Le Chevalier de Maison Rouge – d’Albert Capellani – 1914
Après Germinal, l’un des premiers (très) longs métrages français, et qui restera son chef d’œuvre, Capellani s’attaque à une autre œuvre du patrimoine littéraire, signée Dumas celle-là : Le Chevalier de Maison Rouge, ou les aventures d’un groupe de royalistes bien décidés à faire évader l’ancienne reine Marie-Antoinette, emprisonnée en attendant son jugement. C’est un film primitif, il ne faut pas l’oublier : le film n’a pas les qualités des chef d’œuvre des années 20 ; la caméra est quasiment toujours statique, posée dans une pièce et filmant sans coupure tous les événements qui se déroulent devant elle.
Du théâtre filmé ? Curieusement, non. Il y a dans le choix des cadrages, dans le jeu des interprètes, dans l’enchaînement des plans, une force toute cinématographique, et sans équivalent dans le cinéma français de 1914. Avec Le Chevalier de Maison Rouge, Capellani trace un trait d’union entre les « films d’art » du début du siècle, et les grandes œuvres à venir. Il semble à peu près certain que les films de Capellani ont contribué à faire évoluer le cinéma (et l’évolution que le 7ème art connaîtra dans les quelques années à venir est sidérante). John Ford lui-même admettait d’ailleurs avoir été marqué par le cinéma de Capellani.
Le Chevalier de Maison Rouge, pourtant, commence plutôt mal : c’est une succession de tableaux présentant des postures de révolutionnaires triomphants, qui semblent tirés d’illustrations d’époque. Mais bientôt, les quelques personnages centraux prennent de l’ampleur, et de la consistance. Tant pis si le personnage-titre est interprété par un cabôt qui en rajoute des tonnes dans l’aspect théâtral (Escoffier), et dont le jeu le plus expressif consiste à se draper dans sa cape. Sa première apparition a lieu lors d’une rencontre secrète dans un bar fréquenté par des révolutionnaires, avec sa sœur qui doit l’aider à entrer clandestinement dans Paris, où il est recherché pour ses sympathies royalistes. La manière qu’Escoffier a de jouer le mystère porte à rire, un siècle plus tard…
Le personnage de Dixmer, joué par Dorival, est bien plus passionnant. Commerçant marié avec la sœur du Chevalier, il a été admis par les Révolutionnaires comme l’un des leurs, mais complote en secret avec son beau-frère pour libérer la Reine. Le jeu d’Escoffier est étonnamment moderne. Son personnage, il est vrai, est passionnant, tiraillé entre sa position confortable et sa « cause », entre la jalousie qu’il éprouve à voir sa femme attirée par un jeune et beau capitaine justement chargé de garder la reine, et la volonté de profiter de cet amour naissant pour organiser l’évasion. Amoureux, cynique, engagé et pauvre type, c’est de loin le personnage le plus marquant de cette fresque ample.
Bien sûr, l’issue de l’histoire ne fait aucun doute à ceux qui ne vivent pas dans une grotte depuis 220 ans : toutes les tentatives pour faire évader la reine seront des échecs retentissants. Pourtant, la conclusion est poignante, et Capellani parvient à instaurer un authentique suspense. Ça force le respect…
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