il convoitait, il gagne l’amour et l’estime de soi. Il reste un petit Ricain un peu raté, mais qui a su garder son âme. Z’êtes pas convaincu ? Tant pis, moi je trouve ça très émouvant. Et drôle, en plus, que demander de plus…

Et puis il y a le savoir-faire de Ron Shelton en matière de film de sport, qui fait de toutes les scènes de golf (et elles sont très nombreuses : l’essentiel du film se déroule sur un green) de réjouissants moments de cinéma, drôles et très joliment filmés.

Demain est un autre jour (There’s always tomorrow) – de Douglas Sirk – 1956

Posté : 12 août, 2011 @ 5:34 dans 1950-1959, SIRK Douglas, STANWYCK Barbara | Pas de commentaires »

Demain est un autre jour (There’s always tomorrow) – de Douglas Sirk – 1956 dans 1950-1959 demain-est-un-autre-jour

Sirk, LE grand romantique hollywoodien vient de signer, dans des couleurs flamboyantes, le plus réputé de ses chef d’œuvre (Tout ce que le ciel permet), lorsqu’il réalise ce « petit film » en noir et blanc, prolongement du All I desire qu’il a réalisé trois ans plus tôt, déjà avec Barbara Stanwyck. L’actrice a d’ailleurs un emploi similaire dans ce nouveau film : là aussi, elle est une femme dans la force de l’âge, qui réapparaît des années après, semant le trouble malgré elle dans une famille en apparence idéale.

Ici, elle est une styliste qui, de passage à Los Angeles, retrouve l’homme dont elle a secrètement été amoureuse vingt ans plus tôt, et qui s’ennuie dans une famille qui le délaisse un peu : sa femme semble éviter systématiquement ses projets d’évasion, et leurs enfants ont leurs propres projets… Fatigué de son quotidien sans surprise, ce père de famille, interprété par Fred MacMurray (le couple d’Assurance sur la mort se reforme, plus de dix ans après, et dans un tout autre genre), voit l’apparition de sa vieille amie comme une chance inespérée de renouer, en toute innocence, avec sa jeunesse plus aventureuse.

Sauf que MacMurray tombe amoureux de Stanwyck. En tout cas le croit-il. Mais est-ce vraiment le cas ? Trouvera-t-il le bonheur avec celle qui aurait pu être son premier amour vingt ans plus tôt ? Est-il seulement amoureux de cette femme, ou est-il simplement à la rechercher d’un nouveau souffle de jeunesse ? C’est le cœur-même de ce film d’une justesse et d’une finesse absolues. C’est peut-être là que se révèle le mieux le romantisme si particulier, et si complexe, de Sirk. Toute l’œuvre du grand cinéaste est tiraillée par cette dualité : d’un côté, la pure passion amoureuse ; de l’autre, la beauté d’un vrai foyer… et entre les deux la cruauté du temps qui passe. Rien à voir avec la crise de la quarantaine telle qu’on se l’imagine, un peu vulgaire et puérile : la crise que traverse MacMurray est un profond mal-être.

Il y a dans le film quelques séquences bouleversantes, où on le voit comme un étranger chez lui, étouffé dans l’atmosphère pourtant aimante et vivante de la maison dont il a toujours rêvée. Avec une délicatesse infinie, Sirk filme les affres de cet homme bon et honnête, dont le drame est de regretter les surprises de la jeunesse, qui n’arrive pas à se contenter de ce qui fait le cœur de la vie de sa femme.

Le film est d’un romantisme fou, bien sûr, mais d’un romantisme lesté du poids des ans, et de toute la complexité que cela peut induire. Dans cette étude de caractère, MacMurray est bouleversant. Barbara Stanwyck, plus en retrait, prouve une nouvelle fois à quel point elle est une actrice immense. La rencontre de ces deux êtres abîmés par le temps, dans une sublime séquence de nuit, dans la fabrique de jouet de MacMurray, est un pur moment de grâce, l’un de ces moments qui font la grandeur du cinéma. Et c’est un passage dénué de tout pathos, où le temps est comme en suspens…

Intelligent et honnête, Sirk évite jusqu’au bout de tomber dans la facilité, ou de nous asséner une issue qui aurait gâché tout le film. Il sait que quel que soit le choix que fera MacMurray, il n’y a pas de happy end possible. Et la fin du film (qu’on ne dévoilera pas, vous pouvez continuer à lire) est à la hauteur du film : est-ce une fin heureuse ou tragique ? Pas la moindre idée, et ce doute trotte longtemps dans la tête…

Pris au piège (Cornered) – d’Edward Dmytryk – 1945

Posté : 11 août, 2011 @ 9:44 dans * Films noirs (1935-1959), 1940-1949, DMYTRYK Edward | Pas de commentaires »

Pris au piège

Bruce Willis était déjà une star en 1945 ? Incroyable comment Dick Powell, dans l’un de ses rôles les plus sombres et durs, évoque avant l’heure (il n’était même pas né, le Bruce) la future star de Die Hard. La mâchoire serrée, les cernes aux coins des lèvres, l’air de pouvoir encaisser des coups pendant toute une nuit sans rien lâcher, il est impressionnant. Impassible bloc de détermination, il contribue pour beaucoup à l’impression de violence latente qui se dégage de ce film noir à la fois très classique (un dur à cuire recherche l’homme qui a tué sa femme) et à part dans l’histoire du genre : tourné peu après la fin de la guerre, il prend pour cadre un monde fortement marqué par les six ans de conflit.

Cette particularité donne d’ailleurs tout le sel du film ; car l’intrigue en elle-même est franchement tirée par les cheveux. Juste un petit exemple : dans un  petit village français en ruines, le héros est à la recherche de l’assassin, un ancien collabo qui se fait passer pour mort. La maison où il pensait trouver une piste vient tout juste de brûler, détruisant tous les documents qui s’y trouvaient… sauf un petit bout de papier qui contient justement une adresse. Sacré coup de bol… Comme ça, notre héros, vétéran anglais qui a épousé sa femme en France pendant la guerre, et qu’il pensait retrouver à la libération, suit sa piste indice après indice. Une piste qui le conduit, avec une facilité confondante, en France, puis en Suisse, et enfin en Argentine. C’est en Amérique du Sud que le film devient vraiment passionnant. Pas pour l’histoire, mais pour le portrait qu’il donne des exilés, Français pour la plupart, dont beaucoup ont trouvé là-bas un refuge, après des années de collaboration avec les Allemands.

Cette bourgeoisie honteuse (ou pas, d’ailleurs) n’est jamais présentée ouvertement comme ce qu’elle est. Mais la vie de bacchanales que mènent ces exilés n’en est que plus dérangeante : on devine chez ces grands bourgeois des années de connivence avec les Nazis. D’ailleurs, aucun de ces étrangers n’aborde ouvertement le problème de leur nationalité. Français ou Allemands, demande-t-on à l’un d’eux ? « Je suis un gastronome, répond ce dernier. Mon sang est un mélange d’excellents vins européens. » Dmytryk, dont la carrière serait interrompue deux ans plus tard à cause de la Chasse aux sorcières (condamné, exilé, il retrouvera sa place dans les studios en 1951 après avoir accepté de collaborer avec la commission), signe l’un des premiers films qui abordent l’exil des criminels de guerre. Visiblement, il ne se faisait guère d’illusion sur une issue rapide à cette chasse aux nazis…

Cornered n’est pas un film sur un monde qui renaît enfin, mais sur un monde qui restera profondément traumatisé par ces années de guerre, qui ont révélé la part la plus sombre des hommes.

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