Bobby Deerfield (id.) – de Sydney Pollack – 1977
Sur le papier, cette histoire d’amour représente le point culminant du mélodrame sirupeux. Un homme ne vivant que pour sa carrière (il est champion de course automobile), et passant totalement à côté de la vraie vie, insensible aux ravages qu’il peut faire autour de lui, trouve le grand amour auprès d’une jeune femme étrange qui elle est pleine de vie, et va lui apprendre à sortir de sa coquille, et à se révéler enfin à lui-même. Mais cette jeune femme pleine de vie est en phase terminale…
Sur le papier, donc, il y a des relents de Love Story qui m’auraient fait fuir sans me retourner si le film n’était pas une adaptation d’un roman d’Erich Maria Remarque, et qu’il ne marquait l’unique collaboration entre Al Pacino et Sydney Pollack. Comme on pouvait s’y attendre, Pollack évite soigneusement tous les pièges du mélo, et va même ouvertement dans la direction opposée, signant un film curieusement froid et dépassionné. C’est à la fois sa force et sa limite : sa force, parce que le film est à l’image de ce Bobby Deerfield, interprété avec beaucoup de retenue par Pacino ; et sa limite, parce qu’on a tendance à adopter le même comportement, lointain et distant.
Heureusement, il y a le personnage de Marthe Keller, dont on se demande si elle est folle ou seulement assoiffée de vie. Sa rencontre un Pacino qui pourrait être son double négatif est passionnante. Le film ne ressemble à vrai dire à aucun autre. Tantôt passionné, tantôt glacé. C’est la rencontre de deux êtres radicalement opposés, mais attirés par leurs douleurs respectives. C’est l’histoire d’un homme qui laisse sa vie s’envoler, sauvé par une femme qui ne peut rien faire pour retenir la sienne.
La séquence, scène de ménage d’une triste banalité, au cours de laquelle Pacino/Deerfield apprend de la bouche de sa petite amie (notre Anny Duperey) que la jeune femme dont il est tombé amoureux est mourante, est d’une beauté sidérante, d’une simplicité absolue, mais bouleversante. Le regard paniqué de Pacino, décidément immense, fait plonger en un éclair le film dans une autre dimension. Lui en a finit de passer à côté de sa vie ; le film devient alors solaire, et beau à pleurer.
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