Il y a des jours… et des lunes – de Claude Lelouch – 1990
La voix off de Claude Lelouch accompagne ses personnages tout au long du film, et conclut au final que la conclusion du film, aussi tragique soit-elle, est peut-être le début de « la belle histoire »… Lelouch annonce lui-même la couleur : son film se poursuivra d’une certaine manière, et d’une façon plus aboutie, plus ambitieuse et plus définitive, avec son film suivant, justement appelé La Belle Histoire. Et c’est vrai que Il y a des jours et des lunes peut être vue comme un brouillon de son film suivant, qui sera l’un des sommets de la filmographie. Pas un brouillon puéril comme Toute une vie, mais un brouillon attachant et fascinant, dans lequel Lelouch ne va simplement pas jusqu’au bout de ses envies.
Il y a des jours… et La Belle Histoire partent d’un postulat semblable : toute une série de petits événements a priori sans rapport les uns avec les autres, et mettant en scène de nombreux personnages qui, pour la plupart ne se connaissent pas, converge entièrement vers un unique événement, en l’occurrence la mort, annoncée par Lelouch dès les débuts du film, de l’un des personnages. Mais ce film est bien plus modeste que le suivant : l’événement annoncé est brutal et spectaculaire (et non pas une « simple » rencontre). Et le temps du film est bien sûr radicalement différent : là où La Belle Histoire se déroule sur près 2000 ans, Il y a des jours… ne dure… qu’une seule nuit.
Pas n’importe quelle nuit, puisqu’il s’agit d’une nuit de pleine lune, et que cette pleine lune a visiblement un effet étrange sur les personnages, qui vivront une nuit… disons pleine.
Il y a Gérard Lanvin, camionneur qui voit en quelques heures son couple, son boulot, son honnêteté et plus encore lui filer entre les doigts… Il y a Marie-Sophie L., amoureuse déçue par un mari absent et un amant cynique (Patrick Chesnais), qui ne trouve un peu d’attention que lors d’une rencontre fortuite avec un chanteur souffrant de solitude (Philippe Léotard)… Vincent Lindon, père de famille qui joue la garde de sa fille à pile ou face… Francis Huster, prêtre tiraillé entre sa relation avec un musicien, et l’amour d’une paroissienne… ou encore Paul Préboist, qui nous refait le coup du long monologue face caméra, cher à Lelouch, dissertant sur les effets, scientifiques ou pas, de la lune sur le monde et ses habitants.
C’est du pur Lelouch, du beau Lelouch, qui peine un peu à démarrer : il faut vingt bonnes minutes pour véritablement s’immerger dans ces petits destins, la magie ne prenant vraiment que lorsque la nuit tombe sur cette France à la fois quotidienne, et complètement barrée. Il y a ainsi de vrais moments de grâce, comme cette scène où Lanvin, au bout du rouleau, s’arrête sur une aire d’autoroute en pleine nuit, et enchaîne les mauvaises nouvelles au téléphone, pendant qu’une troupe de spectacle itinérante se met à chanter, comme si le film se transformait en une comédie musicale. C’est un moment de cinéma irréel et fascinant, l’un de ceux qui font la force du cinéma de Lelouch…
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