La Maison des otages (Desperates Hours) – de Michael Cimino – 1990
Un remake d’un polar des années 50 (de Wyler, avec Bogart), réalisé par un cinéaste certes génial, mais au fond du trou… On pouvait avoir peur. Et les premières scènes ne rassurent pas vraiment. Bien sûr, il y a un métier évident, et on retrouve la patte du réalisateur de Voyage au bout de l’enfer dans sa manière de filmer l’homme (enfin, la femme ici) dans les immenses étendues sauvages d’Amérique… Alors le film sent bon la bonne série B efficace et distrayante, mais on ne s’attend pas vraiment à grand-chose d’autre.
Desperate Hours, d’ailleurs, est un pur film de genres, qui reprend des recettes vieilles comme le film noir ou comme le film de gangster. Et avec des personnages qui ne sont pas loin d’être des stéréotypes : la femme fatale blonde aux jambes interminables (qui montre ses seins dans une scène sur deux, allez savoir pourquoi…), le méchant sans pitié qui se rêve en homme du monde (Cagney ou Robinson n’auraient pas craché sur un tel rôle), le flic plus malin que les autres prêt à enfreindre les règles, la pure famille américaine.
Sauf que ces stéréotypes cachent des fêlures profondes comme le Grand Canyon. La femme fatale, jouée par Kelly Lynch, est d’une complexité immense, et ressemble plus à une victime, terrorisée par son gangster de mec. Le gangster, donc (Mickey Rourke, encore beau, qui s’apprêtait à chuter tout au fond du trou au niveau personnel et professionnel), est un dur qui tue de sang froid, certes, mais c’est aussi un type bien moins malin qu’il ne l’imagine, et aussi bien moins courageux (il n’y a qu’à voir cette scène mémorable où il s’accroche à la jambe de son ancienne victime pour ne pas voir ce qui l’attend). Et entouré de deux crétins assez gratinés (Elias Koteas, et surtout David Morse, qui se lance en solo dans une cavale qui durera deux secondes et demi, juste à cause de sa bêtise, et qui s’achèvera dans une sorte de communion très belle avec la nature…).
Quant à la pure famille américaine, elle prend un sacré coup dans son image. Ce n’est d’ailleurs plus vraiment une famille puisque monsieur (Anthony Hopkins) a quitté femme (Mimi Rogers) et enfants pour une jeunette à peine plus vieille que sa fille. Et s’il tente de retrouver grâce aux yeux de sa femme, c’est parce que sa maîtresse l’a quitté à son tour. On ne croit pas une seconde à sa sincérité quand il lance à sa femme des grandes déclarations style « je me suis rendu compte que je ne pouvais pas vivre sans toi ». Sans « toit », oui…
Il y a un vrai côté cynique dans ce film, qui raconte en fait la renaissance de cette famille qui, incapable de parler sincèrement et sans masque, ne peut se reformer que par un événement extrême et extérieur. Catalyseur malgré lui de cette réconciliation, Mickey Rourke impose à Mimi Rogers et Anthony Hopkins une cohabitation qu’ils n’étaient plus capables d’envisager par eux-mêmes. Mieux encore : il tue de sang froid, et sans raison apparente, le brave agent immobilier chargé de la vente de cette maison, symbole de la désunion du couple… Il y a des conseillers matrimoniaux un brin moins expéditifs…
Cimino fait de son film une satire, mais il n’oublie ni le récit, ni le rythme : son film est aussi, et surtout, un suspense hyper efficace, où la tension monte constamment jusqu’à l’explosion finale, et la libération (dans tous les sens du mot). Et Anthony Hopkins qui referme la porte criblée de balles sur le cadavre du geôlier (et sauveur) de sa famille…
* Le film est sorti en DVD dans une édition simple chez Carlotta, au printemps 2016.
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