All I desire (id.) – de Douglas Sirk – 1953
C’est avec All I desire que Sirk inaugure son grand cycle de mélodrames, qu’il prolongera jusqu’à la fin de sa carrière hollywoodienne, en 1959, avec une dizaine de chef d’œuvre. Celui-ci, tourné en noir et blanc et pas avec les couleurs flamboyantes de ses films les plus célèbres, peut sans doute être considéré comme un « petit film », mais un petit film qui n’a rien à envier aux grands.
Fait plutôt rare chez Sirk, le film commence avec une voix off : celle de Barbara Stanwyck, petite vedette de cabaret qui mène une existence très modeste, loin de ses rêves de gloire qui l’on fait quitter mari et enfants des années plus tôt. Cette voix off, placée sur de très belles images d’un petit théâtre un soir de pluie, dessine en quelques secondes seulement le personnage : une femme vieillissante sans amertume, mais qui sait que son avenir ne lui réserve rien de bon. Une femme qui a fait le choix d’abandonner sa famille, et hantée par ce choix, même s’il n’était pas uniquement égoïste (il y avait un scandale qui couvait, derrière ce départ). Aussi, lorsqu’elle reçoit une lettre de sa fille cadette, qui s’apprête elle aussi à monter sur scène, et rêve secrètement de cette mère qu’elle connaît à peine, elle saute sur l’occasion.
Et voilà cette femme, habillée comme la star que tout le monde s’attend à voir, qui débarque dans cette petite ville américaine tranquille, peuplée de bons voisins, de commerçants honnêtes, et de cancanniers. Elle retrouve cette famille qui, depuis des années, a fait sa vie sans elle… Et c’est tout simplement bouleversant, parce que Sirk, comme toujours, traite son sujet avec une délicatesse immense. Parce que la petite ville est à la fois attachante et détestable (une version acide de Capra), parce que Sirk a visiblement beaucoup d’empathie pour tous ses personnages, y compris les plus mal-aimables, comme cet ancien amant par qui le scandale arrive, et que le réalisateur finit par rendre attachant. Le personnage principal lui-même, d’ailleurs, est présenté comme une femme forte et sincère, mais elle a aussi abandonné toute sa famille, y compris un enfant en bas âge.
Mais Sirk ne juge pas. Pas de moralisme chez lui, ni de romantisme puéril. L’amour, pour le plus grand réalisateur de mélos hollywoodiens, est quelque chose de complexe et de contradictoire, où le bonheur et la cruauté ne sont jamais bien loins l’un de l’autre. Faut-il dire que Barbara Stanwyck est à tomber par terre ? Cette femme, rattrapée par son passé et par ses choix, par cette famille qui la désire et la déteste tout à la fois, est un personnage bouleversant, interprété avec une profondeur et une simplicité qui sont la marque des très, très grandes actrices. Sirk la retrouvera d’ailleurs trois ans plus tard pour un autre chef d’œuvre, Demain est un autre jour, autre film magnifique sur l’amour et le temps qui passe, thème pour lequel le cinéaste a trouvé en Barbara Stanwyck son interprète idéale.
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