Panic sur Florida Beach (Matinee !) – de Joe Dante – 1993
Il a fallu trois ans à Joe Dante pour réaliser ce film, l’un de ses plus personnels. Le triomphe du premier Gremlins avait fait de lui un réalisateur en vogue à Hollywood, à qui on a commencé à confié des gros budgets. Un statut qui, bien sûr, reposait sur un malentendu : Gremlins, avec son humour gentiment régressif, ses citations cinématographiques et son ton acide, était loin des productions grand public que les producteurs attendaient de lui. Autant dire que lorsqu’il a eu carte blanche pour Gremlins 2, le film était loin de leurs attentes, et que la suite a été bien plus difficile (jusqu’à aujourd’hui d’ailleurs) pour ce réalisateur passionnant, abreuvé de cinéma bis (Tarantino n’est pas le premier).
Trois ans pour monter ce film, pendant lesquels le projet initial a radicalement changé. Dans un premier temps, il devait réellement s’agir d’un film de monstres. Mais peu à peu, tout aspect fantastique a disparu, pour laisser place à un hommage vibrant (dans tous les sens du terme) au cinéma bis des années 50, celui-là qui a formé la cinéphilie du jeune Joe Dante.
Dante le reconnaît lui-même : son film est anachronique. Le genre de cinéma qu’il présente ici (des films de monstre ; et des expérimentations farfelues à l’image du cinéma dynamique, en odorama ou en 3D) était déjà passé de mode en 1962, époque où se passe l’histoire. C’est un anachronisme assumé, Dante mêlant cet hommage au cinoche des années 50, à un portrait satyrique de l’Amérique terrifiée par la bombe atomique durant la crise des missiles de Cuba.
Le film commence comme un teen-age movie sympathique mais assez classique : un ado, fils d’un militaire, change continuellement d’école pour suivre son père, de base en base ; ne pouvant se faire des amis, il se réfugie dans les films d’horreur. Mais le ton évolue rapidement, lorsqu’un producteur-réalisateur de films d’horreur (le génial John Goodman), inspiré par William Castle, arrive dans sa petite ville pour présenter son nouveau film, « Mant ! » (l’homme-fourmi, un jeu de mot pourri entre « man » et « ant »), pour lequel il a équipé le cinéma local d’un équipement décoiffant.
La projection, tant attendue, représente le gros morceau du film. L’objectif du producteur est de faire croire aux spectateurs que les monstres sortent de l’écran, que la menace gagne la salle, et il y parvient au-delà de ses espérances. Entre le figurant-monstre qui pète un plomb, le patron du cinéma qui se réfugie dans son abri anti-atomique dès que la salle se met à trembler, et l’audience entière qui finit par fuir pensant la fin de leur monde arrivée… C’est un joyeux bordel que filme Joe Dante, avec un génial sens de la dérision ; et une sincérité touchante pour ce cinéma d’un autre temps.
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