Toute une vie – de Claude Lelouch – 1974
Les obsessions de Lelouch ne datent pas d’hier, décidément… Toute une vie n’est pas une grande réussite, c’est sûr. Mais ce film hyper ambitieux est fascinant, parce qu’il est la matrice de quasiment tous les grands films à venir de Lelouch. Le thème central, pour commencer : comment les vies de trois générations de personnages convergent toutes vers une rencontre entre un homme et une femme, des années, voire des décennies plus tard. On voit bien où Lelouch veut en venir, parce qu’on sait qu’il approfondira ce thème, jusqu’au vertige, dans La Belle Histoire. Mais dans ce dernier film, les époques se répondaient, et le poids des vies passées était tangible, et particulièrement émouvant, dans ce long chemin que suivaient Béatrice Dalle et Gérard Lanvin vers leur propre destin. Ici, l’impact d’une génération sur l’autre est plus discutable (sauf l’amour que portait Charles Denner à sa femme, et qu’il reporte sur sa fille, ce qui aurait fait le sujet d’un film en soi…). Et sans l’éclairage qu’apportent rétrospectivement les films que Lelouch tournera par la suite, on peut imaginer que Toute une vie a dû sembler bien vain, lors de sa sortie.
L’ambition est là, et bien là : Lelouch retrace tout le XXème siècle, y compris les années futures, dans une séquence fantasmée absolument insupportable, à l’esthétique new age qui en a pris un sacré coup dans l’aile. Mais voilà, si le cinéaste a les envies, il n’en a pas encore les moyens. Les moyens artistiques, s’entend, parce que les moyens financiers crèvent l’écran. Mais ce fameux style-Lelouch que j’aime tant, pure forme cinématographique à la fois intime et grandiose, romanesque et personnelle, ne se devine qu’à l’état embryonnaire.
Tout l’univers de Lelouch est là, déjà, mais en devenir. Le réalisateur essaye, tâtonne, fait parfois mouche (le ballet des valises, figure que n’aurait pas reniée Hitchcock), dessine à gros traits des esquisses qu’il peaufinera par la suite. Si on prend un certain plaisir à regarder le film, c’est parce qu’on découvre des scènes, ou des situations, qu’on reverra dans d’autres films de Lelouch, en mieux : dans La Belle Histoire, donc, mais aussi dans Itinéraire d’un enfant gâté, Les Misérables, Hasards ou coïncidences, et d’autres encore. Toute une vie est le laboratoire d’où sont sortis quelques chef d’œuvre, et c’est déjà pas mal…
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