Le Masque de cuir (The Ring) – d’Alfred Hitchcock – 1927
Hitchcock a raconté que l’envie de faire ce film (muet) est venu de deux images toutes simples : alors qu’il assistait régulièrement à des combats de boxe, à Londres, le jeune réalisateur avait été frappé par la présence d’un public de bourgeois vêtus de blanc. Il avait aussi été frappé par l’utilisation de champagne, que l’entraîneur versait sur la tête du boxeur entre deux rounds. Deux images que l’on retrouve d’ailleurs dans ce film, muet, tourné alors que le jeune Hitch était déjà un réalisateur tout puissant en Angleterre. Un réalisateur qui pouvait déjà tourné à peu près ce qu’il voulait.
n peut alors s’étonner que son choix se soit porté sur une intrigue aussi classique : The Ring, c’est l’histoire on ne peut plus banale (même à cette époque) du triangle amoureux. Une femme aimée par deux hommes, qui se battent pour elle. Littéralement, ici, parce que les deux hommes en question sont boxeurs. Le fiancé officiel (Carl Brisson) est un jeune pugiliste plein de promesses, mais cantonné à de petits combats dans des fêtes foraines. L’amant (Ian Hunterà est un champion national (d’Australie), qui embauche le fiancé, officiellement pour lui servir de sparing partner, officieusement pour attirer la belle (Lillian Hall-Davies) vers lui…
Rien d’original dans l’histoire en elle-même, donc, si ce n’est la dimension exceptionnelle que lui donne la boxe en toile de fond. Dans un genre auquel il n’est pas habitué, Hitchcock se révèle particulièrement inspiré : le film est une splendeur, qui s’ouvre sur une plongée impressionnante dans l’univers de la fête foraine. La caméra plonge dans la foule et recrée, sans l’aide du son bien sûr, l’effervescence qui règne à la fois dans le public très nombreux, et chez les forains. Entre plans de foules et gros plans, ces premières minutes démontrent la maîtrise parfaite d’un cinéaste qui n’a pas 30 ans, mais qui est déjà le plus grand de son pays.
On retrouve indéniablement la patte d’Hitchcock, cette manière qui n’appartient qu’à lui d’être le plus politiquement incorrect des grands maîtres, l’air de ne pas y toucher. Avec une légèreté qui n’est qu’un leurre, il filme un policier qui regarde, rigolard, un noir se faire ridiculiser par une bande de garnements, avant d’intervenir contraint et forcé.Il filme aussi magnifiquement la jalousie qui naît chez le brave boxeur, par petites touches délicates. Mais surtout, il filme les coulisses de la boxe et les combats eux-mêmes avec un génie de tous les instants, se renouvelant scène après scène. Le premier combat se déroule même hors champs ; lors d’un autre, la caméra reste fixée sur le visage de ce jeune boxeur dont l’ascension ne peut que culminer avec ce combat face à celui qui fut son mentor, qui est son rival, et qui sera son rédempteur…
Le film était le plus gros budget du cinéma anglais à l’époque. Il fut aussi un triomphe critique et public, et reste, 84 ans plus tard, un sommet du cinéma muet britannique.
Laisser un commentaire
Vous devez être connecté pour rédiger un commentaire.