Open Range (id.) – de Kevin Costner – 2003
Mais qu’attend-on pour réhabiliter Kevin Costner, pour lui redonner l’importance qui était la sienne au début des années 90… OK, sa carrière n’est pas irréprochable, mais elle n’en est pas moins d’une grande cohérence (on appelle ça une œuvre, et on finira pas s’en rendre compte, sûr…), et souvent passionnante. Et puis Costner a quand même réalisé deux des trois meilleurs westerns de ces trente (ou quarante ?) dernières années (l’autre, c’est Impitoyable, of course). Plus simple, mais tout aussi beau que Danse Avec les Loups, Open Range reste à ce jour sa dernière réalisation (qui aurait pu ne jamais voir le jour : il faut absolument regarder le making-of de l’édition double-DVD, l’un des plus passionnants que j’ai pu voir). Le moins qu’on puisse dire, c’est que le cinéma américain passe totalement à côté de l’un de ses meilleurs représentants…
Costner aime le western, et il signe avec Open Range un film d’un classicisme absolu. Le thème, d’abord, est l’un de ceux qui ont fabriqué la légende de l’Ouest. Comme dans Danse Avec les Loups, c’est l’imminence d’un nouveau monde qui est au cœur du film : ici, c’est la fin annoncée des grands espaces ouverts (les « open ranges » du titre), avec la puissance grandissante des grands propriétaires de ranchs, qui voient d’un mauvais œil les convois de bétails venir paître sur leurs terres. Cet affrontement est presque aussi vieux que le genre lui-même, mais Costner le traite avec un premier degré rafraîchissant, et une pointe de nostalgie qu’on devine sincère : Costner aime les grands espaces et la liberté de la vie au contact de la nature.
Mais d’un autre côté, il n’est pas dupe, et a conscience que les changements sont inéluctables. Ainsi, son personnage, et celui campé par Robert Duvall, aspirent à une vie plus bourgeoise, à dormir sous un vrai toit. C’est dans l’affrontement avec ce grand propriétaire qui veut leur imposer sa façon de voir les choses, qui bafoue les fondements-même de l’Amérique, en dictant sa conduite au représentant de la justice, que les deux hommes vont pouvoir changer de vie. En réaffirmant, armes au poings, leur libre-arbitre. Open Range est en cela un film profondément américain, qui pointe du doigt les limites et les grandeurs du pays, inextricablement liés.
Au côté de Duvall, vieux briscard menant un petit convoi de bétail à travers le pays, Costner symbolise aussi le droit à une deuxième chance. Son personnage de cow-boy taiseux cache un passé trouble (qu’il finira par révéler lors d’une scène de nuit qui n’est pas sans rappeler une très belle séquence d’Impitoyable), gagnera le droit à une deuxième chance. Hommes libres, qui préfèrent la mort à la soumission, les deux cow-boys révélent à la population soumise de la petite ville qu’ils traversent la voie de la révolte, qui éclatera dans une longue séquence de réglement de compte qui figure parmi les toutes meilleures du genre de toute l’histoire du western. Brutale et violente, cette longue fusillade dans les rues de la petite ville glace nous fait ressentir chaque impact de balle, et glace le sang lorsque la population finit par intervenir, libérant des années de frustration et de soumission…
Avant ce grand moment de bravoure, malgré la tension constante, le film est curieusement avare en action, plus contemplatif qu’explosif. Et on ne s’en plaint pas : Costner filme la nature, les grands, les chevaux, les ciels comme personne. J’écrivais que le film est d’un grand classicisme, mais il faut ajouter qu’il n’y a pas dans le film le moindre plan filmé par-dessus la jambe : Costner réussit un film visuellement superbe, mais dont les images ne prennent jamais le dessus sur l’histoire.
Quant à l’histoire d’amour, elle est tout simplement bouleversante. Comme Mary McDonnell dans Danse Avec les Loups, Costner fait le choix de filmer une actrice dont le visage est beau, certes (très beau même : Annette Benning n’a jamais été aussi séduisante que dans ce film), mais marqué par le temps et les épreuves. La rencontre entre Annette Benning et Kevin Costner, et l’attirance qui naît entre ces deux êtres solitaires et un peu maladroits, sont d’une délicatesse (et d’une drôlerie, souvent) absolue.
Open Range est un chef d’œuvre, qui semble se bonifier avec les années. Il serait temps qu’on le redécouvre, et que les studios laissent enfin Costner repasser derrière la caméra.
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